Luigi Grasso, Robin McKelle et Hugh Coltman seront les trois têtes d’affiche de la quatrième édition du Jazz Magazine Festival.
LUIGI GRASSO
19h45
Adepte du bop et du swing le plus authentique, Luigi Grasso est sans doute l’un des musiciens actuels qui incarne le mieux “l’histoire et l’actualité du jazz”, et Jazz Magazine pourra clairement compter sur lui pour porter sa devise.
Luigi Grasso est l’un des jazzmen les plus cohérents et identifiables parmi la jeune génération. Et de ceux que l’on pourra affilier le plus aisément à un courant précis, et même une période : l’âge d’or du bop. En Italie, où il est né et a grandi, puis lors de master class à travers l’Europe, le saxophoniste a d’ailleurs eu le privilège de se former auprès d’un des plus célèbres gardiens de la flamme : le pianiste Barry Harris. « C’est en grande partie grâce à cette rencontre que j’ai pu m’identifier au bop. C’était incroyable de se dire qu’il avait enregistré avec Dexter Gordon ou enseigné l’harmonie à Paul Chambers, et le côtoyer m’a permis très jeune d’approfondir ma culture du jazz américain. Avec le temps, pourtant, le terme bop m’a semblé trop réducteur et passéiste pour définir ma musique car elle s’affranchit des formes traditionnelles “thème / solos / fin”, mais aussi parce qu’elle se renouvelle sans cesse en concert, qu’elle vit en moi ; réelle, actuelle. » Si Charlie Parker, Thelonious Monk ou John Coltrane ne cessent d’inspirer son style et son écriture, on y percevra en effet d’autres sources d’inspirations, plus diverses, plus inhabituelles. Depuis quelques temps, dans la rue des Lombards, les résidences qu’il anime à la tête de son nonette ravivent non seulement l’héritage de Gil Evans, Tadd Dameron ou Gigi Gryce, et à travers eux les figures de Brahms ou Ravel, mais elles proposent surtout une “Invitation au voyage” (le titre de son nouveau disque), du nord au sud de l’Europe, en Turquie, en Amérique et jusqu’aux Caraïbes…
Voyage ; c’est certainement le mot qui revient le plus souvent dans la bouche de cet « italien du monde » à l’accent chantant lorsqu’il évoque son projet. Et pour cause : c’est durant ses incessants allers-retours en train ou en avion, pendant les longues heures passées à attendre dans les halls de gares, les aéroports et les chambres d’hôtels, qu’il a composé la majeure partie de son répertoire. Parce qu’il a d’abord vu le jour à New York, au Smalls, dans le fameux quartier qui concentre aujourd’hui encore les meilleurs clubs de jazz, son nouveau projet a rapidement pris le nom de “Greenwich Session”. Mais en le prolongeant et en l’articulant de plus en plus nettement autour du concept de voyage, Luigi Grasso a remarqué avec bonheur qu’il pouvait aussi bien se référer au méridien de Greenwich, repère international de longitude mais surtout, en tant que convention totalement arbitraire, véritable symbole de flexibilité.
S’il fait d’ailleurs lui-même preuve d’une grande flexibilité en alternant les saxophones alto et baryton selon les pièces, on percevra la même adaptabilité dans la constitution de son orchestre où se distinguent plusieurs instruments rarement entendus en jazz (cor anglais et français, cor de basset, clarinette basse), dans la distribution souvent inattendue des rôles attribués à ses partenaires (parmi lesquels certains de ses anciens étudiants au conservatoire), dans la conduite des voix. « Avec ce groupe, je me sens un peu comme un scientifique dans un laboratoire. En fait, j’envisage l’orchestration comme un moyen d’expérimenter : j’essaye des choses, je travaille sur la matière sonore, je tente des transpositions… Pour l’un des titres, j’ai même délaissé la partition au profit du papier millimétré… » • Jonathan Glusman
ROBIN McKELLE
20h30
Sur la scène du Trianon, la chanteuse américaine Robin McKelle défendra son nouvel album “Melodic Canvas”, le plus personnel qu’elle ait jamais enregistré.
