En rupture avec Hollywood depuis le début des années 2000, le maître du cinéma fantastique livre aujourd’hui ses bandes-son anxiogènes sur scène. En différé du ciné-concert parisien de John Carpenter.
En 2010, le sympathique The Ward, la dernière réalisation en date de John Carpenter, avait été victime de l’infamie d’une sortie direct-to-DVD dans nos contrées. Déçu par l’échec de Ghosts of Mars il y a quinze ans et écoeuré de longue date du système hollywoodien, Carpenter avait fini par disparaître des radars. Sa semi-retraite californienne aura finalement été de courte durée, perturbée par un démon aussi tenace que les cauchemars de L’antre de la folie ou les marins dépeceurs de Fog : la musique. Auteur -avec l’aide fréquente d’Alan Howarth- de ses propres bandes originales, John Carpenter a entrepris avec l’aide de son fils Cody la conception de BO imaginaires basées sur sa marque de fabrique : l’alliance du minimalisme des claviers vintage et de la rugosité des guitares métal. Sorti en 2015, Lost Themes et sa suite parue au printemps dernier, fournissent aujourd’hui le support d’une courte tournée de ciné-concerts avec une date unique à Paris le 9 novembre.
Près de dix ans après la mémorable performance de Lalo Schifrin au même endroit, John Carpenter est donc venu jouer ses BO synthético-flippantes sous la voute étoilée du Grand Rex. Accompagné d’un quatuor guitares-basse-batterie et de son fils Cody aux claviers, le metteur en scène (et en son) des légendaires Assaut et New York 1997, aujourd’hui âgé de 68 ans, a délivré un best-of de 75 minutes de ses meilleurs scores assorti d’extraits de ses albums solo. La juxtaposition d’un live band musclé et de la puissance visuelle des chefs-d’oeuvre du maître est une expérience hautement jouissive : l’introduction belliqueuse d’Escape From New York, où défile sur l’écran géant incurvé le casting cinq étoiles du film (Kurt Russell, Lee Van Cleef, Harry Dean Stanton, Isaac Hayes…) précède le riff archi-samplé d’Assault on Precinct 13 sur fond de gros calibres et d’émeutes urbaines. Gros succès également pour le rugueux blues redneck de They Live assorti aux messages subliminaux des envahisseurs extraterrestres (Obey, Submit et un Money is your God qui n’explique pourtant pas une rencontre d’avant-concert facturée 150 € aux fans), une ovation pour le montage des meilleurs plans gore de The Thing sur une reprise du thème d’Ennio Morricone et un plaisir coupable partagé jusqu’en haut des balcons pour le rock FM orientalisant des cultissimes Aventures de Jack Burton.
Une main dans la poche, l’autre sur son clavier relié à un Macbook et esquissant des petits pas de danse, John Carpenter présente chaque titre avec une touche de grandiloquence réverbérée : « I love horror movies. Horror movies will live forever » en avant-propos des arpèges d’Halloween, ou encore « Faites attention en rentrant chez vous ce soir. Christine rode dans les parages », en évoquant la Plymouth létale de son adaptation de Stephen King sortie sur les écrans en 1983. Certes avare en parole, John Carpenter n’a eu besoin que de deux mots pour résumer l’actualité du jour avec un virulent « Fuck Trump » lancé en introduction du thème de Prince of Darkness, funestement sous-titré Darkness Begins.
Setlist
Escape From New York: Main Title
Assault on Precinct 13: Main Title
Vortex
Mystery
The Fog: Main Title Theme
They Live: Coming to L.A.
The Thing: Main Theme – Desolation
Distant Dream
Big Trouble in Little China: Pork Chop Express
Wraith
Night
Halloween Theme – Main Title
In the Mouth of Madness: In the Mouth of Madness
Prince of Darkness: Darkness Begins
Virtual Survivor
Purgatory
Christine: Christine Attacks (Plymouth Fury)
Photo d’ouverture : Nicolas Brodard