“A New Career In A New Town (1977-1981)”, le nouveau coffret de David Bowie, s’attarde sur la trilogie “berlinoise” du Thin White Duke, sans oublier le double live “Stage” et “Scary Monsters”. Bref, rien à jeter.
Contrairement à Prince, David Bowie a visiblement pensé à rédiger son testament. Il se murmure que tout est prévu pour les prochaines années : de “David Bowie” (1969) à “Blackstar” (2016), tous ses albums seront ainsi réédités sous forme de coffrets “stylistico-chronologiques”, agrémentés de raretés, mais somme toute d’assez peu d’inédits. À raison d’un coffret par an, tout cela devrait nous mener environ jusqu’en 2022. Quelles sera ensuite la teneur des nouvelles d’outre-tombe que nous enverra Bowie ? Des vrais inédits ? Un nouvel album ? Nul ne le sait encore…
Après “Five Years 1969 – 1973” et “Who Can I be Now ? [1974-1976]”, voici donc “A New Career In A New Town (1977-1981)”, qui regroupe “Low” (paru le 14 janvier 1977), “Heroes” (14 octobre 1977), “Stage” (8 septembre 1978, présenté dans son mix d’origine et dans une version remixée il y a peu par Tony Visconti), “Lodger” (18 mai 1979, idem : dans son mix d’origine et remixé par Visconti), “Scary Monsters” (12 septembre 1980) et la désormais rituelle compilation de raretés “Re:Call”.
Pour en savoir (beaucoup) plus sur la fameuse trilogie berlinoise (“Low”, “Heroes” et “Lodger”), on se reportera au n° 4 de Muziq, le bookzine qui aime les mêmes David Bowie, pardon, musiques que vous (à éplucher plus en détail ici), et on (re)lira notamment le remarquable article de Christophe Geudin, Allemagne, années Heroes.
Mais sachez que la nouvelle version de “Lodger” permet de redécouvrir cet album sonnant comme un Fantastic Voyage (c’est le titre d’une des chansons) en terres bowiennes expérimentales, comme les deux autres opus de la trilogie made in Berlin d’ailleurs, qui figurent parmi les plus fascinantes – et intemporelles – œuvres de Bowie, imaginées comme chacun sait avec le stratège oblique Brian Eno et le producteur / ingé-son créatif Tony Visconti.
Sachez, aussi, que la nouvelle version de “Stage” comporte deux titres de plus que la réédition de 2005. Déguster des titres vintage (avec Bowie, tout change si vite que la vintagisation est nettement plus rapide que chez les autres artistes…) réinventés par son band futuriste de l’époque est un vrai plaisir. Les guitaristes Carlos Alomar et Adrian Belew (déjà ex-Zappa et futur Talking Heads/King Crimson), le claviériste Roger Powell (en vacances d’Utopia), le puissant batteur Dennis Davis ou encore le violoniste Simon House donnent à The Jean Genie, Suffragette City, Five Years et Ziggy Stardust des atours inouïs. Ainsi réinventé, Fame, qui n’avait alors que quatre ans d’âge, sonne déjà presque comme Fashion ! Quant au répertoire issu de “Station To Station”, “Low” et « Heroes”, il est réincarné de façon plus organique, un peu moins froide sans doute. (Même si, paradoxalement, c’est la froideur arty et ambient de “Low” et de “Heroes” qui les distinguent du tout-venant pop-rock.)
“A New Career In A New Town (1977-1981)” se termine par “Scary Monsters”, album exigeant – It’s No Game, quelle entrée en matière, que de belles stridences électriques signées Robert Fripp !!! –, en son temps porté par le tube intersidéral Ashes To Ashes, l’une des sept merveilles du monde de la pop moderne. Sans parler du funky-glacé Fashion, torpillé encore une fois par la guitare de Fripp, et qui semble bien avoir inspiré Prince, alors en pleine mutation electro-funk – un an plus tard, le natif de Minneapolis explorera des terres voisines avec “1999”, opus froid, slystonien et kraftwerkien à souhait.
“Re:Call 3”, ainsi que le EP « Heroes / Helden / Héros” (Heroes chanté en allemand et en français par le Fin Duc Blanc !), combleront les amateurs de raretés via, notamment, la première lasérisation (officielle) du maxi 45-tours “David Bowie In Bertolt Brecht’s Baal” de 1982 , et le retour d’Alabama Song, naguère bonus track de la réédition Rykodisc millésime 1992 de “Scary Monsters”.
Enfin, comment ne pas louer la qualité du mini-livre de 130 pages, superbement imprimé, truffé des photos rares, de reproductions de pochettes, d’extraits de coupures de presse d’époque, et agrémenté de témoignages du producteur Tony Visconti ? Sans oublier la qualité d’impression et de la “jivaroïsation” des pochettes (en version CD s’entend), aussi soignée que les paper sleeves d’habitude importées du Japon. C’est dire. •
Coffret CD ou LP David Bowie : “A New Career In A New Town (1977-1981)” (Parlophone / Warner Music, sortie le 25/9)