“Presence”, “In Through The Out Door” et “Coda” ne sont peut-être pas les albums les plus historiques ou les plus populaires de Led Zeppelin, mais ils sont indissociables des autres. Jimmy Page a apporté autant de soin à leur “superdeluxisation” qu’aux six précédents opus de son groupe chéri. Visite guidée.
Paris, 31 juillet 2055. Théobald est fou de joie. (Passée la seconde moitié du XXIe siècle, les prénoms moyenâgeux étaient revenus à la mode.) Pour la somme certes déraisonnable de 8 000 néofrancs, il vient enfin de mettre la main sur des exemplaires en parfait état (même la petite carte où était inscrit le code qui permettait de télécharger les morceaux en haute-définition y est encore, ce qui lui arrache un petit sourire amusé, puisqu’elle est évidemment inutilisable) des derniers coffrets “Super Deluxe” de Led Zeppelin qui manquaient à sa collection : “Presence”, “In Through The Out Door” et “Coda”. A en croire un vieil exemplaire de Muziq paru en 2027 – le n° 45, un spécial Led Zeppelin –, ces coffrets tant désirés qu’il avait mis des années à dénicher étaient assez rapidement devenus introuvables. Le long article qui leur était consacré précisait que dès le début des années 2020, les prix commencèrent à monter en flèche, surtout après le retour définitif aux supports physiques, qui avait redonné encore plus de valeur et d’importance aux “objets-disques” – Théobald adorait utiliser ce mot.
Théobald ne pouvait pas passer plus de trois jours d’affilée sans écouter un morceau de Led Zeppelin. Robert Plant, Jimmy Page, John Paul Jones et John Bonham étaient ses super-héros personnels, ses Quatre Fantastiques à lui. Il avait lu tous les livres consacrés au groupe, soit plus de deux-cents ouvrages ! Son préféré était la biographie de Jimmy Page, Where’s The Stairway ?, publiée juste après sa mort. Les concerts filmés du groupe, les documentaires, et même le biopic, Whole Lotta Love, qu’il détestait pourtant : il avait tout ça chez lui. Mais ce qu’il appréciait par-dessus tout dans l’héritage de Led Zeppelin, c’était justement la clause que Jimmy Page avait fait mettre en noir sur blanc dans son testament : en aucun cas, le nom de Led Zeppelin ne devait être utilisé par d’autres musiciens. C’était aussi pour ça que, contrairement aux autres grands groupes de la fin du XXe siècle qui continuaient d’enregistrer des disques et d’effectuer des tournées (fort lucratives) sans que plus un seul membre original ne soit de ce monde, la légende de Led Zeppelin était restée intacte. Après la mort de John Bonham, en 1980, le groupe avait cessé d’exister, et malgré quelques brèves réunions live – dont un concert mémorable en 2007 à Londres –, il ne s’était jamais vraiment reformé.
Laissons notre Théobald de 2055 tout à sa joie. Il va enfin découvrir, comme vous peut-être, dans quelques jours, “Presence”, “In Through The Out Door” et “Coda” en version Super Deluxe (CD, vinyles, livre, tirage papier numéroté de chaque pochette, code pour télécharsger chaque album en fichiers son HD…). Ou simplement accompagnés de leurs désormais rituels companion discs (Jimmy Page adore utiliser ce mot) et leur pochettes “remixées” – solarisées ou façon négatif arty, c’est selon. Les versions simples ? Elles ne valent “que” pour le remastering (bien réél, croyez-moi, et soigné, comme vous pouvez l’imaginer) et la qualité d’impression, exceptionnelle. Oubliés les boîtiers cristaux : vive le traitement paper sleeve, comme on dit au Japon, qui reproduit à l’identique les 33-tours originaux, façon bonzaï (pour les CD). A propos de 33-tours, (re)découvrir et manipuler ceux de “Presence” et d’“In Through The Out Door” procure toujours le même plaisir. L’esthétique stanleykubrickienne de “Presence” laisse toujours pantois d’admiration. Ces photos détournées et/ou réalisées pour l’occasion, la présence, dans chacune d’entre elles, de “The Object”, clin d’œil gros comme ça au mystérieux monolithe noir de 2001, Odyssée de l’espace : la créativité du studio Hipgnosis carburait à pleins tubes. Et ne parlons même pas du coup de génie marketing du brown paper bag qui emballait les six pochettes différentes d’“In Through The Out Door”, sans que l’on sache laquelle se trouvait à l’intérieur ! D’aucuns, en 1979, ont forcément dû se ruiner. (On connaît la frénésie des collectionneurs de Led Zeppelin…)
