Pour son premier vrai concert parisien, le nouveau protégé de Dr. Dre a fait gentiment pogoter le sous-sol de La Bellevilloise. Doc Sillon y était, qui n’a pas sauté au plafond.
Quand je sors d’un concert donné par la nouvelle sensation du moment, je me demande souvent si, vingt ans plus tard, je pourrai fièrement dire : « J’y étais. » Vingt ans après Meshell Ndegeocello à l‘Élysée-Montmartre, oh que oui j’y étais, on y était, et on y est encore tiens. Vingt-neuf ans après Prince au New Morning, j’y étais, plutôt mille fois qu’une. Dix-huit ans après Roni Size au Bataclan, j’y étais, en nage, lessivé mais heureux. Mais quatorze ans après Bilal à l‘Élysée-Montmartre, ça, ça n’impressionne personne. Vingt-huit ans après Michael Jackson au Parc des Princes non plus – si, quand même un peu ? Etc., etc.
Tout ça pour dire que les premières impressions ne sont pas forcément les bonnes, mais que je ne suis pas certain que le premier concert bellevilloisien d’Anderson .Paak, dont j’adore le nouveau disque, “Malibu” (lire ici), me laisse un souvenir impérissable. Je ne me vois pas le raconter à un cercle d’amis buvant mes paroles, un soir d’hiver dans un chalet à La Cluzat, aux alentours de 2036.
Certes, le jeune homme est un rappeur honnête (mais loin, très loin du flot renversant de Kendrick L.), il sait chanter avec certaine gouaille tout en jouant de la batterie (Prince, qui pourrait être son père, n’a cependant rien à craindre), mais il manque encore de charisme et, passée la première demi-heure de show, il semble curieusement déjà fatigué (« Les jeunes, c’est plus c’que c’était », me disait l’autre matin mon buraliste).
Ses musiciens manquent de personnalité, et l’énergie qu’ils dégagent est somme toute moins pénétrante que les beats programmés et autres nappes de synthés pré-enregistrés qui jaillisent de la sono – un peu trop proche du 11 à mon goût, mais ce doit être l’âge (« Si c’est trop fort, c’est que vous êtes trop vieux », disait Ted N.)
Bref, si Mister .Paak veut un jour remplir le Zénith ou, plus raisonnablement, le Grand Rex, il faut qu’il travaille encore, qu’il claque un ou deux tubes imparables et qu’il soigne son look et ses chorés. Le flot, ça va, le groove, ok, le disque, super, mais ça ne suffira pas. Quelques bons points, quand même : la reprise The Makings Of You de Curtis Mayfield, Suede, extrait du EP “Nxworries” (Stone Throw) enregistré avec Knxledge et basé sur un sample ramollo-ramolli de The Bottle de Gil Scott-Heron, et le clin d’œil à David Bowie via quelques mesures de Let’s Dance – soufflé, dit-on, par une attachée de presse futée. Ceux qui dansaient le blues avec leurs dancin’ shoes avant même que .Paak ne soit né ont apprécié.
Prochain concert de l’oiseau : mardi 1er mars, même heure, même endroit. Allez-y, je suis sûr que ce sera mieux.