Steve Vai était vraiment le 8 mai 1980 au Mudd Club de New York pour assister au concert de Frank Zappa, mais Doc Sillon a eu l’impression d’y être aussi grâce au nouvel inédit publié par Zappa Records, “Zappa ’80 Mudd Club / Munich”, qui comme son titre l’indique regroupe deux concerts du Génial Moustachu™. Live report exclusif avant la sortie du triple CD le 3 mars !
Comme votre Doc le disait lors du précédent article à caractère informatif consacré à “Zappa ’80 Mudd Club / Munich” publié sur ce site, « les fans de Zappa sont aux anges », contrairement à ceux d’un autre grand disparu, Prince, dont le rythme de parutions posthumes a quelque peu ralenti ces derniers temps. [Pourtant, comme celui de Zappa, le Vault princier contient suffisamment de merveilles inédites pour maintenir un tempo éditorial soutenu, NDR.] Ainsi, quelques mois seulement après avoir appris par cœur le sublime coffret “Waka / Wazoo”, j’ai pu grâce à deux sympathiques professionnelles de la profession – Valérie et Isabelle pour ne pas les nommer – écouter en exclusivité le concert d’une heure donné par Frank Zappa au Mudd Club de la Grosse Pomme le 8 mai 1980 (qui tient sur le premier CD) et celui du 3 juillet de la même année à Munich (qui prend ses aises sur deux CD), dernier d’une grande tournée européenne de trente-trois dates qui, soit dit en passant, avait rencontré plus de succès que celle de Led Zeppelin qui eut lieu en juin de la même année en Europe.
Comme Steve Vai, déjà chargé de faire moult transcriptions pour son héros et qui n’allait pas tarder à devenir son nouveau stunt guitarist, nous voilà donc installé au milieu des happy fews du club new-yorkais branché, et comment ne pas être bluffé par l’aisance, pour ne pas dire la virtuosité vocale du band de Zappa ? Car à sa voix si singulière se mêlaient alors celles soulful et bluesy de Ray White et d’Ike Willis, du bassiste Arthur Barrow et, au gré d’impros scattées, du claviériste Tommy Mars, formant une sorte d’ensemble doo-wop iconoclaste à nul autre pareil.
Comment ne pas apprécier aussi, comme le dit Vai dans ses liner notes, le son qui sort directement des amplis ? Cette formation n’est peut-être pas l’une des plus historiques assemblées par le maestro toujours prêt à se remettre en jeu, mais on mesure aujourd’hui sa cohésion. Dans la set list cohabitaient des classiques du catalogue zappaïen (les instrumentaux Chunga’s Revenge, Pound For A Brown et Outside Now,mais aussi Keep It Greasy, City Of Tiny Lights, You Didn’t Try To Call Me…) et des chansons encore inédites comme You Are What You Is (qui donnera son titre au double album qui sortira en 1981), Easy Meat (qui figurera dans l’autre double LP de 1981, “Tinseltown Rebellion”) et, tiens, donc, Mudd Club. Notez, les ami(e)s, que même si le concert avait été enregistré sur un Nagra posé près de la caisse enregistreuse derrière le bar du club, le son est impeccable !
À Munich, deux mois plus tard, le groupe de Zappa effectuait donc son dernier concert in Europe avant de retourner aux États-Unis. Arrêtons-nous un instant sur son batteur, David Logeman, qui avait eu la lourde tâche de remplacer Vinnie Colaiuta, retourné en studio après avoir, dit-on, osé demander une augmentation à Zappa ! (Quel toupet ce Vinnie.) Choisi lors d’une audition où défilèrent près de cinquante (!) prétendants, il s’acquitte parfaitement de sa tâche, sans la folie d’un Terry Bozzio ou l’hyper-virtuosité d’un Colaiuta, mais son jeu se fond parfaitement dans le son d’ensemble du groupe – suite au retour de Colaiuta, David Logeman sera remercié par Zappa qui, embêté (il aimait beaucoup le groove et le feeling de ce batteur), lui signera un gros chèque de consolation. Zappa et Logeman resteront d’ailleurs en bons termes, et ce dernier n’a jamais caché que ce gig de quelques mois fut le plus grand moment de sa carrière. (Logeman est aussi très fier d’avoir joué sur “You Are What You Is” et “Tinseltown Rebellion”.)
Comme au Mudd Club, le groupe s’était échauffé avec Chunga’s Revenge et enchaîné avec Keep It Greasy. Parmi les meilleurs moments de ce concert magnifiquement enregistré, votre Doc a particulièrement vibré à l’écoute de Pound For A Brown, prétexte d’une improvisation de Tommy Mars en forme de very good trip pour… Mars (sans parler du solo en forme de missile balistico-électrique envoyé par le Génial Moustachu™), City Of Tiny Lights (combien y a-t-il désormais de versions mémorables de cette chanson qui ne l’est pas moins ? On ne les compte plus…), You Are What You Is (que le public munichois découvrait), délicieusement funky (on se pâme devant la précision millimétrée de la mise en place), le toujours poétique Why Doest It Hurts When I Pee ? (pas mal d’extraits du tryptique “Joe’s Garage”, que les fans étaient en train d’apprendre par cœur), Ms. Pinky (Logeman se déchaîne) et la reprise de Nite Owl qui renvoie aux amours de jeunesse de Zappa pour le doo-wop et, last but note least, le solo incendiaire du Maestro dans The Illinois Enema Bandit.
Un mot sur le l’objet-disque, superbe digipack quatre volets richement illustré. (Nous n’avons pas encore pu approcher les vinyles.) Quant au livret, on en apprend de belles grâce aux liner notes de Steve Vai et d’Arthur Barrow, mais aussi du photographe George Alper et de l’heureux Vaulmeister™ Joe Travers. Merci Zappa Records ! A très vite pour d’autres surprises aussi belles que celle-ci ! [Se lassera-t-on un jour de Zappa ? Impossible !]
CD “Zappa ’80 : “Mudd Club / Munich” (Zappa Records / Universal, sortie le 3 mars).
LP “Zappa ’80 : “Mudd Club” et “Munich” (Zappa Records / Universal, sortie le 31 mars),
NET zappa.com.
Photos : George Alper (Zappa Records / Universal).