“Plight & Premonition” (1988) et “Flux + Mutability” (1989) sont réunis pour la première fois en double CD sous le simple intitulé “Sylvian Czukay”.
Quelques semaines après la sortie du double album “Gone To Earth”, dont la moitié était consacrée à des pièces instrumentales ambient auxquelles Bill Nelson, B.J. Cole, Steve Nye et Robert Fripp avaient contribué, David Sylvian se retrouvait fin 1986 en studio à Cologne avec Holger Czukay, qui l’invitait à participer à son nouvel opus solo, “Rome Remains Rome” (sur lequel il n’apparaîtra finalement pas). Trois jours durant, l’ex-membre de Japan et l’ex-membre de Can improvisèrent de longues heures, et deux compositions non prévues au programme furent créées sur l’instant, Plight (The Spiraling Of Winter Ghost) et Premonition (Giant Empty Iron Vessel).
Sylvian passait du piano au piano préparé, du vibraphone au synthétiseur, de la guitare à l’harmonium ; Czukay jonglait lui entre la radio, l’orgue, les samples de piano et les traitement électroniques. D’après Sylvian, Plight, qui ne durait au départ qu’une dizaine de minutes, est avant tout l’œuvre de Czukay, qui l’a remixé en 1987 pour l’étirer de près de sept minutes. Premonition, en revanche, lui « appartient » plus. Dans les deux cas, ce sont des pièces douces et abstraites à la fois, subtiles, délicates, que d’aucuns relieront naturellement aux œuvres de Brian Eno, l’“inventeur” de la musique ambient. On retrouve aussi un autre “ex” de Can, Jaki Liebezeit (infra-sons) et Karl Lippergaus (radio) dans “Plight & Premonition”, qui ne fut publié qu’en 1988 sur Venture, une branche de Virgin dédiée aux musiques expérimentales.
En décembre 1988, passée la tournée Praise of Shamans (centrée autour du sublime “Secret Of The Beehive”), David Sylvian se retrouva à nouveau en studio avec Holger Czukay pour deux nouvelles pièces instrumentales préfigurant tout ce que le chanteur – qui ne chante désormais presque plus… – a publié ces dix dernières années : Flux (A Big, Bright, Colourful World) et Mutability (A New Beginning Is In The Offing). Moins abstraites, elles sont traversées par des petits nuages mélodiques et soulignées par les percussions discrètes de Jaki Liebezeit – sans oublier le bugle rêveur de Markus Stockhausen et la guitare flottante de Michael Karoli.
“Plight & Premonition” et “Flux + Mutability” sont deux albums essentiels pour qui veut comprendre la philosophie musicale de ces deux grands créateurs d’espaces sonores inouïs. Les liner notes de ce double digipack sont signées David Toop, ce qui est toujours une bonne chose. •
CD “Sylvian Czukay” (Grönland / Pias, déjà dans les bacs)