Il y a cinquante ans, Stax, le label créé par Jim Stewart et Estelle Axton, traversait une période agitée et créative dont les cinq CD du superbe coffret “Stax ’68, A Memphis Story” sont le reflet.
Fin 1968, Isaac Hayes, qui formait avec David Porter un insécable duo de songwriters “maison” que d’aucuns qualifiaient à juste titre de « geniuses at work », commençait d’enregistrer avec les Bar-Kays un 33-tours qui allait faire entrer Stax dans une nouvelle ère : “Hot Buttered Soul”, chef-d’œuvre certifié s’il en est. Les douze mois qui avaient précédé ces séances historiques ne furent pas de tout repos pour le label de Jim Stewart avec, en points d’orgue, la mort tragique d’Otis Redding en décembre 1967 et l’assassinat de Martin Luther King, Jr. en avril 1968.
Déterminé à continuer de faire perdurer son entreprise – « Le Memphis Sound n’était pas notre préoccupation. Nous faisions des disques, et si nous pouvions en faire qui se vendent, peu importait leur style » –, Jim Stewart fait tourner à plein régime ses studios, et les 134 titres (!) publiés entre le 8 janvier et le 21 décembre 1968 reflètent cette volonté d’ouverture. La soul music reste bien sûr la musique reine, mais via les sous-labels de Stax comme Hip ou Enterprise, les mondes de la pop psychédélique et du jazz sont explorés – le saviez-vous, le futur membre du Mwandishi Sextet d’Herbie Hancock, le trompettiste Eddie Henderson, a publié le single Georgy Girl / A Million Or More Times en avril 1968 ?
Ce qui fait la richesse de “Stax ’68, A Memphis Story”, c’est qu’au milieu des pépites bien connues des lecteurs de muziq.fr – le sublime et posthume (Sittin’ On) The Dock Of The Bay d’Otis Redding, I Thank You de Sam & Dave, Soul-Limbo de Booker T& The MG’s, Who’s Making Love de Johnnie Taylor, What A Man de Linda Lyndell… –, on (re)découvre un nombre impressionnant de petits trésors oubliés de trois minutes, concentrés de savoir-faire, de savoir-jouer et de savoir-produire, mon tout dans une urgence créative inimaginable aujourd’hui.
Outre sa richesse musicale, ce coffret qui rappelle au passage que le format CD est idéal pour ce genre d’anthologie, est parfaitement conçu d’un point de vue éditorial grâce à son livret illustré (photos, pochettes, coupures de presse…) et ses deux essais passionnants – l’un plutôt axé sur l’histoire et l’actualité de Memphis en 1968, l’autre sur la musique. Au même titre que le coffret “The Stax Story” paru en 2000, “Stax ’68, A Memphis Story” doit impérativement figurer dans vos compactothèques. Foi de Doc. •
COFFRET “Stax ’68, A Memphis Story” (5 CD Craft Recordings Stax / Universal, déjà dans les bacs)