Les trois premiers chefs-d’œuvre de Chic + ‘We Are Family” de Sister Sledge réunis dans un somptueux coffret : on en rêvait, Nile Rodgers l’a fait.
Il est temps que votre bon vieux Doc vous fasse une confidence, ou plus précisément une confidanse : dès mon plus jeune âge, bien avant d’avoir celui d’entrer en boîte, j’ai beaucoup dansé… dans ma tête. Mon dance floor à moi était lové entre mes deux oreilles, et quand celles-ci étaient bien calées/bien au chaud dans mon gros casque noir à fil torsadé, j’étais le prince de la soirée, le Travolta du 9.3 – Saint-Ouen is my hometown, guys… Je fermais les yeux, et hop, une grosse boule à facettes se confondait avec la pupille de mes yeux. C’était magique. Et quand en 1978 on a 13 ans et qu’Europe 1 passe en boucle Le Freak, forcément, le son Chic vous marque à jamais.
L’année suivante, je me souviens qu’on se bousculait devant l’électrophone de Valérie (ses parents étaient cools et la laissaient organiser autant de boums qu’elle voulait) pour passer Don’t Stop ’Til You Get Enough de Michael Jackson ou Good Times de Chic ? « Lequel lequel ? Mais vas-yyyyyy… » Les deux mon capitaine, et plusieurs fois de suite steuplaît ! (Et votre Doc, un rien geek déjà, s’interrogeait en sirotant son Coca Malibu : « Bizarre, la musique de Good Times et de Rapper’s Delight, c’est la même… Comment ça se fait ? Tu sais pourquoi toi Jean-Luc ? – Ben non… »)
Quarante ans plus tard, la musique de Chic provoque toujours le même effet sur moi. Mais elle ne me donne plus seulement envie de tire-bouchonner le tapis du salon mais aussi de crier haut et fort qu’au même titre que celle de Miles Davis, de Stevie Wonder, de John Coltrane ou de James Brown elle a changé ma vie et, surtout – ce qui est bien plus important –, qu’elle figure au Panthéon des Grandes Musiques Noires, toutes tendances et tout temps-danse confondus.
Alors, vous imaginez à quel point la sortie tant attendue du coffret “The Chic Organization 1977-1979” me fiche dans tous mes états. Comme vous le savez sans doute déjà, il contient les trois premiers albums de Chic – “Chic”, 1977, “C’est Chic”, 1978, et “Risqué”, 1979 –, trilogie insécable dont les sublimes chansons prêtes-à-danser (je n’oublie pas les instrumentaux cultes comme le sublime Savoir Faire) feront encore bouger les corps des Terriennes et des Terriens dans mille ans, ainsi que le non moins indis(sur dix)pensable “We Are Family” de Sister Sledge (1979), porté par la Chic Organization au grand complet.
Toutes, absolument toutes les intros de Nile Rodgers, ce génie de la rhythm guitar, me filent la chicken grease (la chair de poule mes poussins, bossez votre anglais un peu). Les lignes de basse de feu Bernard Edwards itou. Sans parler des grooves d’ébène du non moins regretté Tony Thompson – le saviez-vous ? Ce fou de rock a failli devenir le batteur de Led Zeppelin… Mon tout illuminé par les vocaux savamment mêlés d’Alfa Anderson, Norma Jean, Luther Vandross ou Luci Martin et comme cinémascopé par ces cordes de satin moiré façon grand large ou, génial, en mode call and response (écoutez My Forbidden Lover).
Remastering trois étoiles, reproduction recto/verso des pochettes originales (et même des inner sleeves), livret savant (avec deux remarquables essais signés Paul Morley et Touré) et CD bonus avec quelques versions 7” et 12” : jetez ou revendez vos CD des années 1980 et offrez-vous right now “The Chic Organization 1977-1979”. Tout ça dispo en CD ou en LP évidemment.
Perso, votre Doc vote pour un follow up, genre “The Chic Organization 1980-1983” – ok, “Real People”, “Tongue In Chic”, “Take It Off” et “Believer” ne sont pas aussi historiques, mais comme dirait mon cousin Jean-Michel, « Y’a du biscuit quand même… ». Je confirme. •
PS : Pour en savoir bien plus, on relira l’autobiographie de Nile Rodgers et Everybody Dance ! Chic And The Politics Of Disco de Daryl Easley. Ok ?
CD / LP “The Chic Organization 1977-1979” (Atlantic / Warner Music France, déjà dans les bacs, merci à SO et à DD).