Les fans de Genesis sont aux anges : le coffret “BBC Broadcasts” traverse vingt-deux ans de performances live captées par les micros de la vénérable radio anglaise. Julien Ferté s’y est plongé.
Puisque notre bien aimé rédacteur en chef nous laisse toujours entière liberté pour nous exprimer sur le site qui aime les mêmes musques que vous, j’aimerais ici dire toute mon admiration pour un musicien que je trouve bien trop souvent “trollé” par les haters à la petite semaine qui sévissent sur le net. Vous avez bien sûre déjà deviné qu’il s’agit de Phil Collins, coupable d’être non seulement un formidable batteur (réécoutez vos John Martyn, vos Robert Plant, vos Philip Bailey, vos Brian Eno, vos Brand X, vos Al Di Meola, vos Lee Ritenour…), mais aussi une pop star dont le succès planétaire dépassa presque l’entendemment dès le début des années 1980 (qui ont, c’est désormais officiel, commencé au moment même où le légendaire break de batterie de In The Air Tonight fit trembler des millions d’enceintes de par le monde). Ce statut de cible facile, il le doit à son “charisme de proximité” (Phil Collins ressemble à votre voisin de palier, non ?) et, plus encore, à ses talents d’auteur, de compositeur et de chanteur.
Pourquoi ai-je ressenti le besoin de ne pas perdre le Phil alors que je devrais plutôt vous détailler dans les grandes largeurs les richesses des cinquante-deux titres du coffret “BBC Broadcasts” de Genesis parvenu à la rédaction de muziq.fr et, qui, ô joie, commence en 1970 et se termine en 1998 ? La réponse tient en deux chansons extraites du CD 1 : Let Us Know Make Love, enregistrée en studio le 22 février 1970 et diffusée le 1er avril de la même année sur BBC Radio 2, et Fountain Of Salmacis, enregistré au Paris Theatre le 2 mars 1972 et diffusée le 11.
Dans la première, John Mahew est encore à la batterie ; dans la seconde, Phil est derrière les fûts. Et sa lumière fut. Personne ne saurait mésestimer le génie de l’incomprable Peter Gabriel, mais l’arrivée de Phil dans Genesis change tout, cela s’entend au bout de quelques mesures. Ce son, ce phrasé, ces breaks… Phil a d’emblée apporté une énergie salvatrice, empêchant sans doute la musique volontiers sophistiquée et onirique de ces apôtres du prog rock de rêver trop grand. Et quand l’archange Gabriel fila voguer solo pour explorer les arcanes de la pop progressiste (et, lui aussi, finir par connaître un succès larger than life avec le sublime “So” en 1986), c’est comme chacun sait Phil qui devint le nouvel effronté frontman de Genesis, emportant peu à peu ses camarades de jeu explorer des rivages toujours plus pop, mais pas moins créatifs – qui serait capable aujourd’hui de pondre un tube aussi évident et complexe que Turn It On Again ? Un morceau aussi puissamment mélodramatique que Mama, qui doit autant à John Lennon qu’à Grandmaster Flash & The Furious Five ? (Silence dans la salle.)
“BBC Broadcast” – prises de son quatre étoiles, BBC oblige – résume parfaitement cette prise de pouvoir pacifique et se déguste par grandes rasades mélodiques. Il y a forcément une époque qui est la vôtre, et sans doute même plusieurs. Ah, mon rédac’ chef vient de m’envoyer un email disant ceci : « Julien, tu ne trouves pas que le Drum Duet du CD 2 enregistré à Knebworth en 1978 rapelle les grands moments de “Roxy & Elsewhere” de Zappa, où Thompson duettisait avec Ralph Humphrey ? » Pas faux, et je reconnais bien là le côté geek de ce vieux Fred. Sinon, lisez ou relisez la biographie de Phil Collins, Not Dead Yet, un bijou.
COFFRET Genesis : “BBC Broadcasts” (3 LP ou 5 CD EMI Records BBC / Universal).
Photos : X/DR (Universal).