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Kamil Rustam, mieux guitare que jamais

Qui ne se souvient du remarquable guitariste qu’on voyait, entre autres, dans les années 1980 aux côtés de Michel Jonasz et de France Gall ? Désormais installé aux Etats-Unis où il aussi demandé qu’en France, Kamil Rustam vient enfin de publier son premier album, “Cosmopolitain”. Muziq.fr est allé à sa rencontre.

RUSTAM Groupe

MUZIQ.FR Depuis plus de trente, vous avez accompagné les artistes les plus prestigieux des deux côtés de l’Atlantique. Pourquoi avoir attendu aussi longtemps pour publier votre premier disque sous votre nom ?
KAMIL RUSTAM Cet album a été commencé il y a longtemps – en 1993 si je me souviens bien –, mais je n’avais jamais été entièrement satisfait du résultat. J’ai souvent abandonné et recommencé au fil des années, jusqu’à ce que le résultat final me plaise…

Le regretté Michael Brecker joue dans New Amsterdam. Racontez-nous l’histoire de ce morceau construit “autour” de lui…
New Amsterdam est justement un morceau que j’ai écrit et enregistré il y a de nombreuses années. J’avais initialement rencontré Michael – dont j’étais fan absolu – à Paris dans les années 1990, à travers Larry Coryell et un ami qui était proche d’eux. J’ai recroisé Michael à Paris alors que nous travaillions tous les deux sur un projet avec Michel Berger. Nous sommes restés en contact à partir de là. Lorsque j’ai composé New Amsterdam, je lui ai fait écouter le titre, et il a accepté de jouer dessus. Nous nous sommes donc revus en 1997 dans un studio, à New York, où il a enregistré cette sublime et très inspirée partie de saxophone. Il m’a fallu plusieurs années pour que j’arrive à faire mûrir le projet, et finalement achever cet album. Je suis fier que beaucoup d’amis et d’idoles jouent sur différents morceaux. Michael y compris bien sûr. La version originale du morceau sur laquelle il a joué a été retravaillée, et la production refaite pour avoir un son plus actuel, mais la performance intemporelle de Michael est intacte. Je suis honoré de partager le magnifique cadeau qu‘il m’a fait avec tous ses fans du monde entier. Peter Erskine, qui était un ami proche de Michael, a réenregistré la partie de batterie sur la nouvelle version. C’était à la fois inspirant et touchant de l’entendre dire pendant l’enregistrement à quel point il était ému d’avoir l’impression de rejouer avec Michael après toutes ces années.

Mélanger les meilleurs musiciens de studio américains et français : était-ce prémédité ou cela s’est-il fait naturellement, à travers vos amitiés musicales ?
Lorsque j’ai fait part à mes amis musiciens proches que j’allais enfin finaliser mon album, ils ont tous répondu à mon appel, et cela s’est donc fait tout à fait naturellement.

RUSTAM Manu Katché

La présence de Manu Katché nous renvoie aux “années Jonasz”. Quel souvenir gardez-vous de cette période, qui vous a révélé au grand public ?
Je dois dire que pour moi et, je pense, pour tous les collègues musiciens de cette époque, nous avons eu la chance de vivre une période formidable où les gens aimaient la création et les choses nouvelles. Les artistes mettaient en valeurs leur musiciens. Il y avait même une catégorie “Meilleurs musiciens de studio” aux Victoires de la musique, où j’ai été nommé deux années de suite. Je pense que les temps sont bien plus durs pour la reconnaissance des musiciens de nos jours…

Manu Katché, Vinnie Colaiuta, Peter Erskine : vous aimez les grands batteurs ! Comment résumeriez-vous leur apport respectif ?
J’ai toujours été attiré par le coté rythmique et groovy de la musique, et il était donc naturel pour moi de travailler avec de grands batteurs. J’ai d’ailleurs commencé mon album dans les années 1990 par des enregistrements avec le regretté Jeff Porcaro – Les sortirai-je un jour ? Qui sait… Vinnie m’a beaucoup apporté au niveau rigueur. Il faut être sûr de soi et il n’y a pas de place à l’erreur avec lui au niveau rythme ! Peter Erskine est un maitre de la batterie jazz et je pense que son jeu embellit la performance des musiciens avec qui il joue. En tous cas la mienne ! Que dire de Manu Katché, mon ami de toujours ? C’est un magicien. Il remplit la musique comme le ferait un peintre sur sa toile. Son jeu ne cesse de m’émerveiller.

RUSTAM Photo

Sans être pour autant nostalgique, votre musique reflète votre amour pour le jazz fusion des années 1970 et 1980. Quels sont les artistes – et pas seulement les guitaristes bien sûr… – qui vous ont le plus inspiré en tant que compositeur ?
Indéniablement des musiciens et des groupes comme Weather Report, Herbie Hancock, Mahavishnu Orchestra, mais aussi des artistes plus jazz ou classique comme Keith Jarrett, Miles Davis, et bien sûr un bluesman comme B.B. King, avec qui j’ai eu la chance de travailler un peu avant son décès.

J’entends l’influence de Larry Carlton dans le superbe Tumbleweed. Ai-je tout bon ou tout faux ?
J’ai bien sur beaucoup écouté Larry Carlton dans sa grande époque, et il est très possible que, sans que ça soit évident pour moi, il m’ait inspiré dans mon jeu de guitare. Ça n’était cependant pas fait intentionnellement.

À la fin de Tempted, vous faites une citation de Jean-Pierre de Miles Davis. Clin d’œil à une époque inoubliable ou simple hommage discret à Miles ?
Un peu des deux sûrement. On s’est beaucoup amusé pendant l’enregistrement de ce titre, et je ne sais pas vraiment pourquoi ni comment est sortie cette citation, mais Miles devait se balader vers Hollywood ce jour-là… Les mystères de l’improvisation ! [Rires.]

Vous avez participé à des centaines de séances d’enregistrement. Quelle est la plus mémorable ?
Je crois que je n’oublierai jamais le jour je me suis retrouvé en studio avec Jeff Porcaro et son frère Mike à Los Angeles, pour le début de l’enregistrement d’un de mes titres dans les années 1990. J’étais comme un enfant qui rencontrait le Père Noël ! Mais il y a tant d’autres souvenirs, et ils sont certainement trop longs à énumérer…

Vos trois solos de guitare favoris, tous styles de musique confondus ?
Machine Gun par Band Of Gypsys de Jimi Hendrix, Blue Benson par George Benson, et un peu tout par John Scofield !•

CD “Cosmopolitain” (www.canufeelitrecords.com, chronique dans le n° 702 de Jazz Magazine, actuellement en kiosque)
NET kamilrustam.com