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Classiq Rock

Atomic Rooster, l’intégrale studio 1970-1974

Le label anglais Esoteric Recordings vient de publier “Sleeping For Years – The Studios Recordings 1970-1974”, superbe coffret de quatre CD qui nous replonge dans la musique du passionnant groupe fondé par Vincent Crane, Atomic Rooster.

ATOMIC ROOSTER Photo 1

Juin 1969. Vincent Crane et Carl Palmer quittent The Crazy World Of Arthur Brown, dont Crane avait arrangé et cosigné avec Brown le hit Fire. L’organiste et le batteur décident dans la foulée de former leur propre groupe, Atomic Rooster, et recrutent suite à une petite annonce passée dans Melody Maker le bassiste (et chanteur) Nick Graham, dont c’est le premier gig professionnel. Leur premier album éponyme est aussitôt enregistré, qui sort en février 1970. (Quelques mois plus tôt, le trio s’était produit au Lyceum Ballroom, avec Deep Purple en première partie…) Virtuose injustement méconnu de l’orgue Hammond – Keith Emerson, Brian Auger, Jon Lord, Ken Hensley, la concurrence était rude à cette époque de l’autre côté de La Manche ! –, Crane y déroule tout son savoir faire, marqué par une extrême musicalité, un feeling mordant et un certaine forme de swing, sans parler de ses talents d’arrangeur et de compositeur (Friday The 13th est un petite standard du rock seventies briton). Leur rock à la fois sombre et mélodique et proto-prog n’a pris que de belles rides. Et Carl Palmer, quoique seulement âgé de vingt ans, démontre déjà ses talents hors-normes.

ATOMIC ROOSTER Pub

Six mois plus tard, exit Carl Parlmer, parti rejoindre Keith Emerson et Greg Lake (faut-il vous rappeller le nom de leur fantastique trio à succès ?), est remplacé par Paul Hammond. Exit aussi Nick Graham ! Welcome le guitariste et chanteur John Cann, Crane assurant désormais lui-même les parties de basse à l’orgue. Ce Atomic Rooster Mk II est considéré comme le classic line up du groupe. À juste titre, puisque “Death Walks Behind You” est l’un des meilleurs disques made in England dans les glorieuses années 1970. Difficile de faire plus puissant et entêtant que la chanson-titre, ou que l’autre grand tube du Coq Atomique, Tomorrow Night. Rien à jeter dans “Death Walks Behind You”, on aime tout, l’intro de piano rêveuse de Nobody Else, les envolées instrumentales de Gerschatzer, le solo de Cann dans le “deeppurplesque” Sleeping For Years, jusqu’à la pochette, illustré par la flippante peinture de William Blake, Nebuchadnezzar.

ATOMIC ROOSTER Pochette

La sortie de “In Hearing Of” en août 1971 marque un nouveau changement de personnel avec l’arrivée de l’ex-Leafhound Peter French, gosier bluesy gorgé de plomb fondu et de gravier – French met cependant la pédale douce avec Atomic Rooster, avant de rappuyer à nouveau très fort dessus avec Cactus, qu’il rejoindra ensuite. Sa voix fait merveille dans Breakthrough et dans A Spoonful Of Bromide Hemps The Pulse Rate Go Down (ça c’est du titre). La qualité est donc toujours au rendez-vous, et l’instant classic de cette nouvelle mouture est le remake de Devil’s Answer, qui ne figurera que sur la version états-unienne de “In Hearing Of”.

ATOMIC ROOSTER Ouverture

Vincent Crane, toujours insatisfait, un brin tyrannique, et dont la santé mentale ne cessera de se détériorer jusqu’à son suicide en 1989, change encore de compagnons de route en 1972. C’est donc avec l’éclectique et expérimenté Chris Farlowe, le guitariste Steve Bolton et le batteur Ric Parnell qu’il enregistre “Made In England” début 1972. Plus décousu, mais sans doute plus ambitieux et varié que les albums précédents (les influences R&B pointent çà et là), “Made In England” bénéficie d’étonnants arrangements de cuivres et de cordes, mêlées aux arabesques de claviers imaginées par Vincent Crane. (Re)découvrir des titres comme Little Bit Of Inner Air, Introduction / Breathless, All In Satan’s Name ou encore Space Cowboy en surprendra plus d’un, même quarante-cinq ans après.
Enfin, “Nice’n’Greasy”, paru en septembre 1973, n’est pas sans charmes. On y retrouve à nouveau un remake, celui de Friday The 13th cette fois, réenregistré sous le titre de Save Me, avec cuivres rutilants et guitare wah-wah, courtesy of Johnny Mandala, qui reprendra son vrai nom – John Goodsall – quand il rejoindra le combo jazz-rock Brand X deux ans plus tard (l’instrumental débridé Ear In The Snow lui permet d’ailleurs de sortir sa boîte de doigts).

Livret savant et généreux en illustrations, bonus tracks (45-tours, demos, morceaux extraits des pressages US…), remastering aux petits oignons : Esoteric Recordings est décidément un label indispensable. •

COFFRET “Sleeping For Years – The Studios Recordings 1970-1974” (Esoteric Recordings, actuellement en vente chez nos amis de Gibert Joseph, Paris VIe)