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Led Zeppelin, il était (encore) une fois dans l’ouest

Quinze ans après sa sortie, “How The West Was Won” de Led Zeppelin est réédité en Super Deluxe : trois CD, quatre vinyles et un DVD. Premier épisode d’une nouvelle série culte ?

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Sur le pass plastifié qui faisait office d’invitation personnelle, la phrase d’accroche était prometteuse : « Pour la première fois en France depuis trente ans… Led Zeppelin Live » La reformation, enfin ?! Pas tout à fait… En ce soir du 6 mai 2003, seul Jimmy Page était de passage à Paris. Pas pour jouer, mais pour présenter le premier DVD officiel de Led Zeppelin, sobrement intitulé… “DVD”. Pas peu fier, le cheveux court et encore teint – il est mieux maintenant, non ? –, il avait dans sa besace un autre goodie : le triple CD live “How The West Was Won”.
Robert Plant ? John Paul Jones ? Ils avaient piscine.
John Bonham ? En train de travailler sa technique, là haut, avec Gene Krupa, Max Roach et Al Jackson.
Mais rien n’y fit : le cinéma Mac Mahon était blindé, l’excitation palpable, et quand les premières images filmées au Royal Albert Hall en 1970 envahirent l’écran, un immense frisson parcouru la salle.
« C’était quand même bien Led Zeppelin en concert, non ? »
Tu m’étonnes.
Le “DVD” de Led Zep’ était tellement incroyable que “How The West Was Won” était un peu passé au second plan. Et puis, un DVD de plus de cinq heures et un triple CD de deux heures trente, ça faisait peut-être un peu beaucoup à digérer, même pour des fans insatiables.

Reste que “How The West Was Won” (un titre trouvé par John Paul Jones, soit dit en passant) est un live fantastique qui capture un groupe au sommet de sa forme. (D’aucuns disent que les quatre fantastiques de Led Zeppelin ont fini par atteindre le sommet de leur art au moment où, sur scène, leurs super pouvoirs commençaient de décliner… Ça se discute, mais il convient tout de même de relativiser : quand les étoiles étaient alignées, certes pas tous les soirs, la musique était plus forte que la fatigue, l’alcool, les substances illicites et les étourdissantes montagnes de cash.)

Los Angeles, 25 juin 1972 : Robert Plant, John Paul Jones, John Bonham et Jimmy Page en direct de la scène du LA Forum. « Hey, hey mama said the way you move, gon' make you sweat, gon' make you groove... » Photo : Jeffrey Mayer

Los Angeles, 25 juin 1972 : Robert Plant, John Paul Jones, John Bonham et Jimmy Page en direct de la scène du LA Forum. « Hey, hey mama said the way you move, gon’ make you sweat, gon’ make you groove… » Photo : Jeffrey Mayer

En 1972, fort de son imparable quadrilogie discographique savamment numérotée de I à IV, Led Zeppelin aligne dix-neuf dates aux Etats-Unis, précédées de deux concerts à Amsterdam et Bruxelles (des warm up dates comme on dit). Quoique largement moins médiatisée que celle des Rolling Stones – au grand dam de Jimmy Page –, cette tournée s’avèrera rétrospectivement l’une des meilleures de l’histoire du groupe. Points d’orgue, les shows donnés sur la Côte Ouest, au Los Angeles Forum le 25 juin et à la Long Beach Arena le 27. « Jouer sur la Côte Ouest était toujours fantastique, se souvenait Jimmy Page en 2003. Chaque membre du groupe donnait alors son meilleur, et quand on jouait ainsi tous les quatre, on combinait ça pour créer un cinquième élément. C’était magique, intangible. »

Jimmy Page et Robert Plant, double-manche et patachon. Photo : Jim Marshall

Jimmy Page et Robert Plant, double-manche et patachon. Photo : Jim Marshall

C’est en faisant des recherches pour le projet de DVD que Jimmy Page, l’archiviste-alchimiste en chef du groupe, est tombé sur les bandes de ces deux concerts de 1972, favoris des bootleggers depuis des lustres. Pour la petite histoire, Robert Plant, en introduisant Dancing Days à Los Angeles, avait précisé que cette chanson devrait être sur le prochain album « qui ne s’appellera pas “Led Zeppelin IV” mais “Burn Like A Candle”… ». Comme chacun sait, le cinquième 33-tours de Led Zeppelin fut finalement baptisé “Houses Of The Holy”, mais les premiers pirates du concert de Los Angeles avaient bien pour nom “Burn Like A Candle”…
Dancing Days n’est pas le seul titre de “Houses Of The Holy” que Led Zeppelin jouait alors sur scène : Over The Hills And Far Away faisait aussi partie de la set list. Sans oublier le groove pharaonique de The Crunge, surgi au beau milieu de l’homérique Dazed And Confused pendant le concert de Los Angeles. Un peu comme si James Brown et ses JB’s s’étaient invités sans prévenir pour faire twister la foule !

