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Saperlipopette, revoilà Gotainer !

PhotJaquetteNotypo

Après dix ans d’absence discographique, Richard Gotainer revient aux affaires avec Saperlipopette (or Not Saperlipopette). « C’est mon album de la maturation », confie le chanteur zazou à Muziq.

Muziq : En 2014, lors de notre dernier entretien, vous évoquiez le projet lointain d’un nouvel album.
Richard Gotainer : Le premier texte que j’ai écrit pour Saperlipopette… est celui de « Je veux pas aller au paradis », en juin 2012. Une chanson, c’est souvent un déclic. Celle-ci m’a été soufflée par un mec qui vendait des légumes au marché. Il m’a dit : « Moi, j’irai en enfer. Là au moins, je suis sûr de retrouver mes copains. » (Claque des doigts) Pas mal… J’ai bondi là-dessus et ça a été la première chanson du disque

À ce moment-là, aviez-vous déjà l’idée d’un album en tête ?
Je n’écris pas de chansons pour mon tiroir, mais le projet d’album était encore lointain. Pour Saperlipopette (or Not Saperlipopette), j’ai écrit neuf chansons. Je ne suis même pas allé à dix. Quel feignant (rires) !

Saperlipopette… a été enregistré avec Michael Lapie. Pouvez-vous nous le présenter ?
Michael fait partie des bonheurs de la vie. On a la même culture musicale pop Beatles et compagnie et c’est un musicien extraordinaire, un instrumentiste assez balaise. Michael a une formation de bal, comme Claude Engel, mon premier grand compositeur. Ces mecs savent tout jouer et ça apporte quelque chose dans leur manière d’appréhender la musique. Ils peuvent tout oser, ils peuvent aller partout. Pour eux, il n’y a pas de placards qui sentent mauvais, on peut ouvrir toutes les portes. Ils peuvent passer du Coca-light.

De quelle manière s’est déroulé l’enregistrement de cet album en binôme ?
On a enregistré Saperlipopette… à Montreuil, dans le home-studio de Michael. Il avait la gratte sur les genoux, le casque sur les oreilles, le micro devant le nez, un tambourin sous le pied et il arrivait à appuyer sur le bon bouton au bon moment. Un fou ! On a fait quelques trucs au tout dernier moment, mais heureusement, on n’a pas eu la Voulzyte, ce pinaillage extrême qui vous fait refaire tous les morceaux quand un coup de caisse claire ne va pas… À vrai dire, une chanson, c’est comme une mayonnaise. Qui fait l’huile et qui fait l’oeuf ? Moi, je veux bien faire l’oeuf (rires) !

Dans cet album, on découvre aussi un Gotainer un peu indigné sur les bords…
C’est vrai. J’avais déjà abordé les travers de mes contemporains sur le plan domestique, mais je n’avais pas souvent évoqué les thèmes de société dans mes chansons. Forcément, au bout d’un moment, les champs d’investigation se rétrécissent aussi quand on ne veut pas toujours écrire les mêmes choses. D’une manière générale, je me méfie beaucoup de l’engagement, ce n’est pas mon truc, mais comme je fais partie du groupe, j’ai le droit de l’ouvrir.

Dans un « Un chat un chat », vous vous attaquez au politiquement correct.
ffbfeab3-d15b-4b72-966e-7466654ffe37« Un chat, un chat » est une chanson contre ce machin qui dépasse largement les mots et rejoint la langue de bois généralisée. On n’ose plus dire les choses, on ne dit plus « noir », « juif » ou « arabe ». Il faut que ce soit « un homme de couleur », « un israélite » ou « un maghrébin ». Un aveugle devient un non-voyant, un sourd devient un malentendant et un moustachu un poilu sub-nasal (rires). Et on ne peut même plus faire de blagues sur un mec qui a un gros nez, car la Fédération des gros nez de France risque de vous tomber dessus à narines raccourcies. C’est vrai qu’on ne peut pas rire de tout avec tout le monde, mais sur les réseaux sociaux, le con a autant le droit à la parole que le moins con ou le pas con du tout. Le droit à la parole peut polluer quand le con fait plus de bruit qu’un autre.

« Saperlipopette » dénonce aussi la banalisation du langage, notamment du côté des insultes.
Ça, c’est plus un pamphlet contre la généralisation de la médiocrité du langage et de la pauvreté du verbe. Aujourd’hui, après « nique ta mère » ou « va te faire enculer », on a fait le tour du truc. Comme je suis un amoureux des mots, je me suis amusé avec les gros mots de la langue française. Attention, je ne suis pas un gendarme ni un donneur de leçons, j’ai horreur de ça… Par contre, c’est en mettant le chapeau de l’imbécile qu’on peut plus facilement critiquer.

« Les moutons », le premier extrait dévoilé l’an dernier, rejoint cette idée.
Ce qui est extraordinaire chez les moutons, c’est qu’ils ont une voix humaine avec un certain grain. Sur l’album, ce ne sont pas des moutons qu’on entend, mais des humains qui bêlent ! Un soir, après un concert, on est monté dans le van qui nous ramenait à l’hôtel et je ne sais plus qui a commencé, mais quelqu’un a fait un « behhhhh », puis quelqu’un en a fait un autre, mais pas dans la même tonalité parce que ce sont des zicos, attention. On est partis dans une monstrueuse crise de rires et j’ai demandé à Romain Joutard, le batteur, de revenir faire le mouton sur le disque. Guillaume Farley, qui faisait aussi partie des imbéciles, est revenu en faire un aussi.

Quelle place accordez-vous à Saperlipopette… dans le reste de votre discographie et, plus généralement, dans votre carrière ?
Je le place dans mes meilleurs albums, presque dans le tiercé de tête avec Chants zazous et celui que vous voudrez. Pendant l’enregistrement, Michael me disait que c’était l’album de la maturité. Il y a un peu de ça car j’ai 70 balais, et si ce n’est pas l’album de la maturité, j’ai intérêt à me dépêcher ! Ai-je atteint ce stade de maturité ? ou de maturation, peut-être ?

Pour finir, aura-t-on la chance de vous voir interpréter ces nouvelles chansons sur scène ?
Bien sûr, j’ai envie de remonter sur scène, mais je suis encore incapable de dire quelle tronche aura ce spectacle. Surtout, j’aimerais bien me surprendre moi-même…

Richard Gotainer Saperlipopette (or Not Saperlipopette) – Gatkess. Disponible. Site officiel

(Photo : Sabrina Mariez pour Muziq)

(Photo : Sabrina Mariez pour Muziq)