Un coffret monumental et un fantastique documentaire de Martin Scorsese saluent la Rolling Thunder Revue de Bob Dylan.
Le 24 mai 1975, le jour de ses 34 ans, Bob Dylan assiste à la procession gitane de Saintes-Marie-de-la-Mer. Ébloui par la Vierge noire, Dylan compose une chanson, « One More Cup of Coffee », puis imagine le concept de sa prochaine tournée : un spectaculaire happening gypsy, un mini-festival itinérant dans des salles à taille humaine et des apparitions surprises, façon hit and run, à l’opposé de son dernier tour des stades avec le Band, en 1974.
De retour à New York, Dylan monte un groupe composite où Bobby Neuwirth et Ramblin’Jack Elliott, vieux compagnons des raouts folk, croisent un T-Bone Burnett encore méconnu, Mick Ronson, l’artificier des Spiders from Mars de David Bowie et Scarlet Riviera, une violoniste pré-gothique croisée à un carrefour de Manhattan. Plus tard, Roger McGuinn et Joni Mitchell rejoindront la caravane, mais le baladin des Byrds et la sirène canadienne devront céder la lumière à Joan Baez. Pour beaucoup, la réunion du Roi et de la Reine de Newport après dix ans d’éloignement est l’événement de la Rolling Thunder Revue. Inscrite au cœur de sets évolutifs mêlant classiques Dylaniens branchés sur le 220 (« It Ain’t Me Babe », « Just Like a Woman », « The Lonesome Death of Hattie Carroll »), leur numéro de duettistes rejoint les extraits encore inédits de Desire, dont « Isis », « Romance in Durango » et « Hurricane », qui contribuera grandement à la libération du boxeur emprisonné Hurricane Carter.
En 2002, le cinquième volume des fameuses Bootlegs Series proposait un double volume des meilleurs extraits de ces concerts historiques. 17 ans plus tard, The Rolling Thunder Revue : The 1975 Live Recordings, multiplie la donne par sept avec 14 CDs incluant l’intégralité des cinq enregistrement professionnels de ces concerts assortis de disques bonus. Dans cette catégorie figurent trois CDs de répétitions où Dylan guide ses accompagnateurs au travers des chansons du futur Desire, ainsi qu’un recueil de one-shots saisissants, parmi lesquels un vigoureux « It Takes a Lot to Baugh, It Takes a Train To Cry » en compagnie de Robbie Robertson.
Dévoilé en avant-première à La Cinémathèque française avant sa diffusion miniaturisée sur Netflix, Rolling Thunder Revue A Bob Dylan Story réactualise la filmographie commune de Martin Scorsese et Dylan après The Last Waltz (1976) et le documentaire définitif No Direction Home, en 2005. Puisant le meilleur de l’inintelligible Renaldo & Clara, pensum filmé par le Zim’ himself sur la tournée, Rolling Thunder Revue, le pendant vidéo du coffret précité, aligne en 140 minutes une suite ininterrompue de séquences live et d’anecdotes tourneboulantes —quitte à travestir les faits— des origines fantaisistes du maquillage kabuki arboré sur scène par Dylan à la présence en coulisses d’une jeune fan nommée Sharon Stone, sans oublier la véritable inspiration du « Coyote » de Joni Mitchell…
On aperçoit également Allen Ginsberg, Sam Shepard, Patti Smith et une foule de seconds rôles pittoresques, mais la plus grande révélation de Rolling Thunder Revue émane de son personnage principal : surpassant son temps de parole cumulé sur scène depuis trente ans, Bob Dylan se livre face caméra et retrace, non sans une certaine ironie, une aventure sans lendemain aujourd’hui consacrée dans un coffret et un documentaire du tonnerre.
Bob Dylan The Rolling Thunder Revue : The 1975 Live Recordings (coffret 14-CDs Sony Legacy). Documentaire Rolling Thunder Revue : A Bob Dylan Story de Martin Scorsese disponible sur Netflix.
Photos : Ken Regan