Le label anglais Robinsongs vient de publier le premier volume de “The Complete Polydor Years” du vénérable combo brit funk emmené depuis ses débuts par le fantastique bassiste et chanteur Mark King.
Ce devait être, si ma mémoire est bonne, fin 1982 dans L’Écho des Bananes, émission rock de FR3 – ne riez pas, ça existait, et c’est hélas inimaginable aujourd’hui – présentée par Vincent Lamy, et dont les sommaires oscillaient entre Williams Sheller, John McLaughlin, Étienne Daho, Van Halen, The Clash, Michel Jonasz et Genesis – allez vous étonner, après, que les goûts musicaux de ma génération soit des plus éclectiques : big up le service public. Fin 1982, donc, l’ami Lamy avait lancé un sujet sur un groupe nommé Level 42, et le lendemain, à la cantine du bahut, votre Doc et son crew de real music lovers n’avait que ce nom-là à la bouche : « Doc, t’as vu hier ce groupe à la télé, Lévaile Quarante Deux, ils ont un bassiste génial, Mark King je crois… – Oui, j’ai trop kiffé. » (NB : Je ne suis pas certain qu’on disait déjà « J’ai trop kiffé » en 1982, mais j’avais dû répondre quelque chose d’équivalent, genre « c’était super » ; en revanche, je me souviens parfaitement qu’on ne disait pas encore le nom du groupe comme il faut, c’est à dire « Laiveul Fourtitou ».)
Ainsi, la prestation du groupe de Mark King, du claviériste-chanteur Mike Lindup et des frères Gould, Phil (batterie) et Boon (guitare), nous avait grave bluffés. Leur mélange savamment dosé de funk et de pop, leur look pas si éloigné du nôtre (t-shirt, jeans, coupes de douille sans chichi) et, of course, la voix à la coule et le jeu de basse dévastateur de Mark King, l’homme au pouce d’acier – depuis Larry Graham et Stanley Clarke, on n’avait jamais entendu un bassiste slapper avec une telle gourmandise – avaient instantanément rallié tous nos suffrages.
Ça tombait bien, “The Poursuit Of Accidents” venait de sortir, et dans la foulée on jeta une oreille pas moins attentive et passionnée à leur opus précédént, le premier, l’éponyme, avec le fameux Turn It On. Et ce fut une révélation, une école du groove pour nous les jeunes loustics en plein apprentissage et en manque de repères.
Un an plus tard, tandis que venait juste de sortir “Standing In The Light”, produit « par des mecs d’Earth, Wind & Fire je crois » m’avait dit un pote de fac (il avait raison, il s’agissait rien moins que de Verdine White et Larry Dunn, qui avaient flashé sur le groupe et proposé leurs services), Laurent (le pote) et moi eurent le bonheur de voir Level 42 sur scène, et je garde un souvenir ému de ce concert.
Les années 1980-1984 sont souvent celles que préfères les fans de Level 42. A cette époque, le groupe de King & Co était encore un secret bien gardé, la gloire internationale viendra en 1987 avec le plus pop “Running In The Family” et le mégatube qui lui donnait son titre. Mais en cette première moitié de décennie (tellement plus riche qu’on veut trop souvent le faire croire), Level 42 incarnait une sorte d’idéal léger et pétillant, nous apportait notre lot de saveurs mélodiques et de frissons instrumentaux.
Et en plus du phénoménal King de la basse électrique, on aimait beaucoup le style “à la Philip Bailey” de Mike Lindup et l’entente confraternelle entre les brothers Gould, subtils techniciens s’il en est. “The Complete Polydor Years 1980-1984” regroupe donc les cinq premiers albums de Laiveul Fortitou, ainsi que cinq – oui, cinq ! – CD de raretés, b-sides et autres remixes, sans parler du livret où les membres du groupe se racontent (sans Boon Gould, hélas disparu, mais avec l’indispensable homme de l’ombre, le grand Wally Badarou). N’attendez pas : comme les premières rééditions des années 2000, ce joli coffret va rapidement devenir collector !
COFFRET Level 42 : “The Complete Polydor Years 1980-1984” (Robinsongs / Polydor, déjà dans les bacs, et en vente au rayon soul-funk de Gibert Joseph, Paris, VIe, ami de muziq.fr).