Le cancer a eu raison de John Wetton, bassiste à la voix d’or et héros tranquille du prog rock made in England.
Quand un musicien part, et il en part hélas de plus en plus issus de cette génération avec laquelle nous sommes entrés en musique(s), c’est plus fort que nous, nous avons envie de réécouter sa musique, pour réaliser à quel point elle a compté pour nous, et pour se réconforter, aussi, en se disant que le disque, au moins, le fera revivre, tandis que le destin vient de frapper.
John Wetton, les hasards de la découverte (souvent liés à mon époque à des emprunts ou des achats dictés par la disponibilité de tel ou tel 33-tours dans la discothèque de ma ville natale ou du magasin de disques le plus proche de chez moi, où bien sûr à l’humeur d’un animateur radio), m’ont révélé sa voix un après-midi d’adolescence. Je m’en souviens comme si c’était hier, j’écoutais Radio 7 et soudain passa Danger Money de U.K. La voix du chanteur me rappela étrangement celle d’Emerson, Lake & Palmer (Greg Lake donc). Et en plus, il y avait Terry Bozzio à la batterie, le-batteur-de-Zappa.
Dans les mois qui suivirent, tout s’accéléra : King Crimson (dont curieusement je ne connaissais alors que “Lizards”***…), “Red” d’abord (One More Red Nightmare…), puis les autres ensuite, jusqu’à “USA”. U.K. bien sûr, et surtout le premier, éponyme et fabuleux (Mental Medication, Thirty Years…), avec l’immense Allan Holdsworth – John Wetton, décidément, avait non seulement une belle voix, à la fois douce et passionnée, mais ne jouait pas avec des demi-sels ! Et ce son de basse, puissant, habité, quel présence…
Et puis d’autres opus vinrent, le premier Asia, bien plus pop (Wildest Dreams), mais en concert c’était chouette (ce fut l’un de mes premiers, alors forcément je m’en souviens, il y avait un jongleur en première partie !), et même Roxy Music, le “Live !”, où il ne chantait pas mais où il faisait claquer sa basse, en alternance avec John Gustafson – fan de Roxy, je me mis en quête des albums solo de Phil Manzanera, et quand “K-Scope” entra dans mon univers, quelle belle surprise, Wetton était là, dans Numbers, avec Simon Phillips aux drums, j’adore ce morceaux.
A partir des années 1990, il faut bien l’avouer, John Wetton quitta un peu notre quotidien sonore, mais impossible de l’oublier. Régulièrement, on se passe un bon vieux Starless, In The Dead Of Night, ou même, allez, Rendez 6.02, ça fait toujours plaisir. Adieu Monsieur Wetton, et merci pour tout. •
*** Quand naguère on effeuillait la discographie d’un groupe, ce n’était pas forcément dans l’ordre chronologique de parution des albums, surtout quand on arrivait après la bataille… (Souvenez-nous, les disponibilités des discothèques, les stocks des magasins de disques, tout ça…)