Enregistré le 5 septembre 1974 à l’Universal Amphitheatre de Los Angeles, “Cracked Actor” documente enfin officiellement une époque charnière et passionnante de la regrettée rock star transformiste, alors en pleine mutation soul.
Son surnom officiel n’allait certes pas tarder à être le Thin White Duke, mais dans la deuxième moitié de 1974, David Bowie migrait subtilement mais sûrement en territoire soul, et “Cracked Actor (Live Los Angeles ’74)” en apporte la preuve éclatante. Ce double CD live produit par… David Bowie (scary, isn’t it ?) et mixé fin 2016 par l’indispensable Tony Visconti rend d’abord justice à l’un des meilleurs groupes assemblés par la rock star aux mille visages, qui était en train de mettre en boîte le soulissime “Young Americans”. Carlos Alomar y faisait ses débuts – on ne le savait pas encore, mais il avait joué un rôle essentiel dans “Young Americans” – en venant renforcer le département guitare aux cotés d’Earl Slick. Début d’une longue histoire… Luther Vandross et Ava Cherry (à lire, son interview sur funku.fr) apportaient leur vérité soul dans les backing vocals. Mike Garson était toujours derrière ses claviers, et David Sanborn au sax alto. Changement notable, en revanche, du côté de la section rythmique : exit les Britons Herbie Flowers et Tony Newman, welcome Doug Rauch (Santana, Billy Cobham, Lenny White…) et Greg Errico, ex-grooveur en chef de Sly & The Family Stone, et qui venait de tourner avec Weather Report.
Good lord, what a band…
Avec de tels sidemen, et malgré les excès bien connus de poudre blanche illégale, Bowie pouvait difficilement faire autre chose que de la bonne musique. Et même si la set list de “Cracked Actor (Live Los Angeles ’74)” est quasiment la même que celle de “David Live” (enregistré en juillet 1974), l’excellence du musicianship fait toute la différence. (Sans parler du beau David, tout en verve théatratico-vocale et qui fait de son mieux, boosté par ses choristes, pour appuyer sans trop forcer sur la pédale soul.)
Déjà, on adore toutes les interventions de l’autre David, qui dévide non pas sans bornes mais tel un Hank Crawford ravi de distiller contrechants et soli soul-jazz à gogo. On aime aussi beaucoup le travail du garçon Garson, modèle de sobriété et d’élégance, finaud dans ses digressions jazz et contemporaines. On aime ces versions swing et sensuelles de Space Oddity, Sweet Thing – écoutez-moi ces passes d’arme entre Slick et Sanborn. On aime aussi la coda dance floor de John, I’m Only Dancing, la citation de On Broadway à la fin d’Alladin Sane, Vandross, Cherry & Co dans Big Brother, toutes ces ambiances cabaret-rock si bien maîtrisées, la version de Jean Genie (quelle intro !). On aime aussi… les mêmes musiques que vous (comme vous le savez si bien depuis 2004), et on vous laisse découvrir tous les autres charmes de ce double live indispensable. •
CD “Cracked Actor (Live Los Angeles ’74)” (2 CD Parlophone / Warner Music).
A lire aussi, ici, la présentation de la version vinyle collector par Christophe Geudin.