Un mot, aussi, sur les somptueux livres de photos qui figurent dans chaque coffret (reliés, format 33-tours, 92 pages, design et impression à tomber par terre). Sachant que la bibliographie ledzeppelinienne est déjà très riche – même si aucun livre, ou presque, n’est approuvé par les membres du groupe… –, on imagine que Jimmy Page a donc choisi de privilégier le côté “exposition”. Photos rares, souvent jamais vues, memorabillia qui laisse rêveur, dossiers de presse d’époque, pochettes de 45-tours, affiches, tickets, détails discographiques précis… : mise bout à bout, la richissime matière des neuf livres pourrait justement donner à lieu à une exposition magnifique… Jimmy Page y a-t-il déjà pensé ? (Ne lui donnons surtout pas cette bonne idée, car il a encore mieux à faire : rejouer de la musique, sabre de bois !) Les livres qui accompagnent les coffrets Super Deluxe de “Presence”, “In Through The Out Door” et “Coda” sont aussi captivants que les précédents.
Séquence émotion, en ouverture de celui consacré à “Coda” : la reproduction du courrier officiel tapé le 4 décembre 1980 et envoyé aux médias, annonçant la dissolution de groupe, suite au décès de John Bonham. « We wish it to be known that the loss of our dear friend and the deep respect we have for his family, together with the sense of undivided harmony felt by ourselves and our manager, have led us to decide that we could not continue as we were. » Les années 1970 s’achevaient bien tristement.
On raconte que le companion disc de “Presence” a failli contenir un concert de la tournée 1977, Jimmy Page désespérant de tomber sur des inédits, ou des prises alternatives des sept chansons originales de l’album. Mais il s’est finalement ravisé après avoir découvert un petit butin sonique dont il avait oublié l’existence. Soyons honnêtes : les rough mixes et autres versions work in progress de Two Ones Are Won (plus connue sous le titre d’Achilles Last Stand), For Your Life et Hots On For Nowhere n’intéresseront que les ledzeppelinolâtres – qui sont certes nombreux ! Et puis, ce râle inédit de Robert Plant (à la fin de Hots On For Nowhere) devrait en amuser plus d’un… En revanche, l’alternate take pour le moins inattendue du funkyssime Royal Orleans (John Bonham, toujours aussi monstrueux, qui cosigne d’ailleurs la chanson avec ses trois compères) et l’instrumental inédit savoureusement intitulé 10 Ribs & All / Carrot Pod Pod (Pod) vont faire parler d’eux.
Quand on a découvert la nouvelle version de Royal Orleans grâce à un private link (merci Warner), on s’est immédiatement demandé qui pouvait bien chanter avec cette voix de pilier de bar – pardon, de pub – volontiers parodique. Un joyeux pochetron comme poussé par ses lads à participer à une séance de karaoké sur le mode Lost in translation… Page, Jones ? Peu probable… On était prêt à parier qu’il s’agissait de John Bonham, d’humeur taquine, après quelques pintes bien fraîches ou une bonne lampée de schnaps de contrebande… (“Presence” a été enregistré à Munich.) Toujours prêt à chambrer son ol’ pal Robert le bougre ! D’autant plus que celui-ci, suite à son accident de voiture en Grèce, était scothcé sur une chaise roulante, la jambe prise dans une attelle. Erreur : c’est tout simplement Plant lui-même qui s’auto-parodie ! Comme disait Monsieur Cyclopède : étonnant, non ?
