“Original Trilogy”, “New Stereo Trilogy”, “DVD-A 5.1 Trilogy” : la luxueuse et triplissime réédition du troisième album studio d’ Emerson, Lake & Palmer est de loin la plus complète à ce jour.
C’est “Tarkus” (1971) qui revient immanquablement dans les conversations dès qu’il s’agit de décerner la palme d’or massif du meilleur album d’Heuhelpé – oui, je sais, en anglais on dit Hihelpi. On me pardonnera d’avoir écouté bien plus souvent le non moins formidable “Trilogy” de 1972, et de le lover ainsi number one dans mon petit cœur de fan de prog rock briton.
De toute façon, tout ce que Keith Emerson, Greg Lake et Carl Palmer ont enregistré entre 1970 et 1973 est indispensable, du premier album éponyme à “Brain Salad Surgery” (et sa géniale pochette dessinée par Giger), en passant, donc, par “Tarkus” et “Trilogy”. D’aucuns, les pervers, ajoutant même le plus discrètement possible à cette somme (histoire de ne pas être repérés par la Police du Rock) le seul et unique disque d’Emerson, Lake & Powell paru en 1986 – Palmer boudait, il fallait un autre batteur dont le nom commençait par P. Le regretté Cozy Powell fut donc embauché a P levé. [Ah !, comme j’aurais aimé m’appeler Julien Perté !, NDR]
L’inoubliable suite qui ouvrait naguère la face A, The Endless Enigma, est elle inspirée par la musique classique (dans une veine churchy). Greg Lake chante divinement bien, et Carl Palmer, le batteur qui ne swingue jamais mais qui groove comme personne enracine solidement les vocalises aériennes et majestueuses du premier nommé (quelle pied droit mes aïeux !). L’instrumental virtuose et rigolard Hoedown, adapté de la suite Rodeo du compositeur américain Aaron Copland (qui inspirera plus tard le guitariste Bill Frisell, mais c’est une autre histoire) est prétexte à de furieuses et jubilatoires cavalcades digitales orchestrées par le cerveau bien allumé de Keith Emerson, organ hero notoire et grand dévoreur de Moog – au fait, on ne dit pas mougue mais bien mogue, o.k. ?
Lake, si, si, est poignant dans l’une de ces ballades acoustiques dont il avait le secret, From The Beginning : qui ne voudrait pas chanter aussi bien que lui ? De Lake à Sting en passant par John Wetton, c’est fou comme on aime ces chanteurs à la voix lactée. The Sheriff aurait pu servir de générique aux Aventures de Lucky Luke à Daisy Town racontées par Jean-Marc Thibault, et c’est sans doute pour ça qu’on adore cette friandise croustillante de second degré fourrée à l’orgue Hammond C3.
Suite à la parution de “Trilogy”, à l’été 1972, le super group que les rock critics adoraient détester repartit on the road pour sceller leur légende de performers sans complexes. A Osaka, au Japon, le public ne put contenir son enthousiasme et le concert se transforma en émeute. Nos trois amis prirent leurs jambes à leurs cous et s’engouffrèrent dans leurs limousines, direction l’hôtel !
Quel bonheur de réécouter “Trilogy” dans des conditions sonores aussi parfaites… Cette ultime (?) réédition est de loin la plus réussie. La musique sonne comme jamais, chaque instrument, sans parler de la voix de Greg Lake, brille de mille feux. Si vous êtes équipés, installez-vous tranquillement sur le canapé de votre salon, et au lieu de regarder pour la énième fois The Avengers, écoutez “Trilogy ” en 5.1 : ça, c’est de la musique de super héros !
CD “Trilogy” (Legacy / Sony Music)