Filmé à Leverkusen en 2008, le premier dvd officiel d’Adrian Belew vient de sortir. Le virtuose à la guitare habitée par toutes sortes d’animaux étranges est accompagné par Julie et Eric Slick, bassiste et batteur liés par les liens du rythme et du sang.
Nashville, Tennessee, novembre 1976. Il se fait tard, mais Frank Zappa n’a pas sommeil, et porpos à ses musiciens d’aller écouter un peu de musique en ville. Le chauffeur de la limousine lui conseille d’aller jeter une oreille à « Sweetheart, son groupe favori », qui se produisent dans un club local, le Fanny’s. « Ok, répond le guitariste, emmenez-nous donc au Fanny’s écouter Sweetheart. » Personne ne saura jamais si Zappa et ses musiciens – Bianca Thornton, Ray White, Patrick O’Hearn, Terry Bozzio… – partagèrent l’enthousiasme du chauffeur de la limo pour Sweetheart, un cover band comme il en existait des milliers aux Etats-Unis, mais Zappa fut malgré tout ébloui par leur guitariste, qu’il s’empressa d’aller saluer à la fin du set : « Laissez votre nom et votre téléphone à mon chauffeur, j’aimerais vous faire passer une audition dès que possible… » Adrian Belew ne le savait pas encore, mais il y aurait un avant et un après 11/76 dans sa vie. Neuf mois plus tard, après une première audition ratée et une seconde réussie, Adrian Belew partait on the road avec le Génial Moustachu™. Fin janvier 1978, après une trentaine de dates américaines, Zappa et son groupe entamaient une tournée européenne. Le 15 février, à Berlin, un certain David Bowie – accompagné par Iggy Pop – s’est discrètement installé sur le côté de la scène et ne perd pas une miette du concert. Il est à son tour fort impressionné par ce guitariste-chanteur, que son ami Brian Eno, toujours de bon conseil, lui avait recommandé d’aller écouter. Profitant d’un morceau joué en trio par Zappa, Parick O’Hearn et Terry Bozzio, Adrian Belew quitte la scène et aperçoit Bowie et Pop. Grand fan de la musique du Thin White Duke, il s’approche de lui pour le saluer : « Bonsoir, je m’appelle Adrian Belew, et je voulais juste vous dire merci pour la musique, je suis un grand fan de ce que vous faites… – Ah oui ?, lui répond Bowie, hé bien, ça vous dirait d’être le guitariste de mon groupe ? »
On connait la suite : après son bref – mais historique – séjour dans le groupe de Zappa, Adrian Belew jouera et enregistrera avec David Bowie, Talking Heads (à l’époque où Eno était leur producteur), King Crimson, Paul Simon, Herbie Hancock, The Bears, Jean-Michel Jarre (si, si…), Nine Inch Nails… Tout en sortant ses propres disques, à la diffusion et au succès certes confidentiels, mais qui marquèrent néanmoins durablement plusieurs générations d’amateurs de “chansons à guitare”. Car Adrian Belew, s’il est un virtuose hors-normes, est aussi un songwriter d’importance dont la patte mélodique( marquée du sceau indélébile des Beatles) et la voix envoûtante font de lui un instrumentiste unique et un artiste à part.
En 2006, trente ans après avoir serré la main de Frank Zappa pour la première fois, Adrian Belew fit à nouveau une rencontre inattendue. Pas dans un club de Nashville cette fois, mais à la School Of Rock de Philadephie où son fondateur, Paul Green, l’invita une semaine durant à partager son immense savoir avec ses apprentis rockeurs. Parmi eux, deux teenagers nettement plus doués que les autres eurent le bonheur d’interpréter avec lui l’un de ses “tubes”, City Of Tiny Lites (extrait de “Sheik Yerbouti”, l’un des albums les plus populaires de Zappa). Fort impressionné par Julie Slicket son frère Eric (cf. photo à droite), Adrian Belew leur proposa sur le champ de devenir la section rythmique de son nouveau Power Trio.
Après un premier album live, “Side Four” (2007), et un album studio, “e” (2009), Belew, Slick & Slick sont donc de retour dans les bacs via ce “Live At Rockpalast”, qui vient d’être publié en cd/dvd (même track listing). La captation date de 2008, mais comme Adrian Belew a le don d’écrire des chansons et des instrumentaux intemporels, le concert pourrait tout aussi bien dater de la semaine dernière.
“Live At Rockpalast” n’est pas recommandé si vous êtes aux allergiques à la guitare. Mais si vous aimez le rock majoritairement instrumental aux arrêtes vives, mâtiné de soli de guitare virtuoses-mais-jamais-démonstratifs (Belew, grand dompteur d’effets sauvages, est tout sauf un vulgaire shredder), ne passez pas à côté. Dans ce Power Trio, la musique circule comme au sein d’un trio jazz, les musiciens s’écoutent, et jamais, peut-être, Adrian Belew n’avait pu dialoguer avec une section rythmique de manière aussi fluide. Que les fans de King Crimson se rassurent : Dinosaur, Three Of A Perfect Pair et Thela Hun Ginjeet sont au programme.
NB : contrairement aux extraits qui circulent sur YouTube (partagées ici à titre indicatif), le son (stéréo et/ou 5.1) et l’image du dvd sont parfaits.
CD/DVD “Live At Rockpalast” (Repertoire / Import Angleterre)