10 Ribs & All / Carrot Pod Pod, ou plus simplement Pod, a été enregistré le 17 novembre 1975. Derrière la console d’enregistrement du Musicland Studio, on imagine que l’ingénieur du son, Keith Harwood, avait dû se dire que cet instrumental à l’intro atmosphérique et jazzy jouée au piano (c’est une composition de John Paul Jones, et nul n’est besoin d’être musicologue pour le deviner !) allait avoir du mal a trouver sa place sur l’album, dont la tonalité d’ensemble était plutôt sombre… “Presence” trouvait son équilibre en alternant cavalcade homérique (le sublime Achilles Last Stand, avec ses tuilages de guitares en fusion signés par un Page au sommet de son art), blues entre chien et loup (Tea For One) et groove survitanimé (Royal Orleans). Forcément, 10 Ribs & All / Carrot Pod Pod ne trouva effectivement pas sa place sur “Presence”. Il aurait certes pu se retrouver dans “In Through The Out Door”, mais le groupe avait entre temps jeté son dévolu sur d’autres compositions. Reste que cet instrumental sauvé de eaux, un rien mélancolique, et auquel il ne manque que la parole – et encore – avait tous les atouts pour entrer dans la légende ledzeppelinienne des morceaux “à part”, aux côtés de No Quarter, d’In The Light ou de Carouselambra – aah, la John Paul Jones Touch™… Au passage, ceux qui depuis des lustres estiment que John Bonham manque parfois de finesse (les sots !) devraient changer d’avis en écoutant Pod…
Quand en 1979 sort “In Through The Out Door”, l’attente est à la mesure du statut de Led Zeppelin : démesurée. Et ce malgré la déferlante punk, dont tout le monde – enfin, pas tout le monde… – pensa qu’elle allait emporter les groupes “dinosaures” pour de bon. Mais les apôtres énervés du “No Future”, malgré leurs salutaires coups de Doc Martens dans la fourmilière assagie du rock, ne réussirent pas à figer dans la Préhistoire ceux qu’ils avaient voulu réléguer trop vite au rang d’antiquités. (Rappelons au passage qu’en 1979 Jimmy Page avait 35 ans, Robert Plant 31, John Paul Jones 33 et John Bonham 31 : que des vieillards cacochymes !) Emballé dans son sac en papier que, dit-on, un membre de The Clash avait confondu avec un sac à vomi, “A Travers La Porte De Sortie” (titre prémonitoire) cachait d’étonnantes, voire de fort déroutantes surprises sonores. Miné de l’intérieur par dix années qui en auraient valu cent pour le commun des mortels, le groupe ne fit certainement pas preuve de sa cohésion habituelle. Jimmy Page lui-même a toujours rechigné à défendre cet album, dont il estime n’être plus ou moins que le soliste – et le producteur – invité. La part du lion est laissée au duo Plant/Jones, dont les compositions ouvrent en grand l’éventail esthétique de cette rutilante machine à hard-rockiser. Mais quelques rouages commençaient à grincer, au même titre, parfois, que les doigts de Jimmy Page, dont chacun sait qu’il vagabondait alors plus que de raison dans des paradis – des enfers ? – artificiels.
Pourtant, le fantastique In The Evening qui ouvrait les festivités n’était pas loin de planer aussi haut que Kashmir ou Achilles Lats Stand. Page y grave dans le marbre électrique ce que l’on peut raisonnablement considérer comme son plus sidérant solo de guitare. Ah !, ces notes venues d’ailleurs qui tombent comme la foudre sur nos tympans, et deux fois de suite ! (A 3’45” et à 4’02”) « What the hell is that ?! », oserait-on lâcher. Elles reflètent la science et la maîtrise sans égal d’un guitariste qui aura toujours su aussi bien jouer du studio que de sa six-cordes. La perf’ vocale de Plant n’est pas moins mémorable, avec cette façon de déformer les mots, de balancer entre gouaille de pub rocker et envolées lyriques dont il a le secret.
A ce stade, insistons sur la qualité du remastering. Bien qu’enregistré entre novembre et décembre 1978 dans le studio state of the art d’Abba, le Polar Studio (à Stockholm), “In Through The Out Door” n’est pas un album dont le son “respire”. Le mixage d’origine sonnait étouffé et muddy – pas autant que “Black Messiah” de D’Angelo, mais presque ! Les récentes sonic manipulations de Doctor Page et de John Davis [Christophe Geudin nous signale qu’il n’a rien à voir avec le John Davis que Charles Gérard et Lino Ventura tiennent absolument à rencontrer dans L’aventure c’est l’aventure de Claude Lelouch, NDR] nous font littéralement redécouvrir l’album, grâce à un son nettement moins contrit, plus ample. La différence est saisissante.
