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Hommage

Van Halen, et 20 qui font sens

Doc Sillon a ressorti ses disques de Van Halen pour pister quelques grands moments (plus ou moins) méconnus signés d’un E, d’un V et d’un H comme Eddie Van Halen.

Oui, votre Doc a lu tellement de bêtises* suite à la disparition d’Eddie Van Halen – ou, pire, rien lu du tout, ce qui réflète un consternant manque de connaissance et de respect pour son œuvre – qu’il tenait à ajouter son grain de sel en piochant comme ça, au débotté, vingt titres qui m’ont marqué à jamais, en évitant pour une fois Jump et Beat It. Un piano Yamaha scié, Lowell George, du reggae bizarre, Nicolette Larson, John Brim, une guitare-moto… : bienvenue dans le monde d’Eddie.
* Et ressenti pas mal d’émotion aussi, tout de même, surtout venue de l’autre côté de l’Atlantique.

Atomic Punk
Extrait de “Van Halen” (Warner Bros. Records, 1978)
Il y a dans chaque note jouée par Eddie Van Halen sur le premier 33-tours du groupe qui porte son nom un degré d’excitation et d’euphorie rarement atteint. Cele fait plus de quarante ans que les premières secondes d’Atomic Punk me laissent pantois : ce beat marqué sur la cymbale ride par le frangin Alex, et cette guitare féline, foudroyante et sauvage qui sonne un DJ pionnier en train de scratcher un vinyle. Et ils remettent ça de plus belle après le solo, aux alentours d’une minute cinquante-huit secondes. « Nobody rules these streets at night but me / The Atomic Punk ! » : ce brulôt de trois minutes a beau être chantaboyé à la première personne par David Lee Roth, rien ne nous empêchera de penser que le Punk Atomique était bien Eddie.

Ice Cream Man
Extrait de “Van Halen” (Warner Bros. Records, 1978)
Au moins, quand ils reprenaient un blues vintage, les boys de Van Halen ne le signaient pas à la place de son auteur (suivez mon regard…). Ice Cream Man (1953) est une reprise qui a dû rapporter un max de brouzoufs à John Brim. Le solo d’Eddie est flashy et pétéradant à souhait : sous ses doigts, chaque note sonne comme un éclat de rire. Chouette, le marchand de glaces est passé.

You’re No Good
Extrait de “Van Halen II” (Warner Bros. Records, 1979)
Ah, les reprises de Van Halen… Créée en 1963 par Dee Dee Warwick, You’re No Good est une chanson de Clint Ballard, Jr. que nos boys passent à la moulinette hard-rock avec une insolente gourmandise. On appréciera les cœurs beachboysiens (merci Michael Anthony, qui ouvre bal avec sa grosse basse serpentine), et plus encore, évidemment, l’hallucinant chorus d’Eddie qui, non content de commencer par un mémorable rugissement distordu, fait pleuvoir mille et une notes bouillonnantes ; orage divin strié par des éclairs métalliques déchirants, comme étouffés par la main de Dieu : celle d’Eddie. (NB : Rassurez-vous, moult scientifiques de la six-cordes sauront vous expliquer ce raffut électrique d’une façon beaucoup plus rationnelle et sérieuse que votre Doc. Demandez leur de ma part.)

Women In Love
Extrait de “Van Halen II” (Warner Bros. Records, 1979)
Pour l’intro en solo de trente-cinq secondes, dont, paraît-il, Eddie était très fier. Il a raison : c’est mélodique, chantant, chaleureux, ça sonne comme plein de petites clochettes dansant entre nos oreilles.

Could This Be Magic ?
Extrait de “Women And Children First” (Warner Bros. Records, 1980)
Encore une pochade bluesy à la Ice Cream Man qui démarre en mode acoustique ? Pas tout à fait. Car on s’attend évidemment que ça parte en vrille hard-rock au bout d’une minute. Ben non. On reste autour du feu de camp, ou plus précisément sous la tente, puisqu’il pleut (écoutez bien). Et Could This Be Magic ? sonne in fine comme une chanson de marin featuring, fait rare, Eddie à la slide guitar – sur les conseils du producteur Ted Templeman – et une (certes discrète) choriste invitée : Nicolette Larson. (Deux ans plus tôt, Eddie, contre l’avis du très protectionniste David Lee Roth, avait gravé un solo sous le nom de code “?” sur le premier album de Nicolette Larson, produit par Ted Templeman.)

