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Classiq Soul-Funk

Soul District Ladies First, le supplément dames

Doc Sillon a écouté la compilation 100 % féminine “Soul District Ladies First” qui vient de paraître sur le Label Panthéon.

J’adore la sélection de cette compilation au minutage généreux (près de 80 minutes), visiblement assemblée par un.e (?) soul maniac au goût très sûr (rien n’est précisé sur la pochette), que je félicite chaleureusement au passage.
Mais prenons, par exemple, I’m Too Tough For Mr. Big Stuff (Hot Pants) de la Texanne Vicki Anderson, l’une des nombreuses protégées de James Brown : sans doute suis-je un rien geek, voire qui sait un vieux barbon rétrograde, mais il me semble important de savoir qu’aux côtés de cette “funky diva”, maman de la talentueuse et hélas oubliée Carleen Anderson, quelques fines gâchettes du “Godfather Of Soul”, en ce 9 juin 1971 à Macon (Georgie), distillaient sous la direction de l’arrangeur Dave Matthews leur inimitable savoir-jouer. Ils avaient pour nom, entre autres, Fred Wesley (trombone), St. Clair Pinckey (saxophone ténor), Bobby Byrd (orgue, et Monsieur Vicki Anderson à la ville) et John “Jabo” Starks (batterie).
Qui a fait quoi, quand, où, qui joue de quel instrument, c’est important tout ça, non ? Surtout quand il s’agit d’un genre musical interprété, que dis-je, magnifié par de tels orfèvres.

Si votre Doc ronchonne ainsi, c’est parce que, visiblement, aucun budget “livret” n’a été prévu pour cette excellente compilation de vingt-deux titres pourtant faite avec et par amour – pour les soul sistas, et pour la musique, ça on n’en doute pas une seule seconde. C’est bien dommage. Car si, espérons-le, il venait à l’idée d’un.e moins de 20 ans de s’offrir “Soul District Ladies First”, il ou elle n’apprendrait rien sur ces dames d’importance, ces sœur d’âme au verbe haut et à la voix d’or.
Vous me direz : l’important, c’est la musique.
Certes.
Mais si un disque “physique” n’apporte rien de plus qua la énième playlist Spotify ou Deezer, à quoi bon continuer d’en presser ? Bref, votre Doc regrette l’absence d’un bon vieux livret de, disons, allez, 16 pages quoi, qui aurait permis d’en apprendre de belles sur ces Ladies.

SOUL DISTRICT Ladies First Pochette

Reste que, j’insiste, je tire mon chapeau, r.e.s.p.e.c.t, la sélection de “Soul District Ladies First” frôle la perfection. Le compileur (la compileuse ?) mystère a réuni un impressionnant aréopage de funky divas issues du giron jamesbrownien (Vicki Anderson donc, mais aussi Lyn Collins, la “Female Preacher”, Marva Withney, Yvonne Fair), de girls groups produits, par exemple, par l’Amoureux Suprême Barry White (Love Unlimited, qui interprète le si sensuel Move Me No Mountain, que reprendra Chaka Khan), de proches de quelques génies inspirés (Syreeta, qui chante Come And Get This Stuff, écrit et produit par son homme d’alors, un certain Stevie Wonder, dont on reconnait la “patte” inimitable au clavinet), de grandes figures de Stax (Jean Knight et son génial et féministe Mr. Big Stuff de 1971), de Motown (la scandaleusement oubliée Gloria Jones – et pas Jone… –, et le fantastique Tin Can People extrait de l’album “Share My Love”, 1973).
Sans oublier la merveilleuse Minnie Riperton et son When It Comes Down To It arrangé par Larry Carlton (et notoirement samplé par Arrested Development en 1992) et, last but not least, celle qui ouvre les festivités, Mme Marlena Shaw et son inoubliable Woman Of The Ghetto publié en 1969 sur Cadet (branche du label Chess Records), et qui reflétait toutes les tensions des quartiers noirs de la fin des sixties. « Les suppliques et les sommations de ses premiers enregistrements, rappelait David Commeillas dans le n° 4 de Muziq en 2005, Marlena Shaw les a empruntés à sa grand-mère, femme forte du foyer familial de son enfance, en lointaine banlieue de New York ». A son micro, la chanteuse disait : « Quand ma grand-mère ouvrait la bouche, c’était souvent pour parler de politique, et personne ne pouvait la contredire. Elle mettaient ses deux mains sur les hanches et disait : “Moi, je vais vous dire ce qui se passe dans nos rues” Il aurait fallu la tuer pour lui couper la parole ! Même âgée de 60 ans, elle s’est rendue jusqu’à Washington, DC, pour participer à la fameuse marche organisée par Martin Luther King contre la ségrégation raciale. Grâce à elle, j’ai vite compris l’importnace du combat pour notre identité, juste pour exister. » Réécoutons donc encore et encore, Woman Of The Ghetto de Marlena Shaw. Et He’s Beating Your Time de Carla Thomas ; et Who Is She (And What Is She To You) de Gladys Knight & The Pips ; et Brother & Sisters (Get Together) de Kim Weston, etc., etc.

CD/LP “Soul District – Ladies First” (Label Panthéon / Universal).