La suite d’“In Through The Out Door” mettait en scène et en son(s) un groupe qui s’amusait – à son corps défendant ? – à suivre plusieurs pistes à la fois, quitte à perdre la trace de leurs splendeurs passées et à s’égarer en route. Tout autant que ceux qui firent la grimace en découvrant The Crunge dans “Houses Of The Holy” en 1973, on imagine que quelques vilain rictus déforma le visage des auditeurs qui humèrent pour la première fois l’étrange fumet disco-prog qui émanait de Carouselambra, sans parler des relents de samba de Fool In The Rain (superbe solo de Jimmy Page, au passage) et de la trompeuse légèreté baroque de All My Love. O.k., ces trois chansons sont pour le moins osées, voire incongrues, mais c’était aussi ça Led Zeppelin : un groupe de hard-rock qui veillait toujours à ne JAMAIS se laisser enfermer dans la cage de plomb dorée de son foudroyant succès. On peut apprécier Fool In The Rain, Carouselambra et All My Love en tant que tels : trois titre hors-normes qui, trente-sept ans après leur naissance, n’ont rien perdu de leur attrait et de leur singularité soniques.
Le track listing du companion disc d’“In Through The Out Door” est calqué sur celui du 33-tours original : il contient les sept morceaux originaux dans leur version rough mix / work in progress. Pas d’inédits ? Hélas non : Jimmy Page les a déjà publiés dans “Coda” (Wearing And Tearing, Darlene, Ozone Baby…). L’intérêt de ces rough mixes est des plus minces, sinon pour In The Evening et Carouselambra. Dans l’intro d’In The Evening, l’archet que laisser glisser Jimmy Page sur sa guitare la fait encore plus clairement sonner comme un violon. Allongée et étirée au delà de l’horizon, cette intro orientalisante et cinématique aurait pu séduire les amateurs de musique ambient façon Brian Eno – imaginez un peu, un nouveau Led Zeppelin produit par Brian Eno… Ou Daniel Lanois… [On se calme, NDR.]
Dans le rough mix de Carouselambra, rebaptisé The Epic (tu m’étonnes…), la guitare est bien plus en avant que dans la version originale, n’en déplaise à John Paul Jones… Ce changement de perspective sonore est fort intéressant.
On peut néanmoins se demander pourquoi Jimmy Page a choisi d’inclure le rough mix sans intérêt d’All My Love (Plant y chante tout l’amour pour son fils Karac, disparu brutalement en 1977), alors qu’il existe une version pirate d’excellente qualité, plus longue et auréolé d’un superbe solo de guitare (chuuut….). Il a souvent avoué, à demi-mots, que “son” Led Zeppelin n’avait pas grand-chose à voir avec cette pop song mais il aurait malgré tout pu passser outre ses réticences et faire aux fans ce petit cadeau… Anyway, he’s the boss…
Avant de clôre le chapitre “ITTOD” (les albums de Led Zeppelin sont si célèbres qu’on acronyme suffit à le nommer…), on signalera qu’à l’instar des gentils Gremlins, il ne faut pas mouiller la pochette intérieure, sinon…
C’est la fête : le bien nommé “Coda”, album contractuel et posthume assemblé par Jimmy Page et paru en 1982, à peu près au même moment que le premier album solo de Robert Plant (la rivalité, toujours la rivalité…) est augmenté non pas d’un mais de deux companion discs. Le track listing original passe donc de huit à vingt-trois titres. Soit dit en passant, les quinze titres qui figurent sur les deux companion discs auraient pu tenir sur un seul CD… Mais ne boudons pas notre plaisir, tout en commençant par écarter les titres qui figuraient déjà en bonus tracks – deux mots d’une affligeante banalité dont Jimmy Page a décidé d’ignorer l’existence – dans la précédente édition de “Coda” : la perle soul Baby Come On Home (imaginez, Led Zep’ dans les studios Stax), Travelling Riverside Blues de Robert Johnson et Hey, Hey What Can I Do, une face b de 45-tours qui vaut bien des faces a… Tiens, exit le couplage White Summer/Black Mountain Side capté au Playhouse Theatre de Londres le 27 juin 1969… Jimmy Page songerait-il déjà à nous concocter une version Super Deluxe des “BBC Sessions” ? Restons branchés.
