Talk is Cheap, le premier album all-stars de Keith Richards paru en 1988, est de retour en version repackagée.
L’affaire Rolling Stones semble définitivement pliée lorsque parait Talk Is Cheap, le premier album solo de Keith Richards, en octobre 1988. Trois ans plus tôt, les Glimmer Twins ramaient aux studios Pathé de Boulogne-Billancourt pour boucler l’affreux Dirty Work, l’incontestable nadir de la discographie stonienne. Fabriqué en kit avec la contribution des pièces rapportées Tom Waits, Bobby Womack, Ivan Neville (et même un Jimmy Page non-crédité pour son solo kamikaze sur « One Hit (to the Body) »), ce Sale boulot signalait le premier véritable éclatement du tandem Jagger/Richards. Dos au mur, ces derniers devaient composer avec un batteur sous héroïne – plusieurs vidéos amateur d’époque saisissent un Charlie Watts hagard, déambulant par hasard et pas rasé dans les rues Boulonnaises – et, surtout, la parution de anti-diplomatique de She’s the Boss, le premier LP solo de Mick Jagger (mal) produit par Nile Rodgers.
Vaguement irrité et privé de tournée par son chanteur, Richards boude, puis explose littéralement lorsque Jagger s’embarque dans une tournée australo-japonaise accompagnée par les coulées néphrétiques de la guitare de Joe Satriani. Courroucé, le Riff humain consulte son Rolodex et monte en quelques coups de fils son équipe B, bientôt baptisée the X-Pensive Winos (« Les Pochetrons coûteux »). À la batterie, Steve Jordan, assisté de Charlie Drayton à la basse et de Waddy Wachtel aux guitares annexes. Afin d’assurer les renforts, Keith retrouve le numéro de Mick Taylor, convoque Bernie Worrell et Ivan Neville aux claviers et l’inusable Bobby « Brown Sugar » Keys au saxophone. Plus de cuivres ? Les Memphis Horns sont là, arrangés par Willie Mitchell, et Maceo Parker souffle aux côtés de Bootsy Collins, qui fait frétiller sa pédale Mu-Tron sur « Take it So Hard ». Et quitte à embaucher un pianiste, pourquoi ne pas aller chercher à St. Louis Johnnie Johnson, l’instigateur des légendaires pompes rythmiques de Chuck Berry ?
Déployées entre Montreal, New York et les Royal Studios de Memphis, les séances all-stars de Talk Is Cheap déboucheront sur un album attachant, sinon semi-décevant, entre dignes montées de sève stoniennes (« Take It So Hard », « It Means a Lot » et « Big Enough », visiblement imaginées pour l’autre groupe) et le je m’en foutisme assumé de son auteur. Les compositions s’évaporent, mais les écrits restent avec un fielleux « You Don’t Move Me » adressé à son habituel chanteur lippu… Trois décennies plus tard, Talk Is Cheap est réédité en versions multi-formats, du double-CD à l’imposant coffret boisé rempli de mémorabilia (45-tours, photos, médiator, backstage pass….). Seul bonus commun entre les deux objets : 32 minutes inédites, avec six titres symptomatiques du syndrome de la jam bluesy entre potes. En revanche, pas de Live at Hollywood Palladium, le recueil en public dont on attend toujours la version intégrale. On espère aussi un traitement similaire appliqué à Main Offender (1992), le deuxième volet des aventures solo de Keith Richards. Une suite qui, comme dans la saga du Parrain, éclipse largement son premier épisode.
Keith Richards Talk Is Cheap (BMG/Warner Music). Disponible le 29 mars en versions double-CD et Super Deluxe.