Après “Thriller 25”, voici donc “Thriller 40”. Fred Goaty a écouté il y a quelques jours les dix inédits du CD 2 de cette nouvelle édition spéciale et se souvient de la sortie, fin 1982, de cet album légendaire.
Hello les amis. J’aurais bien aimé vous faire part de mes impressions bien avant le jour de la sortie du “Thriller 40” de feu Michael Jackson, mais sachez que tout ce que nous avions furieusement envie de partager avec vous était, vous n’allez pas me croire, “sous embargo” – si, si, ce qui naguère était une « mesure de contrainte prise à l’encontre d’un pays, interdisant l’exportation de certaines marchandises » s’applique désormais à la matière grise, cette marchandise précieuse qui nous sert à rédiger nos petits articles sur le web et le print – ou la “presse papier” si vous préférez (moi aussi je préfère, mais il faut savoir se mettre à la… page si l’on veut continuer d’être compris par le plus grand nombre).
Bref, pas un post Insta ou Facebook, pas un p’tit tweet, pas une allusion nulle part, PAS UN MOT avant ce 18 novembre, sinon, il aurait pu nous en cuire !
Mais la date fatidique est arrivée. Nous voilà donc libres de tout vous dire, enfin, sur “Thriller 40”.
Du coup , avant de vous dévoiler avec bienveillance notre ressenti sur la nouvelle réédition de cet opus mythique (mais qu’est-ce qui m’arrive ?!) et les dix inédits du CD 2, dont je pense qu’il n’est pas la peine de vous détailler le track listing puisqu’une fiche Wikipedia le fait déjà très bien, permettez-moi de revenir quarante ans en arrière pour partager avec vous mes petits souvenirs liés à la sortie de “Thriller”. Je crois que les circonstances m’y invitent…
“Thiller” tout court, pas encore “25” et encore moins “40”, a donc fait son apparition sur les facings des disquaires le mardi 30 novembre 1982. Les séances d’enregistrement avaient commencé aux Westlake Studios de Los Angeles avec Paul McCartney, le 14 avril de cette même année à midi pile – The Girl Is Mine, ça vous dit quelque chose non ? (Oui je sais, ce n’est sans doute pas votre chanson préférée de “Thriller”, mais c’est pourtant avec celle-ci que MJ et Quincy Jones, aka “Q”, avaient commencé de bâtir leur œuvre monumentale.) Ces mêmes séances se terminèrent le lundi 8 novembre, dernier jour du mixage. Oui, seulement vingt-deux jours avant la sortie du 33-tours !
Bon, tout ça, on ne le savait pas à l’époque. Mais c’est précisé dans le livret que j’ai, à mes risques et périls, photographié en loucedé pendant la séance d’écoute organisée par la maison Sony Music, il y a quinze jours, en présence de deux prestigieux experts ès-soul-funk, Christophe Geudin et Olivier Cachin, et du brillant michalejaksonologue Richard Lecoq. (Sacré privilège n’est-ce pas ?) Sachez cependant qu’au moment où j’écris ces quelques lignes sur votre site préféré, la rédaction de muziq.fr n’a pas encore reçu le CD de “Thriller 40” – « À quand le vinyle ? » vous entends-je me demander fébrilement : « On n’a pas encore de date, nous a-t-on répondu en haut lieu, du moins pour l’hypothétique version 2 Lp avec les inédits » (une version simple est malgré tout disponible, voir ci-dessous).
C’est donc en puisant dans notre mémoire que nous allons essayer de vous décrire les dix “inédits” – je sais, ces guillemets vous inquiètent déjà… – de “Thriller 40” et son fourreau gris métallisé. Nous allons aussi essayer de déchiffrer nos notes griffonées tout en dansant sur la table de la salle de réunion de Sony sous l’œil des dix costauds – un par morceau – de l’impressionnant service de sécurité engagé pour l’occasion par Véronique B. et Christophe L. (ils se reconnaîtront). Bref, soyez compréhensif.
