Vingt-cinq ans après son dernier album solo, “Traces” signe le comeback inespéré du chanteur de Journey.
Il avait fallu attendre dix ans pour découvrir le follow up de son premier opus solo, le mémorable “Street Talk”, sorti en 1984 en pleine journeymania – avec “Escape” (1981) et “Frontiers” (1983), Journey venait d’aligner deux classic albums multiplatinés, entrés depuis dans la psyché collective, comme en témoignent Don’t Stop Believin’, magistralement utilisé pour la scène finale de la série The Sopranos, ou Faithfully, source d’inspiration pour Purple Rain de Prince.
Mais qui aurait pu croire qu’entre “For The Strange Love Of Medecine” (1994) et l’inespéré, voire miraculeux “Traces”, près de vingt-cinq ans allaient s’écouler avant que Steve Perry ne revienne aux affaires ?
Il y a peu, le chanteur lui-même n’aurait sans doute pas misé grand chose sur son comeback, que dis-je, sa resurrection derrière un micro, lui que les épreuves de la vie n’ont pas épargné depuis – résumons – la fin du “vrai” Journey, en 1987, suivie onze ans plus tard de la seconde petite mort de ce groupe culte, reformé en 1996 avec “Trial By Fire”. (Depuis, Journey continue sans lui, mais il faut bien l’avouer : ce n’est plus tout à fait la même chose, même si le Steve Perry soundalike Arnel Pineda fait de son mieux pour combler l’intolérable absence…)
C’est donc peu dire que l’on attendait “Traces” avec une certaine anxiété. A bientôt 70 ans, l’ex-frontman de Journey était-il encore capable de décrocher les étoiles ? La réponse est oui. Mais qu’on ne se méprenne : ceux qui rêvaient d’une (impossible) suite d’“Escape”, “Frontiers” ou même “Street Talk” risquent de déchanter. Car si “Traces” démarre avec No Erasin’, magnifique single AOR qui aurait pu figurer dans le track listing de “Raised On Radio” (l’ultime album de Journey featuring Steve Perry), la tonalité générale de cet album qui mérite de nombreuses écoutes est des plus intimistes et mélancoliques.
Outre l’excellence des accompagnateurs du chanteur miraculé (Randy Goodrum, Thom Flowers, Pino Palladino, Vinnie Colaiuta…), on ne manquera évidemment pas de remarquer que la voix de Steve Perry n’a rien perdu de sa magie, et qu’il reste décidément le plus fier et le plus digne disciple de Sam Cooke avec son camarade de promotion Rod Stewart – de quatre ans son aîné. (On écoutera le fort peu résistible et délicieusement soul No More Cryin’ pour s’en convaincre, qui bénéficie de la présence de Booker T himself à l’orgue Hammond, et où la guitare de Thom Flowers retrouve des accents à la Neal Schon.)
Mais, n’en déplaise aux fans nostalgiques de classic rock musclé, c’est sur les ballades que l’imPerryssable Steve nous touche le plus. Prenez In The Rain : comment ne pas être touché par cette voix si habitée ? Les montées dans l’aigu ne sont peut-être plus aussi vertigineuses, mais le timbre est toujours là, avec un grain délicatement souligné par le temps qui passe. Spécial bonus : si vous achetez le version Deluxe sur le site de Steve Perry, vous découvrirez cinq bonus tracks dont on se demande bien pourquoi elles ne sont pas inclues dans toutes les versions de l’album.
Dans le magnifique October In New York par exemple, porté par l’orchestre de Patrick Williams, Mister Perry risque encore de faire pleurer Randy Crawford, qui verse toujours une larmichette quand elle écoute Who’s Crying Now (c’est elle qui me l’a dit). Et là, on se dit que notre homme pourrait parfaitement se réinventer crooner jazz(y) façon Sinatra. Quant à Blue Jays Fly, tout en retenue, chant-murmuré sur le mode de la confidence intime, c’est un grand moment d’émotion digne du Prince de “The Truth” (remember One Of My Tears ?). Welcome back, Steve. •
CD/LP “Traces” (Fantasy / Universal). Version Deluxe en vente sur steveperry.com