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Prince, un piano, un micro : l’émotion

PRINCE Piano Micro Pochette

Un an après la version Deluxe de “Purple Rain”, les ayants-droit de Prince publient cette fois une bande qui circulait sous le manteau depuis près de trente ans, “Piano & A Microphone 1983”.

Le fameux Love Symbol, la mention The Prince Estate : il va falloir s’habituer à ce label d’authenticité, qui, comme sur les t-shirts vendus sur le site officiel princeestate.com, figure donc au verso de “Piano & A Microphone 1983”, superbe objet-disque, du moins dans sa Limited Edition Deluxe Set : le CD, le vinyle 180g, un art print du beau portrait signé Allen Beaulieu (dont on attend le livre avec impatience). Le livret ? Un texte assez bref de l’ingénieur du son de Prince, Don Batts, qui ne dit rien de précis sur l’enregistrement des neuf chansons (les sept premières listées comme un Medley, suivies de Cold Coffe & Cocaine et Why The Butterflies), un autre signé Lisa Coleman, “Notes on a cassette tape”, qui passe en revue les neuf chansons (à lire aussi, l’interview parue dans le dernier numéro de Jazz Magazine, encore quelques jours en kiosque) et un troisième, encore plus personnel, de Jill Jones, Memories & musings…”. Hormis la photo déjà célèbre du art print (la vente de cadres va  exploser !), deux autres portraits du Kid de Minneapolis figurent dans le livret, ainsi que des paroles écrites de la main de Prince… « Baby I just can’t stand to see you happy… »

PRINCE Piano Micro Deluxe

« Can you turn the lights down ? » Tandis qu’il commence à jouer les premiers accords de 17 Days, Prince demande qu’on baisse un peu l’abat-jour. Ce jour-là, ce soir-là (aucune date précise n’est indiquée dans le livret), il s’offre un mini récital on ne peut plus privé. Seul face à son piano, il enchaîne neuf chansons. A l’exception d’International Lover, extrait du double-album “1999”, d’une reprise de Joni Mitchell A Case Of You (« Prince idolized Joni as a port and loved her soulfulness », rappelle Lisa Coleman),  et du spiritual Mary Don’t You Weep, elles sont toutes inédites au moment où il les interprète. Trois d’entre elles, Wednesday, Cold Coffee & Cocaine et Why The Butterflies le sont encore à ce jour. 17 Days deviendra la face B du 45-tours de When Doves Cry en 1984 et Strange Relationship l’une des chansons de “Sign Of The Times” en 1987. Purple Rain, bien sûr, figurera dans l’album triomphal du même nom.

Contrairement au récentes bandes de John Coltrane publiées par Impulse et labélisées “The Lost Album”, “Piano & A Microphone 1983” ne prétend pas être un “album perdu”, et encore moins un chef-d’œuvre surgi des limbes. Ces trente-cinq minutes arrachées à l’intimité créative d’un Prince en état de grâce, les collectionneurs les connaissent par cœur depuis le temps où ils s’échangeaient des cassettes sous le manteau. Sachant le nombre sans doute incalculable de chansons inédites enfouies dans le fameux Vault – 7000 (!) cassettes recensées, lire ici –, sans parler des innombrables bandes live, on peut s’étonner que Warner Bros. et les ayants-droit de Prince aient choisi cette bande-là précisément, qui de tube princier ne contient que le plus connu d’entre tous, Purple Rain. On peut aussi estimer que cette initiative est inattendue, osée, voire anticommerciale : très princière quoi ! (Perfectionniste rongé par le doute – la marque des grands créateurs –, Prince jouait souvent avec les nerfs de sa maison de disques…)

Tout en mettant à nu ses influences jamesbrowniennes en adoptant la voix éraillée de son alter ego Jamie Starr, proche de celle du Godfather Of Soul (incroyable Cold Coffee &Cocaine), Prince rappelle au passage qu’il était aussi un pianiste singulier, et chante bien sûr à cœur ouvert de la première à la dernière seconde, en tapant du pied, souvent, comme un bluesman solitaire. Il faut donc se réjouir que la lumière soit officiellement faite sur ce Prince-là – et comme un Prince peut en cacher bien d’autres, nous ne sommes sans doute pas au bout de nos surprises…
Quant au titre de l’album, il renvoie bien sûr à celui de son ultime tournée, “Piano & A Microphone”, dédiée à son pianiste de père, et qui s’était conclue le 14 avril 2016 au Fox Theater d’Atlanta sur l’air de Purple Rain (encore et toujours), sept jours avant que la mort ne fige dans l’éternité ce little big man en mouvement perpétuel. •

CD/LP “Prince Piano & A Microphone 1983” (NPG Records Warner Bros. Records, dans les bacs, [CHOC] Jazz Magazine).