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Hommage

Clyde Stubblefield, peaux de chagrin

On se posait la question pas plus tard qu’hier, tandis que l’on venait d’apprendre la mort de Maurice Vander : « Est-ce tous les jours, ou presque, qu’il va falloir pleurer le départ d’un citoyen d’honneur de la Planète Musique ? » Ces jours-ci, le « ou presque » ne semble hélas pas de rigueur. Clyde Stubblefield, le “funky drummer” lui-même, s’est éteint hier à l’âge de 73 ans.

STUBBLEFIELD PhotoPartout sur la toile, on parle déjà du break de batterie le plus célèbre de l’histoire de la musique, celui de Funky Drummer de James Brown, enregistré le 20 novembre 1969 aux King Studios, à Cincinatti, dans l’Ohio. Et comment pourrait-il en être autrement puisque cette inspiration géniale, ces quelques mesures de groove éternel de Clyde Stubblefield ont, depuis, servi de base rythmique à un nombre incalculable de productions hip-hop – même Prince s’en est inspiré pour graver Gangster Glam, l’un des six morceaux du son maxi 45-tours culte de 1991, “Gett Off” (Paisley Park / Warner Bros.). Prince qui, comme le rappelait nos amis de funku.fr, « avait rendu la politesse au batteur en lui offrant près de 80 000 $ afin de régler ses frais médicaux au cours des années 2000 ». Et Prince qui, au milieu des années 1990, tandis que Phil Upchurch mettait en boîte son nouvel album à Paisley Park, s’était forcément glissé dans le studio pour assister à l’enregistrement d’un standard de James Brown, I Don’t Want Nobody To Give Me Nothing (“Whatever Happened To The Blues”, Go Jazz, 1995). Etaient présents ce jours-là, aux côtés de Phil Upchurch [lui-même père d’un batteur, et non des moindres : Sean Rickman, membre permanent des Five Elements de Steve Coleman], rien moins que Fred Wesley au trombone, Maceo Parker au sax alto, Pee Wee Ellis au sax ténor, Ricky Peterson à l’orgue, Paul Peterson à la basse et Rosie Gaines au chant. Derrière les fûts, deux grooveurs, un maître et l’un de ses disciples : Clyde Stubblefield et Michael Bland.
En 2000, au Creation Audio Studio, où Michel Portal gravait son album “Minneapolis” sous la direction de Jean Rochard, votre humble serviteur avait posé la question à Michael B. : « Ça vous a fait quoi de jouer en duo avec le Funky Drummer, Clyde Stubblefield ? » Pour toute réponse, avant d’obtenir tout de même quelques renseignements complémentaires, Mighty Michael lâcha d’emblée un rire sonore qui fit tressauter Michel Portal, qui passait tout près de la petite salle de repos : « Playin’ with Clyde ???!!! Ah ah aaaaah… Man, it was, it was SOMETHING ! »
Oui, Clyde Stubblefield, c’était quelque chose, c’était quelqu’un, un homme de l’ombre, un orfèvre du rythme qui, s’il avait pu déposer les quelques mesures évoquées plus haut, serait devenu multi-millionnaire.

En 1986, dans l’une des compilations majeures de James Brown, “In The Jungle Groove” (Polydor), le DJ Danny Krivit avait mis en boucle le break de Funky Drummer. Plus encore que la version originale de neuf minutes et des poussières, ce sont ces deux minutes et cinquante-six secondes de groove hypnotique (re)nommées Funky Drummer (Bonus Beat Reprise) que tous les sampleurs de la planète ont dévoré gaiement…
Reposez en paix Monsieur Stubblefield. Et aussi en ryhtme. One, two, three, four ! Give the drummer some !

PS : Le break de Give It Up Or Turnit A Loose (version du 22 juillet 1970) n’est pas moins monstrueux que celui de Funky Drummer… Et on en passe.