Glissons aussi poliment sur l’Alternate Mix de We’re Gonna Groove, un brin superfétatoire, au même titre que les rough mixes de The Wanton Song (alias Desire), Walter’s Walk et Bring It On Home. Racler les fonds de tiroir pour faire le nombre a rarement du bon…
Rassurez-vous : il reste malgré tout huit friandises à déguster sans modération. J’ai nommé :
If It Keeps On Raining (When The Leevee Breaks)
Présenté comme un rough mix, c’est en fait un alternate mix / work in progress. Que dis-je, une version radicalement différente du célèbrissime When The Leevee Breaks de “Led Zeppelin IV”, propulsé par le beat le plus samplé de l’histoire avec ceux de James Brown. Tendez bien l’oreille : la pédale de grosse caisse grince. C’est donc bien John Bonham ! Le tempo hypnotique et ondulant évoque le pas d’un chameau, que Robert Plant suivra souvent dans les années 2000 pour revisiter les standards de “son” Led Zeppelin à lui – écoutez les versions live de When The Leevee Breaks et de Black Dog enregistrées à Radio France en 2005 pour vous en convaincre. Ici, Plant chante pour une fois très bas, et sa voix baigne dans un étrange halo, qui ne fait que renforcer la singularité de cette version dont même les pirateurs, à ma connaissance, ne soupçonnaient pas l’existence.
Bonzo’s Montreux (Mix Construction In Progress)
Cette version encore plus (hy)percussive et brute de décoffrage dure quarante secondes de plus que celle de “Coda” (qui, dans la version remasterisée, est “augmentée” de la voix de John Bonham : « One, two, three, four… »). Bonzo’s Montreux n’est pas un banal solo de batterie ni même une leçon de groove mammouthesque. C’est aussi, et surtout, une pièce musicale unique en son genre, enregistrée le 12 septembre 1976 au Mountain Studios de Montreux, l’un des lieux de villégiature favoris de Jimmy Page et sa bande (“Funky Claude” Nobs ne comptait pas que les membres de Deep Purple parmi ses amis hard-rockers…). Les johnbonhamophiles avertis n’ont pas fini de s’amuser au jeu des sept différences (une variante du jeu des sept erreurs). Là un break vertigineux qui arrive quelques mesures plus tard, ici une charleston ouverte qui semble faire le vide autour d’elle… On insiste : une orgie rythmique faite musique. Quand Bonzo ne cache rien et montre tout, ça donne Bonzo’s Montreux, un sommet d’invention. John Bonham a depuis longtemps sécurisé sa place au panthéon des batteurs du XXe siècle. Ces cinq minutes de folies tentaculaires le rappellent aux oublieux.
