Il était l’une des voix des Temptations, ceux de l’âge d’or, ceux des “années Norman Whitfield”, et il restera à jamais l’inoubliable lead singer de Papa Was A Rollin’ Stone. Dennis Edwards est mort le 1er février. Il avait 74 ans.
On s’est souvent dit que Papa Was A Rollin’ Stone , sorti en 45-tours le 28 septembre 1972 (un single de sept minutes !), était l’une des plus extraordinaires chansons de tous les temps. Un monument de perfection sonore, le chef-d’œuvre absolu du génial producteur et arrangeur Norman Whitfield, cosigné avec son compère Barrett Strong. Cette ligne de basse électrique hypnotique, cette charleston qui semble preque respirer, ces cordes, frémissantes d’abord, puis qui donnent l’impression de dessiner des arabesques dans l’air, et cette trompette baignée d’écho, distante et si présente à la fois.
L’intro qui finit pas…
Et voilà ce piano électrique, quelques accords magnifiques, gorgés de sève gospel… Et cette guitare wah wah qui nous chante, ces handclaps comme à l’église.
C’est un instrumental ? Enregistré dans une cathédrale ? Les Temptations ne chantent plus ? Sur la version album (“All Directions”, Motown, publié le 27 juillet 1972), Dennis Edwards ne se met à chanter que passé trois minutes et une cinquantaine de secondes. Avec gravité, émotion, comme s’il savait que ces paroles allaient rester gravées dans le marbre pour l’éternité. Elles disaient l’absence du père, le quotidien des ghettos, le spleen de ceux que Curtis Mayfield nommait le « people darker than blue ».
Dennis Edwards ne pouvait pas savoir – quoique – que tout cela allait à ce point marquer les esprits (Papa Was A Rollin’ Stone atteignit le sommet des charts US), mais tous ceux qui ont ensuite découvert ces onze minutes et quarante-six secondes d’extase sonore le savaient, eux, qu’il y aurait un avant et un après Papa Was A Rollin’ Stone dans leur vie. Merci Norman Whitfield, merci les Temptations, et merci Dennis Edwards d’avoir changé nos vies.
« It was the third of september… » •