Actuellement en tournée européenne, Randy Newman s’est produit samedi soir à Bruxelles. Compte-rendu de notre envoyé spécial au Land of Dreams.
Ceux qui m’aiment prendront le Thalys. Depuis 2004, le quorum des fans français de Randy Newman doit traverser les frontières du nord pour écouter l’un des plus grands songwriters vivants et son Steinway. La barrière du langage, clé de compréhension indispensable pour ses textes tour à tour vachards, hilarants, tendres et bouleversants ainsi qu’un cachet qu’on devine hollywoodien y sont certainement pour beaucoup. D’ailleurs, Randy Newman a choisi « It’s Money That I Love » pour ouvrir son récital à L’ancienne Belgique de Bruxelles devant plus de 1200 spectateurs (performance sold-out).
Vêtu de son éternel uniforme de retraité de Beverly Hills -chemisette informe, pantalon en toile usée et running shoes-, l’ancien salarié du Brill Building prolonge ensuite avec « Mama Told Me Not To Come » une prestation dont la forme, basée sur l’interprétation en piano solo d’un répertoire stellaire, n’a guère évolué depuis près de 25 ans. « Je n’aime pas tourner avec un groupe. Quand on joue « Short People », les gens rient et je perds le rythme. Et puis ça coûte trop cher », nous expliquait l’intéressé en 2008 pour justifier sa proposition live minimaliste. Tout aussi attendus que les joyaux de Sail Away, Good Old Boys et Little Criminals, les interludes comico-desabusés de Randy Newman n’ont pas déçu non plus. En introduction de « You’ve Got a Friend in Me », la chanson Oscarisée de Toy Story, le compositeur favori des production Pixar révèle ses rapports distants avec le septième art en expliquant : « La première fois que j’ai vu Toy Story, je n’avais pas compris que c’était un dessin animé. Je trouvais même que Tom Hanks était très bon dans le rôle du cowboy « (rires belges). Juste avant l’entracte, « You Can Leave Your Hat On » (« mon tube gériatrique ») est logiquement enchaîné à « I’m Dead (But I Don’t Know It), » portrait cruel des rockstars vieillissantes refusant de raccrocher les gants qui occasionnera également en fin de premier set un clash avec la vedette de Muziq 5 : « On ne dit jamais aux artistes qu’ils ont écrit leurs meilleurs trucs à 24 ans et que le reste ne vaut rien. Par exemple, personne n’a jamais osé aller dire à Paul McCartney qu’il avait fait son meilleur boulot avec les Wings ! » (énormes rires belges).
« Baltimore », un des sommets du catalogue Newmanien repris, entre autres, par Nina Simone, inaugure une deuxième partie dont le premier quart axé autour de Little Criminals (1977) est illuminé par le bouleversant « In Germany Before the War » – « I’m looking at the river but I’m thinking of the sea », Dylan a-t-il jamais écrit une aussi belle ligne ?- et le peu joué « Joly Coppers From Parade. » Gros succès également pour « My Life Is Good » (« dédié à mes fils qui ont entre 70 et 73 ans »), le ragtime géopolitique de « The Great Nations of Europe » et un » Rednecks » réclamé par les premiers rangs et légèrement exécuté à contre-coeur par son auteur, contraint de longuement justifier son texte anti-politiquement correct en le replaçant dans le contexte sans filtre des années 1970. En rappel, « Lonely at the Top » – tellement cynique que Sinatra a refusé de la chanter -, « God’s Song (That’s Why I Love Mankind) » et la révérence profil bas d' »I Think It’s Going to Rain » concluent deux heures de concert où se sont glissés quelques nouveaux titres, dont un « Putin » à la vodka poivrée qu’on retrouvera peut-être l’an prochain sur le nouvel album studio de Randy Newman. En profitera-t-il pour venir enfin saluer son public hexagonal après plus de dix ans d’absence ? Dis-nous oui, Randy.
Remerciements à O.N et M.R.
Set 1
Set 2
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