Huit extraits de Los Angeles, dix de Long Beach : “How The West Won” est un habile montage. Lors de ces nuits magiques, Led Zeppelin aligna ses classiques sans prendre de prisonniers, de la phénoménale énergie déployée en ouverture avec Immigrant Song au boogie décomplexé et pour tout dire franchement canaille de Bring It On Home de Willie Dixon – enfin, aujourd’hui crédité à Willie Dixon, ce qui ne fut pas toujours le cas : ressortez votre “Led Zeppelin II” d’époque, vous verrez…

1972, année électrique. Photo : Neil Zlozower.

1972, année électrique. Photo : Neil Zlozower.

Entre cette cavalcade heavy metal inaugurale et ce blues passé à la moulinette de plomb, il n’y absolument rien à jeter. “How The West Won” frôle la perfection. Tout y est. Les coups de boutoir et d’accélérateur, les accès de fièvre et les moments de douceur acoustique. Que de constrastes saisissants…
L’ombre et la lumière, toujours…
Qui, hein, QUI était capable de si bien lâcher le(s) chien(s) sur Black Dog ET, dans la même soirée, de partir en Californie (Going To California) lors d’un set acoustique façon Crosby, Stills, Nash & Young ? Aah, comme on l’aime ce clin d’œil limite amoureux à Joni Mitchell… (N’est-ce pas Robert Plant ?)
Bon, o.k., le temps nous manque parfois pour écouter en entier Moby Dick… John Bonham est incontestablement l’un des plus grands batteurs de tous les temps, mais disons qu’on le préfère en forgeur de grooves d’acier qu’en maousse drumsoloteur, même si on donnerait tout pour avoir ne serait-ce qu’un centième de son talent.

Ainsi, en 2003, “How The West Was Won” combla un manque quasiment intolérable. Alors que la plupart des artistes et des groupes majeurs des années 1970 avaient publié un double album live mémorable, Led Zeppelin n’avait pas de “Made In Japan” ou de “Comes Alive” à son catalogue. “The Song Remains The Same” est bien meilleur qu’on a coutume de le dire, mais il n’était “que” la BO du film du même nom, et s’il était paru en 1974 et non en 1976, sans doute serait-il resté ancré plus profondément dans les mémoires.
Quoique publié avec trente ans de “retard”, “How The West Was Won”, qui atteint le sommet du Billboard lors de sa sortie en 2003, fait aujourd’hui partie intégrante de la légende ledzeppelienne. Et pour les jeunes générations, c’est tout simplement un triple album live de Led Zeppelin enregistré en 1972, un album parmi d’autres dans leur discographie.

LED ZEPPELIN HTWWW Coffret 1

Les hardcore fanatics seront dans doute ravis d’ajouter une Super Deluxe Edition de “How The West Was Won” à leur collection, mais il faut impérativement« You hear me Jimmy ? » – que ce nouveau coffret soit le début d’une nouvelle série culte, digne de celle qui avait passé en revue les neuf albums studio de Led Zeppelin entre 2014 et 2015.
Sur tout ce qui touche les réjouissances liées au cinquantenaire de la naissance de Led Zeppelin, qui aura précisément lieu en août, Jimmy Page laisse pour l’instant régner un certain flou artistico-discographique. Dans la récente interview qu’il a donnée au magazine anglais Planet Rock, au micro de Phil Alexander, il ne lève que trois millimètres carrés du voile : « Oui, il y aura des choses qui vont sortir cette année. »
O.k. Jimmy, mais quoi ?
Cette série, si série il y a, sera-t-elle exclusivement consacrée au live ?
Un nouveau DVD, pardon, un nouveau blu-ray – technologiquement, Jimmy est toujours à la page… – va-t-il sortir ?
Y aura-t-il des inédits ?
Jimmy Page aurait-il déjà planifié cette very big anthologie live dont il parle depuis la fin des années 1980 ?
Si oui, va-t-il lancer une souscription ? (Car elle coûtera forcément très cher…)
Célébrera-t-on aussi en 2019 les vingt-cinq ans du magnifique “No Quarter – Unledded” de Page & Plant ?
Est-ce que Led Zeppelin va se reformer ?
Autant de questions auxquelles on aimerait bien sûr avoir des réponses sans tarder. (Pour la dernière, c’est non : Jimmy viens de nous envoyer un texto.)

En attendant, on vous donne le feu vert pour plonger dans la nouvelle version de “How The West Was Won”, ne serait-ce que pour tomber à la renverse en découvrant les quatre vinyles au son tout à fait exceptionnel, le DVD-audio (si vous êtes équipés) et le beau livret de photos. Mon tout emballé dans un coffret du même modèle que celui de la récente réédition des “BBC Tapes”.
Allez, « see you soon Jimmy », et pas de blague : le gâteau est commandé et les cinquante bougies sont prêtes. « We want more, we ALWAYS want more », vous le savez bien. •

CD/LP “How The West Was Won – Super Deluxe Edition” (Atantic / Warner, sortie le 23/3)

Photo : Neil Zlozower.

Photo : Neil Zlozower.