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Hommage

Reggie Lucas, avant et après Miles

Entre 1972 et 1975, il formait avec Pete Cosey l’insécable duo de guitaristes de Miles Davis. Reggie Lucas vient de mourir à New York.

Miles Davis ne joue que de l’orgue sur Rated X. Il tient des accords qu’il fait durer jusqu’à l’agonie, giclées psychédéliques boostées par une section rythmique dont les vertigineux stop and go laissent comme au bord d’un précipice. En ce 6 septembre 1972, il y avait là Cedric Lawson au piano (noyé dans le mix), Khali Balakrishna au sitar (discret), Badal Roy au tabla (très présent), Michael Henderson à la basse électrique (idem), Al Foster à la batterie (puissant), James “Mtume” Forman aux percussions (à la fête) et Reggie Lucas à la guitare.
Sa première séance avec Miles, ce new-yorkais né dix-neuf ans plus tôt dans le Queens la devait à son pote Cedric Lawson. Elle en appellera d’autres : Lucas devint rapidement l’un des Miles’s Stock Company Players, que le trompettiste pouvait convier à sa guise en studio quand l’envie lui prenait de pointer de nouvelles directions in music.
Lucas partit aussi sec sur la route avec Miles. Il est des carrières qui, parfois, prennent des détours aussi décisifs qu’inattendus… Miles a toujours adoré donner leur chance aux jeunes musiciens sans qu’ils n’aient jamais le temps de demander leur reste. La musique n’attend pas.
Reggie Lucas sera ainsi l’alter ego de Pete Cosey au sein des groupes au line up toujours changeant de Miles. Epuisé, rincé, malade, las, le trompettiste jettera l’éponge fin 1975, mais Lucas sera de quelques séances studio de 1976, inédites à ce jour.

Reggie Lucas, guitare, Miles Davis, trompette. Photo : X/DR

Reggie Lucas, guitare, Miles Davis, trompette. Photo : X/DR

Avant Miles, Reggie Lucas fut l’accompagnateur du soulman Billy Paul puis, plus tard, celui de Roberta Flack. Et comme au sein des groupes de Miles de solides amitiés pouvaient se lier, Lucas forma à la fin des années 1970 avec Mtume un duo dédié à la production d’artistes rhythm and blues (son autre passion, avec le jazz). Succès à la clé, via des albums de Stephanie Mills, Phyllis Hyman, Lou Rawls ou The Spinners. Et avant que Nile Rodgers et sa Chic Organization ne prennent Madonna en main, il produisit la quasi totalité de son premier album, signant même deux chansons, Borderline – avec son pote Anthony Jackson à la basse – et Physical Attraction.

LUCAS Pochette

Mais réécoutons plutôt “Survival Themes”, le premier album solo de Reggie Lucas, paru en 1976 au Japon sur East-Wind. Une première face mélodique et jazz-funk à souhait, servie par des sidemen trois étoiles : Hubert Eaves aux claviers, Michael Henderson et/ou Anthony Jackson à la basse, John Stubblefield au sax ténor et, of course, Mtume aux percussions (Mtume et Lucas jouent aussi sur “Esoteric Funk” d’Hubert Eaves, sortie l’année suivante).
Uns seconde face étonnante, osée, plus atmosphérique, façon longue suite en quatre parties, traversée par de nombreux solos de Lucas, qui s’en donnait à cœur joie, après tant d’années passées à (magnifiquement) jouer en accords avec Miles Davis…
Reggie Lucas est mort le 19 mai dans sa ville natale. Il avait soixante-cinq ans.