Jusqu’au vendredi 29 novembre, muziq.fr vous fait découvrir les vingt-quatre titres inédits de la réédition “Super Deluxe” du chef-d’œuvre de Prince, “1999”. Aujourd’hui : Vagina.
Quand fut dévoilé il y a quelques semaines le track listing officiel de l’édition “Super Deluxe” de 1999, la présence de Vagina en ravis plus d’un.e. [Pour en savoir plus sur la genèse de cette chanson et ses possibles destinataires, on se rendra sur le site de référence princevault.com.] Vagina, ce devait être l’élégant nom d’artiste dont Prince voulait affubler Denise Matthews, qui préféra opter pour Vanity – on la comprend.
« Half boy, half girl, the best of both worlds ! » : voilà un refrain qu’on n’est pas près d’oublier ! Pure/impure poésie urbaine princienne – not (vraiment) a man, not (vraiment) a woman, something [we ] will never understand en somme. Pourtant c’est clair : Vagina était mi-fille, mi-garçon, elle vivait en ville, et Prince ne savait jamais si elle mentait. Elle lui a appris à danser. Ils faisaient “ça” la télé allumée. Elle aurait pu être roi, parce qu’elle était forte, mais si compréhensive…
Quelqu’un.e finira bien par écrire un jour un essai, voire un livre – Vernon Reid peut-être, le leader de Living Colour, auteur de Bi dans l’album “Stain” en 1993 ? Nous lui avons posé la question – sur cette série de chansons mémorables questionnant les marges, les non-dits, les interdits et les possibles de la sexualité fin XXe et qui va de Bambi (« All your lovers, they look just like you / But they can only do the things that you do ») à If I Was Your Girlfriend (« Of course I’d undress in front of you / And when I’m naked, what shall I do ? ») en passant par Controversy (« Am I straight, or gay ? ») et I Would Die 4 U (voir plus haut). I
Il faudra désormais ajouter à cette liste de chefs-d’œuvre Vagina, qui n’aura bien sûr jamais l’impact qu’elle aurait (peut-être) pu avoir si Prince avait décidé de la publier (sous son nom ou pas) en son temps, mais qui permet malgré tout, même quarante après, ou presque, de prendre la mesure du bouillonnement créatif d’un esprit libre toujours prêt à faire bouger les lignes. Vagina n’est certes pas un lost masterpiece, mais c’est une vraie perle rare.
Musicalement, on touche à la sécheresse minimaliste typique de l’époque “Dirty Mind”. Deux guitares (une au son clair à gauche, une plus mordante à droite), une basse volontiers slappée, quelques handclaps sur le refrain et… c’est tout ! Pas de claviers, et plus troublant encore, pas de batterie ! Bel exploit que de pop-rocker avec une instrumentation aussi réduite… Vagina aurait pu être interprétée un soir de 1981 au CBGB de New York par Television ou James Chance, et c’est bien là que réside le génie de Prince, ce transformiste transgenre capable de nous mettre en transe à tout instant.
« You never told me how you got your name / Guess you wanted a little fame » : et il avait de l’humour en plus le bougre !
PS : Les paroles de Vagina sont imprimées dans The Beautiful Ones, Mémoires inachevés (éd. Robert Laffont).
Rendez-vous demain avec Rearrange.
COFFRET Prince : “1999 Super Deluxe” (NPG Records / Warner Music, sortie le 29 novembre).