Mean Street
Extrait de “Fair Warning” (Warner Bros. Records, 1981)
Dites trente-trois : c’est le nombre de secondes dont Eddie a besoin pour graver dans le marbre électrique l’une de ces intros dont il avait le secret, en slappant sur sa six-cordes, tel le plus funky des bassistes. Mean street ? Mean guitar too. Monstrueux.

Push Come To Shove
Extrait de “Fair Warning” (Warner Bros. Records, 1981)
Initié par David Lee Roth, ce rock laid back aux inflexions funky et à ligne de basse du même tonneau (de Jack Daniel’s) est l’un de ces titres-ovni typiques d’un groupe décidément sans complexes et sans limites. En prime, encore un solo exemplaire de concision d’Eddie qui, je trouve, préfigure sa légendaire impro dans Beat It de Michael Jackson.

Sunday Afternoon In The Park
Extrait de “Fair Warning” (Warner Bros. Records, 1981)
Si les brèves pièces pour guitare solo d’Eddie sont toutes entrées dans la légende (Eruption, Spanish Fly, 316…), ses petites folies pour synthétiseur ne sont pas moins mémorables. Composé à la hussarde et en studio par notre homme sur un Electro-Harmonix Micro-Synthetizer, Sunday Afternoon In The Park et ses sonorité flippantes façon grosses bulles noires dégoulinantes aurait pu servir de BO à un film d’horreur. Dingo.

Cathedral
Extrait de “Diver Down” (Warner Bros. Records, 1982)
Eddie en solo, maître de la pédale volume. A écouter enchaîné avec Chromatic Fantasy de Jaco Pastorius (“Word Of Mouth”, Warner Bros. Records, 1981) : vous verrez, l’effet est saisissant. Deux génies virtuoses sur leur instruments qui se fichent des conventions. Bon sang comme c’est beau.

Secrets
Extrait de “Diver Down” (Warner Bros. Records, 1982)
Secrets
est un leftover des séances d’enregistrement de “Fair Warning”. Chanson douce et presque mélancolique néanmoins marquée au fer rouge par un solo nerveux et lancinant d’une électrisante beauté.

Little Guitars (Intro)
Extrait de “Diver Down” (Warner Bros. Records, 1982)
Les boys de VH étaient tout de même de sacrés filous. “Diver Down” dure à peine plus de trente minutes (!), contient quatre reprises (Where Have All The Good Times Gone ?, (Oh) Pretty Woman, Dancing In The Street, Big Bad Is Sweet Williams Now et Happy Trails), trois mini-instrus d’Eddie (Cathedral, Intruder et celui-ci) et, donc, seulement trois (!) chansons originales (dix minutes de musique au total !), dont une, la meilleure, Secrets, est issue des séances de “Fair Warning”, comme précisé plus haut. Pas étonnant, dès lors, que seulement dix jours aient été nécessaires pour tout mettre en boîte… Ce qui ne nous empêcha pas, en notre temps, d’écouter en boucle cet album léger, pétillant, rafraîchissant et sans prétention. Sinon, j’ai longtemps cru que dans Little Guitars (Intro), jolie pièce en solo acoustique, Eddie avait superposé deux parties de guitare en overdub. En fait, non. Gloups.

Big Bad Bill (Is Sweet William Now)
Extrait de “Diver Down” (Warner Bros. Records, 1982)
Avec papa Jan à la clarinette : Eddie jouait de la basse dans l’orchestre familial quand il était gamin. Ici, il fait gentiment la “pompe” sur une guitare acoustique (pas de solo), tandis que le grand-frère Alex a ressorti ses balais, et que David Lee Roth fait son cabaret singer avec tout le talent qu’on lui connaît.

Top Jimmy
Extrait de “1984” (Warner Bros. Records, 1984)
S’ils avaient enregistré “Diver Down” à l’arrache, nos quat’ boys ont nettement plus travaillé sur son successeur, “1984”. Ici, notre ami Eddie aligne avec sa Steve Ripley stereo guitar des phrases blues insolentes de rapidité, après avoir claqué une intro toute en harmoniques hypnotiques. Les paroles de Top Jimmy sont basées sur un personnage réel et ami de David Lee Roth, Jimmy Koncek.

