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Annette Peacock, Paris ever was, anyway

Délicieusement libre, sensuellement rebelle et définitivement moderne, la chanteuse, pianiste, claviériste, parolière et compositrice était bien la plus mystérieuse tête d’affiche du festival Villette Sonique.

PEACOCK Dessin

22h10. Enfin. Elle ne marche pas vers le centre de la scène, elle glisse voluptueusement, féline toute en lenteur. Elle ne joue pas de son piano et de ses synthétiseurs, elle en rêve, comme pour mieux en faire surgir des notes, des nappes de sons et des séquences qui n’appartiennent décidément qu’à elle. Elle ne chante pas, elle hypnotise, projette sa voix ironique et douce telle un saxophone soprano pointée vers la lune. Elle dit, conte, rappe presque. « On the streets, the body, the rap, the beat celebrate the perpetual life and a new language arises again out of de-o-repression » : l’épique manifeste Elect Yourself, planant et funky à souhait (à apprendre par cœur dans “Abstract-Contact”, Ironic Records, 1988), tourne encore dans notre tête au moment où l’on écrit ces quelques lignes. Live, vivante, sans âge, éternelle, Annette Peacock a pioché hier soir de quoi nous faire oublier le temps qui passe dans des albums que d’aucuns chérissent comme des jardins secrets, à l’abri des modes et de toutes les hypes. C’était rare. Qu’elle revienne vite nous voir. Vite. On veut réécouter Living Is A et Butterflies avant que la lumière s’éteigne. •

NET annettepeacock.com

Annette Peacock abstract-contact

PS : Contrairement à ce qu’on lit de ci de là, les “anciens” albums d’Annette Peacock ne sont pas tous des vinyles, loin de là. Ces dernières années, c’est en CD, et sur son label Ironic Records, qu’elle a – hélas trop rarement – publié au gré de ses humeurs des recueils de chansons méticuleusement enregistrées at home, entourées de ses claviers et ses boîtes à rythme et avec, selon les titres, quelques musiciens triés sur le volet. “Abstract-Contact” (1988), “I Have No Feelings” (1989) et “31:31” (2005) sont de bien fascinantes perles rares, mais disponibles de façon très fluctuante… (Ses disques sont aussi rares que ses apparitions parisiennes !) Indispensable aussi, son seul et unique album ECM, “An Acrobat’s Heart”, enregistré en 2000 au légendaire Rainbow Studio d’Oslo sous la directions de Manfred Eicher.

Annette Peacock x-dreams

Rares, aussi, ses trois cult records des années 1970, “I’m The One” (1972), “X-Dreams” (1978) et “The Perfect Release” (1979). Le premier a été superbement réédité en CD digipack par Annette Peacock elle-même en 2010, puis en vinyle par Light In The Attic, mais déjà les prix flambent. Les deux autres sont parfois réédités au Japon, mais sont toujours très difficiles à trouver. Si d’aventure vous tombez sur le double CD “My Mama Never Taught Me How To Cook… The Aura Years 1978-1982” (Sanctuary Records, 2004) à un prix raisonnable, ne passez surtout pas à côté ! Jetez aussi une oreille sur le premier album solo de Bill Bruford, “Feels Good To Me” (EG Records, 1977), Annette Peacock y chante divinement.
“Dual Unity” (1972), son duo electronico free avec feu l’homme de sa vie Paul Bley vient, ô miracle, d’être réédité en CD, et nul doute que dans cinq minutes, son prix dépassera l’entendement (n’attendez pas). “Improvisie” (America Records / Universal) a aussi été réédité en 2004, mais là encore, bon courage…

PEACOCK Marilyn Crispell

À propos de Paul Bley, impossible de passer à côté de “Blood” (Fontana, 1966, en trio avec Mark Levinson et Barry Altschul) “Open, To Love” (ECM, 1972, en piano solo) et “Annette” (Hat Hut Records, 1992, avec Gary Peacock et Franz Koglmann), qui contiennent tous des interprétations à fleur de peau des plus belles compositions d’Annette Peacoock : Open, To Love, Nothing Ever Was, Anyway, Albert’s Love Theme, Blood, Mister Joy, Kid Dynamite… Enfin, impossible de passer à côté du double album de la pianiste Marilyn Crispell entièrement dédié aux compositions d’Annette Peacock, le sublime “Nothing ever was, anyway. Music of Annette Peacock” (ECM, 1997), gravé en trio avec Gary Peacock à la contrebasse et Paul Motian à la batterie : wow.