Cookin’ with Eddie “Lockjaw” Davis !

Le label Craft Recordings publie “Cookin’ with Jaws and the Queen”, superbe coffret quatre CD du saxophoniste ténor Eddie “Lockwjaw” Davis et de l’organiste Shirley Scott. Soul, gospel, blues et jazz à tous les étages.

Avant d’épouser un autre maître du saxophone ténor, Stanley Turrentine, et d’enregistrer avec lui quelques classiques pour Blue Note et Impulse, l’organiste Shirley Scott fut la partenaire privilégiée d’Eddie “Lockjaw” Davis, passant d’ailleurs au gré des quatre volumes de la série “Cookbook” du simple featuring à celui de quasi coleader : sur les pochettes du “3” et de “Smokin’’’, son nom figure en (presque) aussi gros que celui de Davis.
Les quatre albums regroupés dans le coffret “Cookin’ with Jaws and the Queen” ont été enregistrés pour Prestige en trois séances, les 20 juin, 12 septembre et 5 décembre 1958 au Van Gelder Studio – le premier, à Hackensack, que le légendaire ingénieur du son avait installé dans l’appartement de ses parents.

Aux côté de la “Queen” de l’orgue Hammond B3 et du saxophoniste ténor (qui avait déjà marqué de son empreinte l’orchestre de Count Basie et fait tandem avec Johnny Griffin pour faire perdurer l’esprit des joutes, des chases de sax ténor popularisés, entre autres, par Dexter Gordon et Wardell Gray), on retrouvrait ces orfèvres discrets qui ont aussi fait l’Histoire du jazz à l’ombre des géants : le saxophoniste (ténor et baryton) et flûtiste Jerome Richardson, le contrebassiste George Duvivier et le batteur Arthur Edgehill.
Et si de Have Horn, Will Blow, premier morceau du premier album, à Blue Lou, qui concluait le quatrième (on en compte pas les trois bonus tracks), l’esthétique est la même, le style, irrésistible, gravé dans le marbre soul, gospel – ou churchy si vous préférez –, blues et jazz. Prise de son aidant, la gouleyante sonorité du B3 (prononcer « Bifri ») de Shirley Scott et celle du ténor d’Eddie “Lockjaw” Davis font merveille. N’oublions pas cependant, outre le swing et le groove inaltérables prodigués par la paire Duvivier-Edgehill, la contribution essentielle de Jerome Richardson, dont le flûte enjouée contraste avantageusement la puissance subtile du ténor de Davis, qu’André Clergeat dans Le dictionnaire du jazz (éd. Robert Laffont) décrivait avec ces mots choisis : « Admirable joueur de blues, inépuisable dispensateur de swing, Eddie “Lockjaw” Davis est bien l’un des grands du saxophone ténor. » On ne saurait mieux dire.

Il est donc temps de retourner en cuisine écouter Dame Scott et Sieur Davis nous préparer leurs recettes pour affamés de soul-jazz authentique – dans ses remarquables liner notes, Willard Jenkins use non sans gourmandise de toutes les métaphores culinaires, et il a bien raison !

COFFRET Eddie “Lockwjaw” Davis With Shirley Scott : “Cookin’ with Jaws and the Queen : The Legendary Prestige Cookbook Albums” (Craft Recordings / Universal, sortie le 3 février, en LP ou en CD).