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Mes meilleurs copains, la comédie rock à la française

Meilleurs copains

Comédie culte sortie en 1989, Mes Meilleurs copains raconte les retrouvailles des membres d’un ancien groupe de rock des années 1970. Son réalisateur et co-auteur Jean-Marie Poiré retrace la genèse d’un film de potes à la bande-son millésimée.

Comment est née l’aventure de Mes Meilleurs copains  ?
Jean-Marie Poiré : C’est Christian Clavier qui m’a branché sur l’idée de Mes Meilleurs copains. Il avait découvert que Chrissie Hynde, la chanteuse des Pretenders, avait fait partie de mon ancien groupe les Frenchies, dans lequel j’étais chanteur dans les années 1970. De mon côté, j’avais toujours été étonné de voir que des gens pouvaient être heureux dans la vie sans avoir envie de réussir. C’est de cette idée que vient le sujet du film : comment auraient réagi les Frenchies si Chrissie Hynde était revenue passer nous voir en Limousine à Villejuif, et retrouver les membres du groupe avec ceux qui étaient devenus frustrés et ceux qui ne l’étaient pas ? Dans les Frenchies, il y avait le guitariste lead Michel Lallemand, qu’on surnommait Mimiche de Montreuil et qui m’a fortement inspiré le rôle joué par Jean-Pierre Darroussin dans le film. Ce type me fascinait beaucoup. À partir du moment où il pouvait jouer avec son ampli à fond la caisse, tout allait bien pour lui (rires). Je l’avais connu par le biais de notre batteur. À l’époque, il était fauché et il était parti faire les vendanges. Dans un petit village, il avait sympathisé avec ce mec après avoir entendu un solo de guitare électrique monstrueux. Ce type jouait sur une petite estrade minable en bois accompagné d’une boîte à rythmes et les paysans étaient atterrés (rires). J’ai même mis cette scène dans le film, celle où Darroussin joue au bord d’un canal. Ce personnage était un mélange de Mimiche, le guitariste des Frenchies et d’un autre gars que j’ai connu, Moustique, qui avait été mon photographe de plateau sur Twist Again à Moscou. C’était un vrai baba-cool, un écolo avant l’heure qui avait vécu en communauté.

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De quelle manière s’est organisé le casting ?
Je suis allé voir le producteur Christian Fechner en lui disant que j’allais faire un film avec Christian Clavier, Gérard Lanvin et Bette Midler, pour laquelle j’avais écrit le premier scénario de Ruthless People (Y-a-t-il quelqu’un pour tuer ma femme ? des frères ZAZ, 1986, ndr.). Je pensais tourner un film en anglais, mais je me suis pris un râteau considérable. D’abord parce que Fechner ne parlait pas un mot d’anglais, et aussi parce qu’il avait écrit sous pseudonyme un très mauvais scénario qu’il avait proposé à Richard Zanuck et David Brown, les présidents de la Fox. Un jour, Brown est passé dans le bureau de Fechner et il lui a dit : « je ne sais pas qui est le connard qui a écrit ça, mais c’est le scénario le plus à chier que j’aie jamais lu ! » (rires). Fechner avait été humilié, et il avait juré de ne plus jamais travailler de sa vie avec des américains. Donc, le casting était très mal parti. Pour le premier rôle féminin, Fechner a alors pensé à quelqu’un qui parlait français et qu’il considérait comme une énorme star : Diane Dufresne. On est donc allés la rencontrer au Canada. Quand on est arrivés chez elle, j’ai cru qu’on s’était trompés d’adresse. Elle habitait juste au-dessus d’une station-service, dans un petit appartement de la banlieue de Montréal. Dès que je l’ai vue, j’ai compris que ça n’allait pas le faire. Elle portait une voilette sur le visage et on aurait dit ma grand-mère. C’était une catastrophe… On est repartis à Montréal quelques jours plus tard pour faire un vrai casting et c’est comme ça qu’on a trouvé Louise Portal. Jean-Pierre Bacri, c’était une idée de Fechner, même si le personnage avait été écrit pour Thierry Lhermitte au départ. On a pensé tout de suite à Philippe Khorsand, qui était un comédien extraordinaire.