Mais revenons fin 1982. Ou non, début 1983, car c’est à partir de cette année-là que “Thriller” a commencé d’occuper les esprits quotidiennement, ou presque, à devenir le tsunami musical et commercial qu’on sait. En ce qui me concerne, je n’avais pas acheté le 33-tours tout de suite. Mais un copain de classe – j’étais alors en terminale si vous voulez tout savoir – avait attiré mon attention sur un point très précis : « Fred, tu sais que le guitariste que tu aimes bien là, Van Halen, il joue dans le nouveau Michael ? – Eddie Van Halen, sur un disque de Michael Jackson ?! Il joue beaucoup ? – Non, sur un seul morceau. Tu veux que je te le prête ? – Quand tu veux, je me le copierai sur cassette comme ça. »
Vous devinez la suite : victime consentante – mais inconsciente – d’une entourloupe crossover (bien joué Quincy), j’ai failli tomber de ma chaise en découvrant Beat It et en lisant les noms des musiciens sur la pochette : « Quoi ? En plus d’Eddie Van Halen y’a Jeff Porcaro ?! Et Steve Porcaro aussi ?! » Oui, pour un lycéen qui commençait à peine de découvrir le monde merveilleux des grandes musiques afro-américaines, la présence de deux membres de Toto, et plus encore celle du génial pyromane en chef de Van Halen avait quelque chose de troublant et d’excitant à la fois.
Et tandis qu’entre mes oreilles le fabuleux solo de guitare électrique de Beat It passait en boucle, je ne me rendais sans doute pas encore compte – ou alors inconsciemment – que l’Histoire était en marche. Quel bonheur en tout cas que d’entendre Eddie Les Doigts de Fée s’éclater sur le nouveau disque de celui qui, trois ou quatre ans plus tôt, rythmait déjà nos boums d’ados par la grâce de l’hyperdansant Don’t Stop ’Til You Get Enough : « Vas-y, remet le Fred, il est super ce 45-tours ! » (Oui, on parlait comme ça en 1980.)
Mais il n’y avait pas que Beat It bien sûr : sur ma cassette Sony C90 verte (ou bleue, je n’sais plus), le reste de l’album était également en rotation lourde. Enfin, surtout Wanna Be Startin’ Somethin’ (comment ? heu, non, on ne savait pas encore qu’une bonne partie était pompée sur Soul Makossa de Manu Dibango), Billy Jean, Baby Be Mine et la chanson-titre évidemment, en fin de face A – je ne sais pas si vous avez déjà vu le clip de Thriller, mais c’est quelque chose. Attention : ça fait peur. (Ok, je sors.)
Bref, “Thriller”, je ne vous apprends rien, fut plus qu’un simple album. “Thriller”, ou “frilair” comme on disait nous les p’tits frenchies, devint assez rapidement un véritable phénomène de société. Personne, ou presque, ne pouvait passer à côté. Pour tout vous dire, il finit même par y avoir un autre phénomène, de rejet celui-là : trop de Michael n’a pas tué Michael, n’exagérons rien, mais cette surdose de MJ a fini par ouvrir une voie royale à un petit Prince minneapolitano, qui à son tour s’est mis à faire la pluie et le beau temps au pays de la pop. Mais c’est une autre histoire…
Quarante ans après, je réalise que “Thriller” n’a absolument rien perdu de son pouvoir de fascination. D’aucuns lui préfèrent son prédécesseur, “Off The Wall”. Pourquoi pas. Ça se discute. (On en discute d’ailleurs depuis des lustres, on polémique même, parfois.) Mais quoi qu’on pense de ces deux albums monumentaux, l’un ne va pas sans l’autre, et inversement.
