Dimanche dernier à Paris, The New Power Generation célébrait la musique et la mémoire de Prince à La Cigale.
Pendant l’entracte, le sympathique co-organisateur du concert – enfin, c’est ce que j’ai cru comprendre… – est venu nous demander à chaud, ce qui n’est jamais une bonne idée, ce que l’on avait pensé des douze premiers titres que The New Power Generation venait d’interpréter, là même où, il y a dix ans pile-poil – à quelques semaines près –, Prince avait donné un concert façon aftershow de près de trois heures et retourné sens dessus-dessous La Cigale. (Petites fourmis hystériques nous étions alors devenus en l’écoutant passer en revue Old Skool Company, No More Candy 4 Us, Sexy Dancer, Le Freak, 7 ou encore Dreamer, mais c’est une autre histoire.)
On lui dit d’emblée notre déception, notre cafard, notre spleen, notre blues couleur purple d’entendre 17 Days, Girls And Boys, Call My Name et Lady Cab Driver, entre autres, revisités avec professionnalisme mais, hélas, sans passion ni subtilité.
On lui dit aussi que Mackenzie Green faisait certes de son mieux pour nous faire oublier ne serait-ce qu’un soir l’Inoubliable, mais que cette tâche était bien trop compliquée pour un jeune chanteur inexpérimenté “découvert” sur YouTube et candidat de je ne sais quelle ânerie télé-réalisée – America’s Got Talent me souffle-t-on dans l’oreillette.
Mais fort heureusement, prit-on soin d’ajouter, la special guest Jeanne Added nous avait comblé de bonheur en s’appropriant avec un cœur gros comme ça Anna Stesia et Joy In Repetition, merveilles somme toute peu connues du grand public mais vénérées par les real connoisseurs du G.C.C.P., le Grand Catalogue des Chansons de Prince.
Puis, passée l’entracte, et au moment même où l’on songeait à quitter discrètement la salle, Sexy MF et Days Of Wild nous firent basculer dans une autre dimension. Grâce au groove enfin contagieux du NPG orphelin et, surtout, grâce à Tony M., qu’on aimerait ici saluer, voire réhabiliter, tant ce rappeur, danseur, guitariste occasionnel et membre historique (qu’on le veuille on non) du vrai NPG fut en son temps villipendé – good 4 him, les réseaux dits sociaux n’existaient pas encore dans les années 1990.
Ok, sur scène, à l’époque – et quelle époque –, son style bravache relevait plus souvent du gueuloir flaubertien que du flow grand style façon Big Daddy Kane ou Rakim. Mais sur disque, ses petits chorus bien ficelés faisaient leur petit effet – qui ne se souvient, par exemple, de ses rimes littéralement téléphonées dans Willing And Able ? De son featuring si punchy dans Jughead ? Ou encore du puissant Call The Law ? Sans parler de sa contribution décisive au légendaire album collector “Gold Nigga” de 1993…
Dimanche soir, Tony M. prit Sexy MF à son compte avec gourmandise, et l’on se dit, sur le coup, que nul autre que lui ne pouvait aussi bien le faire. Ok, ils sont loins les costards-survêts de pimp flamboyants des grandes années, et le poids du temps qui passe le fait plus ou moins ressembler à un pétanqueur en goguette, mais qu’importe, on l’M Tony, et c’est bien lui qui, in fine, a ajouté ce grain de soul et ce « tout petit supplément d’âme » qui nous avait tant manqué avant l’entracte (sauf quand Jeanne A. avait pris les choses en main).
Un mot, enfin, un surtout un big up aux spectateur.e.s du tout premier rang, dans les yeux desquel.le.s on devinait la joie légère et sans conséquence de revivre, même pour de faux, ce que justement l’on ne pourra plus jamais vivre pour de vrai : leur regard n’était pas rivé sur Mackenzie Green, non, mais bien sur le fantôme de l’Inoubliable qui, là, et là, et là aussi, et là encore – partout et tout le temps en fait – nous faisait signe. Un signe des temps révolus qu’on est fier et heureux d’avoir pu vivre avec lui. The New Power Generation et The Revolution doivent-ils continuer à jouer du Prince sans Prince ? Ça se discute, mais pardonnez-moi, je préfère retourner écouter “Diamonds And Pearls”.