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Shabaka Hutchings et la sagesse des ainés

Jeudi dernier, dans un New Morning légèrement clairsemé, mois de juillet oblige, c’est le Shabaka Hutchings version Ancestors qui nous était proposé parmi les nombreux projets dans lesquels le saxophoniste est impliqué.

Paris, 20 juillet : Shabaka Hutchings sur la scène du New Morning. Photo © Jean-Pierre Vidal

Paris, 20 juillet : Shabaka Hutchings sur la scène du New Morning. Photo © Jean-Pierre Vidal

Musicien phare de scène jazz britannique, Shabaka Hutchings se présente sur scène accompagné de ses jeunes et fidèles musiciens sud-africains. Ancestors est un quintette composé deux souffleurs, du contrebassiste Ariel Zomonsky et d’une rythmique percussions / tambours augmentée du chanteur et poète Sivabonga Mthembu. Du haut de son imposante stature, Shabaka nous plonge immédiatement dans un long fleuve aux mélodies incantatoires, où, sans aucune interruption, la douceur des prières alterne avec les fureurs incandescentes d’une musique libre et enflammée.
Un premier set sans préambule, impose au public une transe immédiate et brute, instaurée en un long et ininterrompu mouvement fluctuant, porté par la puissance foisonnante des percussions aux allures faussement déstructurées. L’absence de claviers (présent sur “Wisdom Of Elders”, premier opus du groupe) accentue sensiblement la rugosité de cet afro-blues aux formes free, totalement habité d’une flamme mystique seulement adoucit et aéré de brefs intermèdes aux mélancoliques entournures.

Tout juste remis d’un surprenant et fulgurant premier set, la seconde partie de concert voit la tension musicale monter encore d’un cran : les longs solos de Shabaka prennent une dimension spatiale, se parent d’un lyrisme brûlant, et atteignent une tension comme une intensité sonore, nous renvoyant tout autant à Coltrane qu’a Pharoah Sanders ou encore aux cris déchirants d’un Albert Ayler. Apaisé par l’alto sax plus concis de son impeccable partenaire Mthunzi Mvubu, le groupe développe ces vibrations comme de longues prières aux couleurs ancestrales qu’ils transcendent en toute liberté. Le public ne tarde plus à être définitivement conquis par ce jazz cosmique et spirituel dont le groove chaud et foisonnant déclenche le sourire éclatant et communicatif de Shabaka. A l’instar d’un Kamasi Washington, voilà d’évidence un versant incontestable d’un futur jazzistique, tout autant ancré dans une tradition revendiquée que formidablement décapé de nostalgie superflue. C’est, fort d’une énergie et d’un feeling communicatif que Shabaka et ces Ancestors, au cœur de ce chaud mois de juillet parisien, a fait basculer un New Morning en apnée dans une transe mystique totalement exaltante et inédite. •