“Thriller”, comme chacun sait, a été conçu en réaction au manque de succès crossover d’“Off The Wall” – un manque de succès des plus relatifs tout de même… –, d’où son côté plus “pop”, pas exclusivement axé sur le dance floor ; et d’où la présence, entre autres, de l’électrisant tricoteur électrique dont je vous ai parlé plus haut, celui-là même qui me poussa, in fine, à acheter le disque à mon tour, puis à le racheter en CD en 1988, puis à nouveau en 2001, année de la première “Special Edition”, puis encore en 2007, “Thriller 25” oblige…
Je réalise d’ailleurs qu’au moment de la sortie de “Thriller 25”, MJ était encore de ce monde – enfin, du sien, qui, hélas, était de plus en plus éloigné du nôtre les Terriens…
Dans le livret, il disait de sa petite voix douce : « I hope you will enjoy the new and previously unreleased bonus tracks included in the 25th Anniversary Edition, as well as the new remixes by my friends Akon, will.i.am, Fergie, and Kanye West. » Heu, pas vraiment Michael, surtout quand on sait que nombre d’inédits de grande qualité circulent sous le manteau et/ou sur le net… À la limite mon Michael, on avait préféré ta “Special Edition” de 2001, avec Someone In The Dark, les témoignages de “Q”, l’amusante Voice-Over Session From Thriller et l’extrait de Carousel, remplacée au dernier moment dans “Thriller” par Human Nature, cette belle chanson composée par Steve Porcaro qui sera reprise trois ans plus tard par Miles Davis dans “You’re Under Arrest”.
Le livret de “Thriller 40” commence par les dates du making of de l’album évoquées dans l’intro de cet article. Puis, un peu plus loin, les dix inédits sont commentés en quelques lignes. Un peu chiche ? Voui.
Ces inédits, les hardcore fanatics connaissent la majeura partie par cœur depuis des lustres. [Moi-même, j’avais diffusé quelques secondes de Starlight, la version “primitive” de Thriller, dans une chronique radio consacrée à Michael Jackson sur Europe 1 il y a quelques années – chuuut, ne le répétez surtout pas !] Ils ne risquent donc pas de sauter au plafond. En comparaison, leurs vieux rivaux, les fans de Prince [je plaisante, je plaisante, NDR], ont plutôt été gâtés côté unreleased bonus tracks depuis la mort de leur héros. De plus, dans cette liste d’inédits qui ne le sont en réalité pas tous ne figure toujours pas, comme me le faisait remarquer l’un des deux experts cités plus haut pendant la séance d’écoute, un tube posthume en puissance comme Nite Line. « C’est à n’y rien comprendre ! » dites-vous ? Nous sommes d’accord.
Nite Line, tiens, elle est là pourtant, qui se ballade tranquillement sur YouTube depuis des lustres : Nite Line
Cela dit, il y a tout de même de quoi passer quelques très bons moments dans “Thriller 40”. Mais avant tout, voici la liste officielle des dix inédits, quand même, histoire que vous ne zappiez pas :
1. Starlight
Officiellement inédite, quoique piratée depuis des années. Comme on vous le signalait plus haut, des petits malins on même fait des chroniques radiophoniques avec… Rhooo…
2. Got The Hots (Demo)
Publiée sur le pressage japonais de “Thriller 25” – hé, hé, je l’ai, achetée en rayon soul-funk de Gibert ! – et plusieurs compiles que vous avez sans doute oublié d’acheter.
3. Who Do You Know (Demo)
Envisagée un temps pour figurer dans “Victory” des Jacksons.
4. Carousel
Découverte en partie en 2001 sur la “Special Edition” de ‘Thriller” puis, d’après les complétistes, sur plusieurs pressages de la compile “King Of Pop”.
5. Behind The Mask – Mike’s Mix (Demo)
Celle-ci figurait déjà dans une version différente sur le CD “Michael” paru en 2010, récemment réédité sans les trois honteuses fake songs…
6. Can’t Get Outta The Rain
D’après Richard Lecoq, cette chanson « est la Part 2 de You Can’t Win, sorti juste avant “Off The Wall”, remaniée et pressée avec une nouvelle dénomination en face B de plusieurs 45-tours de “Thriller”. Publiée en CD en 2008 sur le coffret japonais “Thriller Singles Collection” (qui coûte un rein, NDR) puis sur le CD single CD de Thriller. »
7. The Toy (Demo)
Première version de la chanson Best Of Joy, dispo sur “Michael”.