Apolitical Blues
Extrait de “OU812” (Warner Bros. Records, 1988)
A priori, ils s’étaient jurés de ne plus faire de reprises. Ils ont tenu dans le premier disque post-Roth (remplacé par Sammy Hagar, alias “The Red Rocker”), l’excellent “5150”, mais ils ont craqué dès le suivant, “OU812”. Pour notre plus grand bonheur puisqu’ils rejouent une pépite de Lowell George extraite du troisième album de son merveilleux groupe, Little Feat (“Sailin’ Shoes”, 1972, produit par Ted Templeman). Reprise très respectueuse de l’original s’il en est, qui plus est captée par le même ingé son, Don Landee, avec seulement deux micros. Pour un effet vintage des plus seyants et chaleureux.

Poundcake
Extrait de “For Unlawful Carnal Knowledge” (Warner Bros. Records, 1991)
On ne rigole plus ! Car voici encore une intro légendaire, en forme de clin d’œil à celle, non moins légendaire, de Bad Motor Scooter de Montrose, le premier groupe de Sammy Hagar – Sammy est l’auteur de Bad Motor Scooter. (Le premier album de Montrose, produit par encore-lui-Ted-Templeman, préfigure avec cinq ans d’avance l’esthétique vanhalenienne.) Eddie nous (re)fait le coup de l’homme à la moto et fait vrombir sa six-cordes, avant que brother Alex n’enfonce le clou en mode “John Bonham is alive !” – oui, tout cela sonne magnifiquement Led Zeppelin les ami.e.s. Et comme d’hab’, solo cinglant de piquant électrique. PS : Jouer avec une perceuse ? N’essayez pas de faire ça chez vous je vous en conjure !

Man On A Mission
Extrait de “For Unlawful Carnal Knowledge” (Warner Bros. Records, 1991)
Rien que pour l’“introvni”, six secondes de douce folie swinguante en duo guitare-basse. J’adore. Et Eddie et Michael remmettent ça après le cri bestial de Sammy, juste avant le solo (qui démarre un peu comme celui de You’re No Good, voir plus haut).

Right Now
Extrait de “For Unlawful Carnal Knowledge” (Warner Bros. Records, 1991)
Passé le succès planétaire de Jump et son intro synthétique, Maître Eddie va décliner ses frédérichopineries à gogo, comme ici, avec un soupçon d’Alan Parson Project – tiens, pour changer un peu, ils pourraient utiliser Right Now au Vélodrome… Et matez-moi ce clip, please :

Big Fat Money
Extrait de “Balance” (Warner Bros. Records, 1995)
« Pas besoin d’un click puant »
, précise Alex. Il est vrai que ça envoie sévère avec ce Big Fat Money façon Communication Breakdown (“Led Zeppelin I”, 1969), qui me rappelle aussi Thunder And Lightning de Thin Lizzy. Mais une fois de plus, ce qui sidère c’est le solo d’Eddie, complètement allumé, avec un son inhabituel, presque jazzy, comme s’il entrait en loucedé dans une dimension parallèle, au beau milieu de cette furia hard-rock honky-tonk. Dingo.

Strung Out
Extrait de “Balance” (Warner Bros. Records, 1995)
O.k., encore un instru, mais au piano (un Yamaha très couteux), dont Eddie racle et scie (!) savamment l’intérieur. Du coup, ça sonne comme si Arto Lindsay essayait de faire du tapping – te blesse pas Arto ! Vous avez dit quatre-vingt huit secondes d’avant-garde dans un album de rock mainstream, c’est aussi osé que chelou ? Nous sommes d’accord. Eddie était grand, et n’avait pas froid aux yeux.

Beats Workin’
Extrait de “ A Different Kind Of Truth” (Warner Bros. Records, 2012)
L’ultime album studio de Van Halen, qui marquait le grand retour de l’impayable Diamond Dave au micro, après vingt-sept ans passés loin de ses buddies. Ici, on aime la manière dont un certain calme (tout relatif) s’installe – more cowbell Alex ! – quand Eddie laisse danser ses doigts sur son manche, utilisant avantageusement sa pédale wah wha. Waouh. Comme tu vas nous manquer Eddie.