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Soft Machine, l’inespéré retour

SOFT MACHINE Pochette

“Hidden Details” célèbre le retour Soft Machine trente-sept ans après “Land Of Cockayne”, qui clôturait l’une des sagas les plus marquantes du rock progressif anglais venu de Canterbury.

Le parcours de Soft Machine est parsemé de multiples évolutions, autant humaines que musicales : du trio psychédélique initial, autour du génial batteur et fou chantant Robert Wyatt, en passant par les expérimentations jazz-rock de “Six” et “Bundles”, jusqu’à l’embarrassant épilogue orchestral que fut “Land Of Cockayne” en 1981. On pensait cette Machine Molle définitivement hors circuit, même si, de temps à autres, quelques sympathiques hommages fleurissaient sous le nom de Soft Machine Legacy. Cette fois- ci, les choses diffèrent, grâce à la présence conjuguée de Roy Babbington (basse), John Marshall (batterie) et John Etheridge (guitare). Tous anciennes figures du groupe, et même si aucuns d’entres eux n’en est membre fondateur, un rapide historique s’impose, pour mieux apprécier la valeur de cette reformation.

Roy Babbington

Roy Babbington

Le premier à rejoindre Soft Machine fut le bassiste Roy Babbington (ex-Ian Carr Nucleus et Keith Tippett Centipede). En 1970, il est invité pour “Fourth”, quatrième et premier disque purement instrumental du groupe, pour doubler à la contrebasse le titulaire du poste, l’immense bassiste électrique Hugues Hopper, avant que ce dernier ne quitte définitivement le navire. Babbington est ensuite rejoint par John Marshall, batteur réputé du jazz britannique (Ian Carr, John Surman et tant d’autres). Marshall intègre la formation pour le double “Six” en 1973, album qui confirme un définitif virage jazz-rock où les expériences de Terry Riley influencent fortement les circonvolutions harmoniques du pianiste Mike Ratledge. Babbington et Marshall vont alors former l’une des rythmiques les plus remarquables de Soft Machine, et participer ensemble à un nouveau chapitre de son histoire avec “Bundles” marqué par l’apparition d’une guitare, celle du génial Allan Holdsworth. Ce dernier ne fera qu’un passage éclair, sa place vacante étant récupérée par le discret John Etheridge, autre surdoué issu de l’école anglaise, dont le jeu à la fois hyper virtuose mais superbement lyrique, non loin de celui d’Holdsworth, s’imposera pour “Softs” en 1975. Cet album réunira enfin nos trois protagonistes du moment.

Soft Machine 2018 sur scène

Soft Machine 2018 sur scène

Hidden Details” creuse toujours ce sillon jazz-rock. Le quartette en décline maintenant des variantes plus actuelles grâce à un nouveau venu, le saxophoniste et claviériste Theo Travis, quatrième membre et benjamin du groupe. Compagnon régulier de Robert Fripp et Steven Wilson, Travis n’est pas un inconnu de la scène musicale issue de Canterbury, via ses collaborations avec les réincarnations éphémères de Gong ou d’Hatfield And The North. La contribution de Theo Travis est décisive, tant par son écriture soignée que par son aptitude à mélanger habilement anciennes et nouvelles textures sonores. Entre la puissance d’un King Crimson, à laquelle on pense souvent (notamment pour l’épique morceau titre), la finesse harmonique des relectures de compos de Mike Ratledge (superbe Out Bloody Rageous extrait de “Third”) renouvellent avec à propos les si particulières intonations softiennes. Que dire alors des élégantes interventions de flûte de Travis, des intenses et véloces solos d’Etheridge ? que dire aussi du jeu superbement minimal de Babbington, toujours autant complice avec John Marshall, dont le drive élastique et groovy n’a pas pris une ride ? “Hidden Details” est à apprécier sans une ombre de nostalgie, juste le plaisir d’une musique qui, pour reprendre une formule familière de Soft Machine, est bien « Alive And Well ». •

CD “Hidden Details” (Moonjune Music DYAD Records / Bertus)