8. Sunset Driver (Demo)
Issue des séances d’enregistrement d’“Off The Wall”, retravaillé pendant des années. La version 1982 est sur le coffret “The Ultimate Collection” paru en 2004 – merci encore à Richard Lecoq (cette information est d’ailleurs précisée dans le livret du CD).
9. What A Lovely Way To Go (Demo)
Totalement inédite !
10. She’s Trouble (Demo)
Comme Starlight, officiellement inédite, mais elle circule sous le manteau depuis des lustres.
Bien. Passons sur Starlight et Got The Hots (Demo) puisque vous devez déjà les connaître. Elles sont très bonnes, et entendre Thriller avec d’autres paroles nous ferait presque croire à l’existence des mondes parallèles.
Who Do You Know (Demo) est une jolie ballade rythmée par des finger snaps que MJ aurait pu chanter en duo avec Paul McCartney – « Fred, y’avait déjà The Girl Is Mine ! » Ah oui, pardon.
Carousel, on connaît aussi. On adore. Behind The Mask ? Pas mal cette reprise du Yellow Magic Orchestra, mais je crois que je préfère la version de Greg Phillinganes, qui figure dans son deuxième album, “Pulse”. Sorry Michael…
Can’t Get Outta The Rain ? Plutôt dansante, coécrite par MJ et “Q”, elle figurait sur la face B du premier 45-tours de “Thriller”, The Girl Is Mine. Donc pas inédite… Mais bien quand même.
The Toy devait figurer dans le film du même nom avec Richard Pryor, et c’est donc une version différente de Best Of Joy, que vous connaissez déjà aussi. Sunset Driver est assez excitante, peut-être la meilleure de cette nouvelle édition, du MJ pur jus – eh bien dansez maintenant ! Et ça fait des « Oooh ! » et ça fait des « Heee ! ». Top. Ok, pas vraiment inédite non plus (lire plus haut), mais un public bien plus large devrait ainsi la découvrir.
What A Lovely Way To Go est mélodique et joyeuse, c’est une belle pièce-montée vocale avec du beat-boxing et, donc, un vrai inédit !
Et enfin, She’s Trouble, coécrite par Terry Britten, Bill Livsey et Sue Shifrin, est dansante aussi, mais nettement moins réussie que Sunset Driver.
Ainsi, comme vous l’avez d’ores et déjà deviné, aucune chanson ne rivalise avec les neuf de l’album original. « Mission impossible ! » répondez-vous ? Nous sommes décidément toujours d’accord.
Mais, et ça aussi vous l’avez déviné, on passe tout de même un très bon moment.
Pour fêter en grandes pompes le quarantième anniversaire de “Thriller”, une Super Deluxe Edition avec encore plus d’inédits, un pressage vinyle, un remix 5.1 Dolby Atmos, tous les clips sur un blu-ray UHD (dont celui de Thriller évidemment, restauré en 4K), de la memorabillia en veux-tu en voilà et un poster géant de MJ aurait fait le bonheur de tous !
Mais non hélas, pas cette fois.
Faudra-t-il attendre “Thriller 45” ou “Thriller 50” ?
PS : Un nouveau documentaire réalisé par le journaliste et auteur Nelson George (signataire des liner notes du coffret “The Ultimate Collection” de 2004) est annoncé pour bientôt.
CD Michael Jackson : “Thriller 40” (Epic / Sony Music, déjà dans les bacs, prix conseillé : moins de 20 €).
À lire, pour en savoir (bien) plus Michael Jackson la totale, les 263 chansons et 41 clips expliqués, par Richard Lecoq et François Allard (éd. E/P/A).
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