Si elle ne s’est jamais considérée comme une féministe, McKelle salue le pouvoir grandissant des femmes, et le besoin d’être une femme respectée dans sa musique est pour elle une priorité. “Melodic Canvas”, pour lequel elle a écrit les textes avant de chercher les mélodies au piano, est une extension d’elle-même. Elle s’est entourée d’une équipe de jeunes musiciens, des instrumentistes capables d’apporter, sans les lui imposer, des nouvelles couleurs à son univers. Auprès du pianiste Shedrick Mitchell, elle a trouvé un écho à ses idées. Cette connivence l’a rassurée et lui a d’emblée donné une confiance à laquelle ont également contribué les musiciens et producteurs T-Bone Burnett et Raphael Saadiq – du second, expert en nu soul, elle a retenu les conseils avisés pour sa voix. Chaque morceau de “Melodic Canvas” confirme l’intuition première : l’enjeu de cet album est de garder l’espoir, comme le souligne la reprise de Yes We Can Can d’Allen Toussaint, qu’un ensemble gospel de cinq voix renforce, comme s’il fallait se convaincre que, oui, c’est possible. • Marion Paoli
HUGH COLTMAN
21h30
Il y a quelques mois, lors de la parution de son nouvel album “Who’s Happy ?”, le chanteur Hugh Coltman s’était confié à Pascal Anquetil pour lui raconter son périple néo-orléanais, dont on retrouvera forcément les plus savoureux échos au Trianon. Morceaux choisis.
(…) Pour régler les préparatifs de “Who’s Happy”, le chanteur part en Louisiane deux mois avant l’enregistrement, pour dénicher un studio. Ce sera celui de l’Esplanade, situé dans une église presbytérienne détruite par l’ouragan Katrina, mais reconstruite à l’identique sans en dénaturer l’âme. « C’est une salle magnifique au son magique. » Riche des contacts que lui a donnés Sébastien Vidal, il rencontre vite des musiciens néo-orléanais, tous partants pour partager l’aventure avec ce drôle de chanteur british si sympathique. Hugh garde toujours en tête le conseil de son producteur Freddy Koella : « Je peux comprendre ta passion pour la musique de La Nouvelle-Orléans. Mais évite surtout d’en faire une caricature et de tomber dans le piège de la carte postale. Laisse-toi seulement inspirer par les gens et imprégner par les lieux. » Message reçu. Il reviendra de La Nouvelle-Orléans avec une nouvelle chanson, Sugar Coated, inspirée par cet homme dans une file d’attente à l’aéroport de Houston, qui péta les plombs en criant son désespoir face à son impossibilité de payer les intérêts de son prêt immobilier : « J’ai tout de suite compris l’extrême violence qui régnait aujourd’hui dans l’Amérique de Trump. »
(…) Puis, en pleine touffeur humide, flanqué de Freddy Koella et de son fidèle batteur Raphaël Chassin, le chanteur retrouve La Nouvelle-Orléans pour six jours de studio avec sa brochette de pointures locales. Au menu, dix chansons originales et une reprise It’s Your Voodoo Working, tube écrit par le chanteur de Baton Rouge Charles Shefed, mort en 2010 dans la plus grande indifférence. Très vite, les musiciens comprennent son message et son profond respect pour l’héritage musical de la Cité du Croissant. « On s’est vite retrouvé sur la même longueur d’onde. Freddy n’a pas eu à jouer, comme il croyait devoir le faire au début, son rôle de “go between” entre les musiciens et moi. Un seul problème : à cause de la clim’ et des différences de température, j’ai attrapé la crève au bout de quatre jours. Du coup, sur deux titres, The Sinner et Voodoo Working, ma voix s’est éraillée pour devenir très rocailleuse. Je n’ai rien voulu changer à mon retour, ce qui donne à ma voix un côté roots qui ne me déplaît pas. Plus de doute pour moi aujourd’hui, “Who’s Happy” est un album dont je suis très fier. C’est le reflet le plus exact, la résonance la plus intime de mon imaginaire musical d’aujourd’hui. » • Pascal Anquetil
Jazz Magazine Festival, samedi 26 janvier.
Réservations www.letrianon.fr
Directeur de publication : Édouard RENCKER
Rédacteur en chef : Frédéric GOATY & Christophe GEUDIN
Direction artistique : François PLASSAT
Édité par Jazz & Cie, 15 rue Duphot, 75001 Paris
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