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“L’homme à tête de chou” de Gainsbourg, le retour d’un chef-d’œuvre

Le leader du Sacre du Tympan Fred Pallem, grand admirateur de Serge Gainsbourg, a écouté la nouvelle réédition de “L’homme à tête de chou”. Verdict.

“L’homme à tête de chou” est pour moi le chef-d’œuvre de Gainsbourg, le point d’orgue de sa carrière, son album aux textes les plus aboutis. Le plus personnel aussi. Enfant, la pochette avec cette statue à tête de chou me terrorisait, et surtout le titre Transit à Marilou avec cette guimbarde lugubre. “L’Homme à tête de chou” est aussi le premier où presque tous les titres sont en talk over. Les rares chansons, Ma Lou Marilou et Marilou sous la neige, ressemblent à des parenthèses dans cette histoire. L’idée du texte parlé sur de la musique avait déjà été amorcée dans “L’Histoire de Melody Nelson”, mais les textes sont plus succincts, et laissent énormément de place à la superbe musique de Jean-Claude Vannier. Dans “L’homme à tête de chou” c’est l’inverse : la musique est la plupart du temps en retrait, et la voix très – trop ? – en avant dans le mixage.

GAINSBOURG Pochette

Le mixage justement, c’est le sujet de cette réédition. À première écoute, j’ai été surpris bien sûr. Entendre enfin les lignes de basses de Brian Odgers, les guitares d’Alan Parker et Judd Proctor, les synthés d’Alan Hawkshaw et la batterie de Dougie Wright est évidemment un grand bonheur. Un album enregistré en trois jours, voix comprises, et mixé à l’arrache en une journée nécessite une équipe de musiciens de très haut-vol, surtout qu’aucune répétition n’avait eu lieu au préalable. Une telle équipe de musiciens à ce niveau d’excellence est une chose, et Gainsbourg le savait. Il a toujours été entouré des meilleurs. À cette époque les musiciens anglais sont plus chers que les Français, mais ne demandent pas de part d’arrangements (Alan Hawkshaw le regrettera), ils les font sur place en direct. Et ça, ce filou de Sergio le savait aussi… Musicalement, il recycle des vieux plans déjà utilisés auparavant : les quatre accords du début de Melody Nelson (Mi-Sol-La-Ré) et le riff de piano sur Initials BB avec ses accords mineurs neuvième parallèles recyclé sur Aéroplanes. Le génie des musiciens fait le reste.

Passée cette première écoute et en comparant ce “nouveau mix inédit” avec le mixage original, je me suis rendu à l’évidence : l’original comporte des défauts, mais peu importe. C’est Gainsbourg qui en avait décidé ainsi, c’est lui qui avait le final cut. Et tant pis si on n’entend pas assez tel ou tel instrument. Dans Variations sur Marilou la musique était clairement sous-mixée, à tel point qu’on aurait dirait qu’elle sortait d’un poste de radio… Comme celui qu’écoute Marilou ?

Remixer, à quoi bon ? L’étape suivante, c’est quoi ? Passer la rythmique au Beat Detective ? Autotuner la voix ? Accorder les synthés ? Ou filer les pistes à l’intelligence artificielle ? Bref, on ne remixe pas un album, sauf si c’est l’artiste qui le désire. On ne remixe pas “Revolver”, on ne remixe pas “Dark Side Of The Moon”, on ne remixe pas “Aja”. Les nouvelles éditions en stéréo alors que le mixage d’origine est en mono, les remastering qui nous sont vendus comme des nouveautés (comme si le mastering était une étape artistique) sont juste là pour faire racheter l’album au public. Tout cela n’est qu’une démarche purement commerciale. Pour cette réédition, l’ajout des pistes instrumentales aurait simplement suffit, à titre documentaire. Si l’on cherche des nouveautés à tout prix, il y en a pléthore chaque jour. Arrêtez de toucher aux chefs-d’œuvre s’il vous plaît, et passons à autre chose. (Avec toute l’affection que j’ai pour Sébastien Merlet et Christophe Geudin.)

 CD / LP Serge Gainsbourg : “L’Homme à tête de chou” (Mercury / Universal).