La première édition française du festival Lollapalooza s’est tenue ce week-end à Paris devant 110 000 spectateurs, dont l’envoyé spécial de Muziq.
Un soir de 1991, Perry Farrell est couché sur la moquette de son petit appartement de Chicago. Il feuillette un dictionnaire d’argot et tombe sur le mot Lollapalooza. « Ce mot a deux définitions : il désigne quelqu’un de génial et merveilleux, mais aussi une sucette torsadée géante de toutes les couleurs », nous explique l’extravagant chanteur/fondateur de Jane’s Addiction et de Porno For Pyros. « Je me suis tout de suite demandé à quoi pourrait ressembler cette sucette géante si je devais la mettre en musique. À l’époque, le rock’n’roll sortait de la vague hair-metal et entrait dans sa phase alternative. Il y avait aussi le rap avec des groupes comme N.W.A. sans oublier la résurgence du punk-rock. On trouvait toutes ces musiques dans les collections de disques de nos amis, et c’est comme ça qu’est venue l’idée du festival ».
26 ans plus tard, la première édition du Lollapalooza Paris a lieu à l’Hippodrome de Longchamp. Désormais parrainé par Live Nation, l’affiche de ce premier rendez-vous respecte la tradition instaurée par Perry Farrell en mélangeant les genres et les tendances alternatives. Le programme du dimanche ressemblerait presque à une édition de 1992 avec Pixies et Red Hot Chili Peppers attendus sur la grande scène. La veille, les suédois bicolores de The Hives avaient déployé leur show maximum rock’n’roll en milieu d’après-midi. The Roots avaient ensuite déroulé leur hip-hop bio et organique en citant le « Jungle Boogie » de Kool and the Gang et le « Move On Up » de Curtis Mayfield lors d’un final solidement cuivré. Plus tard dans la soirée, Questlove allait prolonger sa série d’hommages en glissant quelques inédits Princiers dans son DJ set, pas loin du Quai d’Austerlitz…
Dimanche. Rêve mouillé d’amateurs de classic-rock et de salons de tatouages, les Rivals Sons ont le son, mais pas les chansons. À l’autre extrémité de l’enceinte, le raout des tontons marseillais d’IAM est entravé par des rafales de vent, créant un mash-up imaginaire entre les mediums de la sono des Editors et « L’école du micro d’argent ». Liam Gallagher, le Jimi Hendrix des maracas, alterne souvenirs d’Oasis (« Rock’n’Roll Star », « Morning Glory », « Slide Away ») et extraits de son album solo attendu pour l’automne avant de clore son temps alloué par un « Wonderwall » unplugged et fédérateur. Place aux Pixies qui, nonobstant l’absence de Kim Deal remplacée par une bassiste-clone, distillent leurs hits dissonants avec une nonchalance et un professionnalisme certains. Lana Del Rey minaude ensuite sur la Main Stage 2. Les accords lugubres de « Video Game » et du John Barryesque « Shades of Cool » sont accompagnées par les premières gouttes d’une pluie qui triplera d’intensité lors de l’apparition des têtes d’affiche du Lollapalooza Paris #1.
Difficile d’écouter un album entier des Red Hot Chili Peppers depuis près de quinze ans. Inversement, très facile d’apprécier sur scène un groupe porté par l’implacable rythmique Chad Smith/Flea et, surtout, le simple plaisir de jouer. À l’opposé des sets calibrés imposés aux festivaliers, le quatuor, augmenté d’un percussionniste et d’un clavier, s’autorise des pauses récréatives entre chaque titre et improvise, au choix, des bossa-novas funky, des mini-jams fusionnels et des dubs séminaux pouvant déborder jusqu’au « Wicked Game » de Chris Isaak, en passant par « I Wanna Be Your Dog » des Stooges. Une suggestion : pourquoi ne pas donner des concerts uniquement basés sur ces interludes ? 105 minutes après un démarrage turbo sur « Can’t Stop », « Give It Away » franchit le drapeau de la ligne d’arrivée. Satisfait, le (vieux) fan a reconnu « Me and My Friends », « Soul To Squeeze » et la relecture en cinquième vitesse du « Higher Ground » de Stevie Wonder au milieu de compositions diesel post-1999. « Nous avons battu un record d’audience aujourd’hui et j’espère que nous reviendrons à Paris l’an prochain », s’enthousiasmait Perry Farrell quelques heures plus tôt. « Un chose est sûre : l’esprit original Lollapalooza était bien présent à Paris ce week-end. »
Remerciement à Isabelle Rodier et Manu Wino.