Doc Sillon était hier soir dans la belle salle parisienne pour assister au concert de Greta Van Fleet.
J’aimerais vous parler d’un temps – que les moins de 20 ans, etc., etc. – si proche et si lointain à la fois, où on avait parfois l’impression de devenir des figurants de This Is Spinal Tap quand, au Pavillon Baltard, au Bataclan ou au Zénith on allait assister à un concert de hard-rock – hey guys, remember Black Sabbath featuring Ian Gillan ?
Hier soir à l’Élysée-Montmartre, vot’ bon vieux Doc a eu comme l’impression de se retrouver non pas en train de headbanger sur Hell Hole ou Big Bottom (heavy classics impérissables du groupe de Nigel Tufnel, David St. Hubbins et Derek Smalls), mais plutôt au beau milieu de Presque Célèbre, le chouette rock movie nostalgique de Cameron Crowe.
Pourtant, ils ne font pas semblant, les boys de Greta Van Fleet, ils y croient dur comme fer à leur hard-rock vintage façon Led Zeppelin / Humble Pie – d’aucuns ajouteront une louche de Slade, Nazareth, voire Aerosmith et Guns And Roses pour faire bonne mesure. Sur scène, ils n’en font pas des caisses, et joueraient presque la carte de la sobriété, en mode “tout pour la musique”. Mais leur hard-rock de (bonne) série B est encore un peu vert. Les envolées dans les aigus de Joshua Kiszka piquent un peu – s’en doute-t-il, allez savoir, mais son timbre et son phrasé sont moins marqués par Robert Plant que par le Geddy Lee des début (Rush, ça vous dit bien quelque chose, non ?). À la guitare, son frère Jacob n’est pas un modèle de précision rythmique, mais l’autre frangin, Samuel, est un bassiste honorable, même s’il se situe évidemment à des années-lumières d’un John Paul Jones ou d’un Andy Fraser. Daniel Wagner, le batteur ? On a cru qu’il allait s’embarquer pour un solo façon Moby Dick à la fin du concert, mais en fait non, la garçon a juste aligné trois ou quatre clichés martiaux bien sentis pour faire crier la foule – ça marche toujours.
Bref, Greta Van Fleet, tout le monde en parle, tout le monde est divisé et, surtout, tout le monde fait plus ou moins semblant de les aimer de peur d’avoir l’air d’un vieux barbon has been. Après leur sympatique mini-album de 2017 (“FromThe Fires”, riche d’au moins deux bonnes chansons, exploit au XXIe siècle, Safari Song et Edge Of Darkness), ils viennent de nous offrir leur premier vrai long playing, “Anthem Of The Peaceful Army”, qui malgré quelques bons moments (Watching Over, Cold Wind) pointe déjà leurs limites : travaillez encore un peu plus votre songwriting messieurs, et éliminez-moi tous ces tics ledzeppeliniens à la fin ! Si Robert Plant ou Jimmy Page écoutent The New Day ou Anthem Of The Peaceful Army, ils vont encore lever les yeux au ciel de dépit quand un animateur télé leur demandera ce qu’ils pensent de vous…
Reste que ces quatre garçons dans le vent – qui, attention attention, tourne très vite au XXIe siècle… – semblent bien partis pour incarner l’avenir… du rock rétro. Le grand rembobinage a commencé, et quitte à faire comme si rien ne s’était passé entre, disons, 1969 et 1977, autant donner leur chance à ces gamins là plutôt qu’à … (Mettez le nom que vous voulez.)
Vous l’aurez compris : votre bon vieux Doc est lui-même partagé (ben quoi, l’a pas envie de passer pour un vieux barbon non plus), et il attendra le troisième album de Greta Van Fleet, alias Djivihef, pour trancher définitivement. •
PS : Detective, Fastway et Kingdom Come, c’était pas mal, non ?
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