Retour en édition haute-définition restaurée du chef-d’œuvre filmique des Talking Heads et de Jonathan Demme.
« Je n’envisage pas Stop Making Sense comme un concert, mais davantage comme un spectacle », expliquait David Byrne en 1984, lors de la sortie en salles du film-concert de Jonathan Demme. De l’art de la litote : dans un sens aigu de la théâtralisation dépassant largement les ambitions limitées du concert filmé, le réalisateur du Silence des agneaux et de Philadelphia introduit sa scénographie par la stupéfiante arrivée progressive du groupe. Voici David Byrne, seul à la guitare, interprétant « Psycho Killer » au rythme d’un ghetto-blaster. Il est ensuite rejoint par Tina Weymouth sur « Heaven », puis par Chris Frantz pour « Thank God For Sending Me An Angel » et enfin Jerry Harrison au cours de « Found A Job ». Les décors sont nus — le spectateur découvre l’envers de la scène et le travail des roadies —, l’éclairage discret (un simple effet de spots rasants sur « What A Day That Was », un abat-jour pour « Naive Melody (This Must Be The Place) ») et le public volontairement sous-mixé dans la bande-son. De la même manière, les acrobaties des caméras sont réduites au minimum, les quatre concerts du Pantages Theater de Los Angeles qui constituent la base de Stop Making Sense ayant été filmés chaque soir d’un côté différent de la scène. De plus, les plans d’ensemble remplacent les traditionnels zooms sur les visages des musiciens et les éternels focus sur les instruments des solistes – une technique propre à Demme, qui reproduira superbement le procédé dans Heart Of Gold de son acolyte Neil Young en 2005.
Paradoxalement, le budget de 12 millions de dollars alloué au projet vise à rehausser les fondamentaux d’une performance débarrassée de tous ses artifices. Le processus de démystification des rock stars, un autre objectif de la mise en scène de Jonathan Demme, atteint son paroxysme lors de « Girlfriend Is Better » : David Byrne, engoncé dans un costume géant, lutte contre une apparence de surhomme nietzschéen, dans une étonnante métaphore graphique du statut encombrant d’icône médiatique. D’une incroyable puissance visuelle, Stop Making Sense fait également preuve d’une haute tenue musicale assurée, entre autres, par le claviériste P-Funk Bernie Worrell et une époustouflante formation polyrythmique réunissant neuf musiciens. Cette performance inégalable est aujourd’hui disponible dans une éclatante édition Blu-Ray réalisé à partir d’un nouveau master restauré haute-définition. Parmi ses bonus, deux titres supplémentaires repris des éditions DVD précédentes (« Cities » et le medley « Big Business/I Zimbra »), une conférence filmée du groupe à l’occasion du 15ème anniversaire du film, un étonnant auto-entretien de David Byrne, dont la dernière tournée perpétue l’éblouissante inventivité de Stop Making Sense, 35 ans après.
Stop Making Sense de Talking Heads et Jonathan Demme (Carlotta). Blu-Ray et DVD disponibles le 4 décembre.
Projections exceptionnelles du film en salles dans le réseau MK2 Paris le mardi 10 décembre.