Superbe final du festival Afropunk avec le rappeur Yasiin Bey, alias Mos Def, en verve, et des invités aussi inattendus que célèbres. Récit.
Alors que j’étais dans le métro, direction Porte de La Villette, je lisais la Divine Comédie de Dante. Dans l’un des premiers chants, l’auteur demande au poète Virgile « Comment dois-je faire maître pour échapper à la lionne sauvage qui est sur ma route ? Toi qui es un exemple de sagesse et de courage, aide-moi ! ». Virgile lui dit alors : « Change de chemin. » Il n’en a pas été de même pour moi quand je suis allé au Festival Afropunk qui était ce à quoi doit ressembler le paradis. Des centaines de Black Magic Women s’y étaient rendues, superbement maquillées, sapées et parlant presque toute anglais. C’était trop pour un cardiaque sentimental de ma trempe et je faisais pâle figure.
Sous couvert d’anecdote, voilà ce qu’est Afropunk. D’abord un festival où l’on est « Black and Proud » – je pensais encore à Miles Davis que j’avais vu jouer à la grande Halle en 1991. Il aurait adoré cette ambiance. La vie est bel et bien un « éternel retour ». Afropunk est un festival qui a des revendications égalitaires : “no racism”, “no homophobia”, “no fatphobia”, etc., sont écrits sur de grandes bannières entourant le site. Et ici, entre deux assiettes de tieb ou de mafé, entre deux portraits de mannequins, on fait honneur à la Great Black Music exclusivement, sur deux jours. La veille, Macy Gray avait conquis la foule.
Mais ce qui m’amena ce soir-là, c’était le concert de Yasiin Bey, alias Mos Def, qui fait de rares apparitions sur scène. Les claviers savants et complices de Robert Glasper l’accompagnait. Mos Def (Qu’il permette qu’on l’appelle ainsi le temps d’une chronique) a tout de suite planté le décor : voix puissante, ourlée d’inflexions graves, poussée par un flow incomparable, saccadé et tendu ; quand à Glasper, c’est un jazzman, parfaitement adapté à toute situation, qui a le hip-hop dans les veines, et dont on se plaît à penser qu’il est le Herbie Hancock de la nu-soul. D’ailleurs ce concert final a fait décoller le public, qui attendait depuis 15 h30 en écoutant quelques live plus ou moins heureux. Et là, le miracle se passe : alors que Mos Def et Glasper sont au taquet, mettant toute leur énergie au service du rythme et grillant littéralement un public embrasé, apparaissent des guests totalement imprévus : ces messieurs du groupe De La Soul. Mos Def était tellement ému qu’il en a pleuré… Le groupe hip-hip old school l’a accompagné avec une fougue inouïe, chanté son talent et consolé en le serrant dans ses bras. On peut dire qu’en matière d’ambiance, ces pionniers ont du métier. La foule était déchainée. (Je ne me risquerais pas à une set list car il s’agissait d’une longue impro d’une demi-heure.) La boucle était bouclée : show inter-générationnel pour un festival résolument ouvert sur le monde. Un grand moment de live, un vrai final. Autour de minuit. •
Photos : © Alexandre Fumeron Afterdepth / Afropunk
Merci à Frédéric Bazil, l’un des organisateurs, pour son accueil chaleureux.
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