Ça a été plus compliqué pour Jean-Pierre Darroussin car le rôle avait été écrit pour Michel Blanc, qui n’a pas voulu le jouer. Darroussin m’avait épaté dans Est-ce bien raisonnable ? (George Lautner, 1981, ndr.) et il faisait aussi une voix dans Le Père Noël est une ordure. Pour ce rôle, le comédien devait prendre la voix traînante de Moustique. J’ai auditionné le tout-Paris, des gens fantastiques, dont Gilles-Gaston Dreyfus et Patrick Bouchitey qui avait été formidable. J’ai hésité entre lui et Darroussin pendant très longtemps. Ils faisaient tous très bien la voix de Moustique, mais Darroussin était celui qui était le plus proche du personnage que j’avais en tête. L’élément déclencheur a lieu un jour, lors d’une réunion de travail. On sonne à la porte, j’ouvre et je vois Jean-Pierre Darroussin qui me dit tout innocemment : « excuse-moi, j’ai oublié mon carnet. » Là, je me suis dit : « c’est lui ». Ça aurait pu être une réplique de Moustique, et ce côté lunaire était essentiel pour ce rôle sublime qui lui a vraiment collé à la peau.

Quelle était l’ambiance sur le tournage ?
Ça s’est passé moyennement. Il y avait des clans. Gérard Lanvin était le seul à avoir une caravane. C’était la star. Bacri et Darroussin passaient leur vie dans sa caravane et ils étaient un peu à part du reste de l’équipe. J’ai aussi eu un gros clash avec Bacri, car j’estimais qu’il ne jouait pas comme je le voulais. Il est très bon dans le film, il avait été génial lors de la première lecture, mais j’avais envisagé son personnage un peu différemment. Peut-être que je n’ai pas été assez diplomate pour lui faire comprendre… Je crois aussi que curieusement, Lanvin avait peur du rôle de Bacri, et je le soupçonne de l’avoir manipulé pour enlever un peu de la drôlerie de son personnage. C’était aussi un tournage très fatiguant car je souffrais d’un double-stress, étant à la fois metteur en scène et producteur pour la première fois. J’avais mis tout mon argent dans ce film et comme il n’a pas marché, ça a été un désastre pour moi. Je n’ai pas tourné pendant deux ans après Mes Meilleurs copains. De plus, le tournage avait eu lieu dans une propriété de la forêt de Rambouillet et la météo était catastrophique. Dans ce coin, il y avait une sorte de micro-climat. Les nuages s’arrêtaient au-dessus de la baraque et il pleuvait tout le temps, le sol était boueux en permanence. Dans le jardin, on s’enfonçait à mi-cuisse entre les prises car la maison dans laquelle se déroule la grande partie du film avait été construite sur un marais…

Dans Mes Meilleurs copains, on entend beaucoup de classiques du rock des années 1960-70…
Oui, et je regrette de ne pas avoir placé les titres que j’avais moi-même enregistré spécialement pour la bande-son. Quinze jours avant le mixage, on n’arrivait toujours pas à avoir les droits de certains titres comme « Walk on the Wild Side » de Lou Reed ou « With a Little Help From My Friends » de Joe Cocker. J’ai donc enregistré des versions « à la manière de », et si je les avais mises dans le montage, j’aurais économisé un peu de pognon (rires) ! On entend quand même la chanson « Révolution » que j’avais écrite et qui me rappelle mes années de lycée. Mes Meilleurs copains est un film très autobiographique où mes souvenirs se mêlent à ceux de Christian Clavier. Quand il me racontait ses tournées théâtrales en 2CV, c’était inénarrable, même si je me suis plutôt inspiré des poèmes grotesques de Diane Di Prima et des mises en scène de Marc O, dons les pièces étaient accablantes (rires). Ce n’est pas non plus un accident si on entend « Working-Class Hero » de John Lennon dans le film, avec ces paroles : « il faut apprendre à sourire pendant que tu tues ». C’est l’arrivisme vu par Lennon; si tu veux réussir, il faut buter trois ou quatre personnes au passage. À la fin de Mes Meilleurs copains, quelqu’un dit au personnage interprété par Darroussin : « mais tu aurais pu être une star », et il répond : « oui, mais je ne l’aurais pas fait sans vous. » C’est tout le thème du film.

Propos recueillis par Christophe Geudin et Jérémie Imbert.

Mes Meilleurs copains de Jean-Marie Poiré (1988). Diffusion sur France 2 dimanche 24 mai à 14h20.

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