Sugar Mama
A première ouïe, rien de bien méchant mais, au bout du compte, une rock’n’roll song suffisamment catchy pour ne pas être trop vite zappée. L’ombre des Yardbirds plane encore. Enregistré le 3 octobre 1968 à l’Olympic Studio 1 : le début du big bang d’un very big band en devenir…
Poor Tom (Instrumental Mix)
La guitare acoustique bucolique qui contraste avec le tempo phénoménal prodigué par John “Locomotive Man” Bonham arrive nettement plus tôt. Pourquoi ? Parce que Plant est tout simplement mis hors-chant par Jimmy Page… Ce qui, il faut ien l’avouer (sorry Robert…), nous permet de goûter comme jamais à cet étrange mixture de groove néo-orléanais et de folk grand-breton… Un peu comme si Bert Jansch avait jammé avec Joseph “Zigaboo” Modeliste…
Four Hands (Four Sticks)
Friends
Les pirateurs ont depuis des lustres fait leur miel de cette séance mythique. Mais, cette fois, Jimmy Page (qui collectionne frénétiquement tous les bootlegs du Zep…) a sorti les “vraies” versions de Four Sticks (instrumentale) et de Friends (Plant est fascinant) enregistrées le 19 octobre 1972 à Bombay. Attention : énormes frissons à prévoir. Avec plus de vingt ans d’avance, ces arrangements à la sauce indienne préfigurent ceux que Jimmy et Robert, alias Page & Plant, ressortirons de leur malle (indienne aussi, forcément) pour enregistrer “No Quarter” en 1994. On notera que John Paul Jones et John Bonham n’étaient pas du voyage à Bombay, ce qui renforce le côté proto-Page & Plant de ces deux perles rares. Lors de cette brève rencontre Est/Ouest, il va sans dire que Page était au paradis. Et, oui, il insiste : il avait bien appris à jouer du sitar quelques années plus tôt, « avant George Harrison », glisse-t-il au passage à Mark Blade dans le dernier numéro de Classic Rock…
St. Tristan’s Sword
Longtemps fantasmé par les hardcore fanatics comme étant un inédit grandiose que même les radars les plus puissants des bootleggers n’arrivaient pas à localiser, St. Tristan’s Sword, enregistré en septembre 1970 au Studio Island de Londres, est en réalité une électrisante jam session funk-rock (Plant avait dû rester au pub) propulsée par un groove que peu de british bands de l’époque étaient capable de jouer – seule l’Average White Band, quelques années plus tard, aurait pu se l’approprier. Jimmy Page n’est pas aussi fluide que ses deux compères, mais qu’importe : le plaisir est contagieux.
Everybody Makes It Through (In The Light)
Décidément, ce morceau épique a mis longtemps à trouver sa forme définitive ! (Le companion disc de “Physical Graffiti” contenait déjà une version alternative d’In The Light, et on ne vous parle même pas des versions non-autorisées par la J.P.P. – la Jimmy Page Police.) D’emblée, durant la géniale intro signée John Paul Jones, vous risquez de trouver la petite mélodie synthétique supplémentaire presque trop primesautière, voire curiseument malicieuse. Mais on s’y fait, et la comparaison avec la VO de “Physical Graffiti” est un exercice dont ne se lasse pas.
Que l’écoute du meilleur des deux companion discs de “Coda” ne vous empêche pas de revenir vers l’album original, remasterisé avec autant de soin que les deux autres. Personnellement, en écoutant cette incroyable déflagration musicale post-punk nommée Wearing And Tearing trente-trois ans après sa parution, j’ai toujours l’impression que la terre se met à trembler autour de moi – mais bon sang, que se passe-t-il pendant les trente dernières secondes ?! Des dinosaures, eux ?! Du genre carnivore alors, et extrêmement dangereux. Oui, Led Zeppelin n’était pas qu’un groupe de hard-rock, mais quand ils décidaient d’en jouer et de ne faire aucun prisonnier, ils étaient imbattables – et je crois bien qu’ils le resteront pour toujours.
Voilà, c’est fini, le cycle de rééditions des huit albums studio + 1 de Led Zeppelin (“Coda”, le tout premier companion disc en quelque sorte, reste malgré tout à part) orchestré de main de maître par son gardien du temple, Jimmy Page, touche à sa fin. Pendant plus d’un an, il nous aura tenus en haleine et poussé à nous replonger encore une fois dans l’œuvre protéïforme et essentielle de cet immense groupe de rock anglais. Cette campagne de réédition est sans précédent : jamais la discographie complète d’un groupe de rock n’avait été révisité avec autant de sérieux et de passion. D’aucuns, en lieu et places des raretés studio, auraient préféré des live inédits, comme sur le companion disc de “Led Zeppelin I” ? Qui sait ce que Jimmy page nous réserve pour l’avenir ? Une réédition Super Deluxe des “BBC Sessions”, comme évoquée plus haut ? Une version Extended – et sur blu-ray – du fameux DVD de 2003 ? Croisons les doigts.
CD simple/ Double (ou triple) CD Deluxe / Coffrets Super Deluxe / 33-tours “Presence” (1976), “In Trough The Out Door” (1979) et “Coda” (1982)
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