Non content d’avoir collaboré avec John McLaughlin, Tommy Bolin, John Abercrombie, Al Di Meola et Jeff Beck, le génial claviériste Jan Hammer a ajouté au début des années 1980 un autre illustre de la six-cordes à son tableau de chasse : Neal Schon. Wounded Bird vient de rééditer leurs deux albums en coleader, “Untold Passion” et “Here To Stay”.
Un après-midi, tandis qu’il tournait aux États-Unis avec Jan Hammer en première partie de Journey, Jeff Beck ne se présenta pas à la balance. Groupie collante, gueule de bois persistante ou pièce de hot rod rare à dénicher chez un magasin du coin ? Quoi qu’il en soit, Neal Schon, trop heureux d’échanger quelques notes avec le « Jimi Hendrix du Moog », prit la place de Beck. La balance se transforma illico en jam impromptue et le courant passa instantanément entre ces deux dompteurs d’électricité sauvage. Il faut dire que depuis sa contribution décisive au Mahavishnu Orhestra de 1971 à 1973, le claviériste tchécoslovaque avait collectionné les collaborations mémorables avec des grands de la six-cordes : John McLaughlin donc, mais aussi Tommy Bolin (dans l’inoubliable “Spectrum” de Billy Cobham en 1973), John Abercrombie pour son album “Timeless” (ECM, 1974), Al Di Meola (d’“Elegant Gypsy” en 1977 à “Scenario” en 1984 en passant par “Electric Rendez-vous en 1982) et bien sûr Jeff Beck dans “Wired” (1976), “Live With The Jan Hammer Group” (1977) et “There & Back” (1980).
En 1981, Neal Schon s’octroie donc une parenthèse avec Journey (qui alignait alors les disques de platine avec le monumental “Escape”) pour enregistrer son premier album en coleader avec Jan Hammer. Il succède à une quinte royale de guitar heroes mais parvient à rester lui-même sans forcer son talent. Dans l’instrumental Arc, qui évoque furieusement Blue Wind (classique fusion extrait de “Wired”), il dialogue avec Hammer dans la plus électrisante tradition des échanges de phrases façon Beck/Hammer. Dans I’m Down, son solo rappelle tout ce que Prince lui doit. Et dans The Ride, ce sont les claviers d’Hammer qui sont carrément en ébullition.
Un an plus tard, Schon remet le couvert avec Hammer avec “Here To Stay”, qui reproduit les mêmes schémas qu’“Untold Passion” : un mix malin entre rock songs teigneuses et mélodiques et instrumentaux lyriques-flamboyants (Peace Of Mind) avec, en prime, la participation de Steve Perry, Ross Valory et Steve Smith (dans le forcément très Journey-isant Self Defense). Lequel choisir ? Les deux mon capitaine ! Ne serait-ce que parce que chaque note enregistrée par Jan Hammer vaut le détour – hé oui, Jan Hammer n’a pas seulement enregistré la musique de Miami Vice… (Et d’ailleurs, elle est très bien la musique de Miami Vice, non ?) •
CD “Untold Passion” et “Here To Stay” (Wounded Bird Records)