Toujours aussi exemplaire, le label anglais BGO Records, qui n’a toujours pas entendu parler de la crise du disque et du streaming, vient de rééditer deux albums du grand styliste soul-pop Boz Scaggs : “Middle Man”, millésime 1980, et “Other Roads”, millésime 1988. Deux très bons crus.
Monsieur Dusnob s’extasie sur le premier album éponyme de Boz Scaggs, paru en 1969, tout ça parce que peu de gens le connaissent – Monsieur Dusnob est un peu snob, forcément –, et que le grand Duane Allman y distille son grand art. [Pour une fois, je suis s’accord avec Monsieur Dusnob : “Boz Scaggs”, qu’Edsel Records, l’autre épatant label briton, a superbement réédité en 2015, est un très bon disque, NDR.]
Les geeks nourris au biberon RFM / Radio 7 / Clémentine / Copa Music et qui n’ont jamais lu les Inrockuptibles vénèrent quant à eux “Silk Degrees”, chef-d’œuvre soul pop et carton multiplatiné de 1976 qui ressemble à un “best of” (What Can I Say, Georgia, Harbor Lights, Lowdwn, Lido Shuffle, ça vous dit quelque chose, non ?) et bénéficiait de l’expertise ès-grooves en or massif du génial Jeff Porcaro (entre autres héros de studio).
Entre ces deux pôles d’attraction, il y a “Middle Man” (1980), dernier grand album au son ancré dans les seventies de Boz, et “Other Road” (1988), l’unique et so eighties opus d’une décennie qui n’a pas toujours réussi aux boss (ni au Boz) qui régnaient sur la précédente.
“Middle Man” n’atteint pas la perfection de “Silk Degrees” mais recèle tout de même de grands moments, surtout quand notre Boz se la joue ryththm and blues singer de charme, comme dans le funky Jojo (propulsé encore une fois par le grand Jeff Porcaro) ou le sensuel Simone (auréolé par des arrangements de cuivres super sexy signés David Foster). Quand Boz appuie sur la pédale rock, il est peut-être moins irrésistible – quoique –, mais les fans de Toto (il en y a beaucoup plus que vous ne le croyez, mais comme ils n’osent pas le dire…) ont toujours adoré Do Like You Do In New York, Breakdown Dead Ahead et Middle Man, et pas seulement parce que Steve Lukather y allume son feu électrique.
“Other Road”, enfin mis en valeur par un remastering aux petits oignons (le son des premiers CD était horrible), fit en son temps grincer des oreilles et pester les nostalgiques des glorieuses années 1970. La faute à ces synthés scintillants et ces boîtes à rythmes en cascade. Ils devraient réviser leur jugement. Car, ô surprise, cet opus a plutôt bien vieilli. Ok, ok, tout n’est pas passé au rang de cult vintage, mais I Don’t Hear You, What’s Number One, Soul To Soul (titre bonus paru à l’origine en EP) et plus encore le magnifique Funny, signé Marcus Miller, très présent sur le disque. Funny se situe dans la lignée de Portia (‘Tutu”, 1986) et aurait très bien pu figurer au répertoire de Miles Davis – plus tard, Marcus Miller jouera d’ailleurs Funny sur scène dans une version instrumentale très “milesdavisienne”… •
CD “Middle Man • Other Roads” (BGO Records)