“Strangers In The Night” est à UFO ce que “Made In Japan” est à Deep Purple et “Live And Dangerous” à Thin Lizzy : un double live parfait. Il vient de ressortir augmenté de six shows de la tournée US de 1978. Julien Ferté est en feu, too hot to handle !
Phil Mogg alias “Mister Feeling” au micro, Michael Schenker le phénomène la six-cordes (17 ans seulement quand il rejoint le groupe en 1973…), Paul Raymond le polyvalent aux claviers et à la guitare, Pete Way le rebelle déconneur à la basse et Andy Parker le good lad à la batterie : cette incarnation de UFO est sans conteste leur classic line up, une formation aussi parfaite que Deep Purple Mark II ou Thin Lizzy et sa frontline électrique de twin guitars (Brian Robertson et Scott Gorham). Soit un chanteur charismatique, un guitar hero d’exception et trois valeureux serviteurs de la bonne cause de ce hard-rock briton des seventies décidément insurpassable et dont, il faut bien l’avouer, on ne se lassera jamais.
« Would you please welcome U…, F…, O ! »
Les revoilà donc nos hard-rockeurs un rien garnements, fêtards et grands buveurs, toujours prêts à faire une halte au pub. Mais jamais poseurs ni frimeurs. C’est aussi pour ça qu’on les aime.
Le double 33-tours original, évidemment lové dans le coffret avec sa gatefold sleeve d’origine – sa “pochette qui s’ouvre” si vous préférez –, était un assemblage de deux shows : celui du 13 octobre 1978 à l’International Amphitheater de Chicago (où UFO était plus populaire que dans tout autre ville) et celui du 18 au Louisville Garden de Louisville.
On retrouve dans notre box set du jour ces deux shows dans leur intégralité, ainsi que ceux du 14 au Kenosha Ice Arena de Kenosha, du 15 au Tomorrow Club de Youngstown, du 16 à l’Agora Theater de Cleveland (Phil Mogg avait-il lâché un « Hello Cleveland ! » pré-Spinal Tap ?) et du 17 à l’Agora Ballroom de Colombus. Tous en première partie de Blue Öyster Cult. Autant de concerts enregistrés de main de maître par le grand producteur Ron Nevison et son assistant Mike Clink, lui-même futur producteur d’un groupe de hard-rock presque aussi bon qu’UFO, Guns N’ Roses.
Franchement, est-ce bien raisonnable de s’envoyer ainsi six concerts d’affilée, sans compter le double album d’origine ? Non bien sûr. Mais c’est ça qui est bon ! Quel bonheur de repasser plusieurs heures en compagnie de Phil & Co, quelle joie de retrouver nos instincts de teenagers-headbangers virtuoses de la air guitar sur raquette de tennis !
Faut-il rappeler qu’UFO était à cette glorieuse époque l’un des meilleurs combos hard-rock venu d’Angleterre ? Sans doute pas à vous, qui mieux que quiconque savez qu’ils venaient d’aligner cinq 33-tours en quatre ans : les excellents “Phenomenon” (1974), “Force It” (1975), “No Heavy Petting” (1976), et deux classic albums impérissables, “Lights Out” (1977), avec ce Love To Love digne de Led Zeppelin et cette reprise inattendue de Love, Alone Again Or), et “Obsession” (1978), avec Only You Can Rock Me, le formidable Pack It Up (And Go), Cherry, Hot ’N’ Ready..., et ce magnifique son de batterie d’Andy Parker, façon John Bonham (big up Ron Nevison, qui avait travaillé avec Led Zeppelin).
Le meilleur restait donc à venir avec “Strangers In The Night”, sorti en janvier 1979 au moment où, hélas, l’ombrageux et souvent sujet au trac Michael Schencker avait décidé de quitter définituvement ses compagnons de route pour se lancer dans une carrière solo au sein de son propre groupe, MSG, un peu à la manière de Ritchie Blackmore claquant la porte de Deep Purple pour former Rainbow. Tant pis pour lui, “Strangers In The Night” connut un vrai succès commercial des deux côtés de l’Atlantique : n° 42 aux Etats-Unis, n° 8 en Angleterre. Doctor Doctor et Shoot Shoot sortirent même en 45-tours.
A quoi “Strangers In The Night” doit-il son irrésistible attrait ? A la qualité exceptionnelle de la prise de son et du mixage, parfaitement équilibré – merci encore Ron Nevison –, à son côté brut de décoffrage, naturel, puissant, mordant, agressif mais jamais violent, toujours gorgé de ce feeling qui doit aux amours musicales des membres du groupe, entre rock and roll pionnier, blues et soul. Phil, Michael, Paul, Pete et Andy avaient à la fois la fougue de la jeunesse et, déjà, le vécu de vieux briscards. Et leur envie d’atteindre les sommets décuplaient leur énergie.
Chaque soir, les points d’orgue du show se nommaient Love To Love (sans ses arrangements de cordes d’origine mais pas moins intense et habité), le terrassant Lights Out et, en final (avant les rappels), le fantastique Rock Bottom, qui permettait à Schenker de faire bel étalage de sa virtuosité et de son sens de l’improvisation – amusez-vous à comparer les six versions : c’est très impressionnant.
Quelques mots sur l’objet-disque avant de se quitter. Cette version “extended” de “Strangers In The Night” est présentée dans un chouette petit coffret facile à ranger, contenant un livret de 24 pages et, donc, 8 CD : deux avec le double live d’époque, et six pour chaque concert. Sur chaque pochette, comme c’est désormais assez souvent le cas, les boîtiers d’époque contenant les bandes sont reproduits (Record Plant Recording Studios, Artist : UFO, Producer : Ron Nevison, client : Chrysalis, etc. etc.). Dans chaque pochette, une seconde pochette intérieure protège le CD ; chacune d’entre elle est illustrée par une variation du design du double 33-t de 1979, créé par le génial studio Hipgnosis : ne me dites pas que cette cover haute en couleurs visiblement inspirée par le maître du pop art Roy Lichtenstein ne vous a pas marqué !
Un an plus tard, UFO revenait avec un nouvel (et très bon) opus studio, sans Michael Shenker, mais produit par rien moins que Sir George Martin ! Mais c’est une autre histoire…
COFFRET “Strangers In The Night” (8 CD Chrysalis, déjà dans les bacs). Un conseil : osez le Click & Collect avec nos amis de Gibert Joseph et cochez la case “Disque de première nécessité” sur votre attestation de déplacement.
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