Spécialisé dans les rééditions de grande qualité, le label anglais SoulMusic Records vient de publier deux anthologies consacrées à Esther Phillips et Solomon Burke.
On croyait l’âge d’or des rééditions CD passé, mais les raisons de penser le contraire sont de plus en plus nombreuses, ce dont personne ne se plaindra à l’ère du présent permanent et des options marketing de l’industrie musicale – ou de ce qu’il en reste… – en direction du “grand public”, qu’on cherche à infantiliser chaque jour un peu plus. Les rééditions, compilations et autres anthologies siglées SoulMusic Records s’adressent à un public adulte (ce qui ne veut pas forcément dire âgé), et le travail éditorial qui les accompagne est à la hauteur de la passion de ses deux fondateurs, David Nathan et Michael Lewis. Deux compilations Rhino/Atlantic, “The Best Of Esther Phillips (1962-1970)” et “Home In Your Heart” de Solomon Burke avaient déjà permis de (re)découvrir les meilleures faces de ces deux grandes figures de la soul états-unienne il y a une bonne vingtaine d’années.
Celles qui viennent de fleurir sur les facings pêcheraient presque par excès de générosité (104 chansons pours Phillips, 79 pour Burke !), mais on ne saurait cependant reprocher grand chose au coffret 5 CD d’Esther Phillips, “Brand New Day – The Lenox / Atlantic & Roulette Recordings (1962-1970)” et au triple CD digipack de Solomon Burke, “The King Of Rock ‘N’ Soul – The Atlantic Recordings (1962-1968)”.
Dans le coffret de la native de Gavelston, au timbre si joliment nasal et au vibrato unique, le CD 1 plombe un peu le plaisir : toutes les chansons donnent l’impression de sortir du même moule (tempos lents, chœurs sirupeux). Mais tout s’arrange avec les quatre CD suivants, rythmés par de nombreuses pépites, de sa reprise d’And I Love Her des Beatles (rebaptisée And I Love Him et adoubée par Sir Paul McCartney lui-même) à Try Me en passant par l’album enregistré live au Freddie Jett’s Pied Piper de Los Angeles.
Plus digest, le triple CD du monumental Roi Solomon ne souffre (quasiment) d’aucun temps faible, et se replonger dans la meilleure époque de cette figure essentielle de la soul, dont il restera l’un des plus mémorables porte-voix avec Ray Charles (dont il reprend What’d I Say) et Sam Cooke procure beaucoup de bonheur. Au gré de ces faces principalement enregistrées à New York, le moelleux des grooves prodigués par des orfèvres du genre le dispute à la raucité de ce gosier qui bruisse de tout ce que le sacré et le profane charrient de joies et de peines. Et ne manquez pas Soul Meeting, sa rencontre au sommet avec le Soul Clan : Joe Tex, Wilson Pickett, Arhtur Conley, Ben E. King et Don Covay (excusez du peu).
Dans les deux cas, les livrets sont aussi savants de que copieux, même si celui d’Esther Phillips est très difficile à lire : corps miniuscule sur fond marron clair, attention les yeux !
Soul Music Records, distribution française Socadisc.