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Steve Vai, tais-toi et joue de la guitare !

La très attendue réédition Deluxe de “Passion And Warfare” de Steve Vai vient enfin de paraître. Ce classic album de la guitare métal-fusion est couplé avec “Modern Primitive”, recueil de onze titres inédits enregistrés entre 1984 et 1990, quand  l’ex-guitariste acrobate de Frank Zappa, qui vient juste de donner à Paris un concert riche en morceaux épiques et en solo stratosphériques, était au pic de sa créativité.

À 56 ans, Steve Vai est encore capable d’arriver sur scène déguisé en Chevalier Jedi avec des yeux rouges à visée laser. Est-ce bien raisonnable ? Non. Et c’est pour ça qu’on l’aime, le petit prince de la stunt guitar découvert aux côté de Frank Zappa au début des années 1980. [Le signataire de ces lignes l’a vu avec le Maître en 1982 à Paris. Inoubliables émotions adoslescentes.] Steve Vai, quoique rock star très tranquille – à l’aune des rock stars on veut dire… – et family man équilibré, n’a jamais été raisonnable côté musique. Depuis la parution de son premier opus solo en 1984, le cultissime “Steve Vai’s Flexable” (suivi quelques mois plus tard du rarissime EP “Flex-Able Leftovers”), il ne s’est jamais fixé de limite : s’il faut jouer plus de notes qu’il n’y a d’étoiles dans la galaxie pour atteindre le nirvana, no problemo.

Steve, shut up and eat yer guitar !

Steve, shut up and eat yer guitar !

Dimanche soir au Trianon, juste après que les Bleus ont finalement décidé de ne pas nous faire broyer du noir, Steve Vai a donc joué l’intégralité de “Passion And Warfare”, après quelques morceaux lestement envoyés, dont le super-heavy Bad Horsie, joué pendant qu’un extrait de Crossroads* était diffusé sur un grand écran qui n’allait pas tarder nous réserver d’autres surprises). Pourquoi l’intégralité ? Pour célébrer le vingt-cinquième anniversaire de sa parution, avec un an de retard certes, mais c’est l’intention qui compte.

Toujours étrange d’écouter un disque rejoué sur scène : on sait l’ordre des morceaux, et l’envie de comparer les moindres détails avec les versions originales fixées depuis des lustres dans la mémoire est, du coup, encore plus forte. Mais ce manque de surprise fut compensé par l’énergie hors-normes distillée par son groupe, et la maîtrise toujours aussi impressionnante de son leader charismatique qui, qu’on le Vai, pardon, qu’on le veuille ou non a élevé l’art du solo rock dans des sphères expressives peu fréquentées avant lui, si ce n’est pas les grands maîtres avec lesquels il a grandi et qui, pour la plupart, viennent d’Angleterre, sauf un – devinez lequel, son nom commence par un h, comme héros. (Frank Zappa aussi, bien sûr, a une influence gigantesque sur Vai, mais pas seulement guitaristique.)
Meilleurs moments : ses deux duo virtuels. L’un avec son premier prof de guitare, Joe Satriani, filmé at home pour l’occasion et projeté sur grand écran (bel exercice de mise en place) ; l’autre avec feu Frank Zappa sur l’inoubliable Stevie’s Spanking (vous n’écoutez pas assez “Them Or Us”, Zappa Records / Universal, 1984).

“Passion And Warfare” (enrichi cette fois de quatre inédits, dont un Lovely Elixir aux saveurs Santana) est incontestablement le chef-d’œuvre de Steve Vai, son “Blow By Blow” (Jeff Beck) à lui, son bad horsie de bataille, la preuve qu’un guitariste qui joue vite n’est pas forcément un speedophile organisateur de courses de mille-pattes sur manche mais aussi un poète sérieusement allumé, doublé d’un mélodiste bien barré dont la culture harmonique dépasse allégrement celle du hardeux spinaltapien seulement capable de mettre transe les rigolos qui montraient leurs fesses au Petit Journal de Yann Barthès.

VAI Pochette 1Mais attardons-nous plutôt sur le cd bonus qui l’accompagne, et que Steve Vai nous promettait depuis des années, “Modern Primitive”. Onze titres qui, d’après lui – et il a tout à fait raison – sont le chaînon manquant entre “Flexable” et “Passion And Warfare”. Onze titres pour la plupart instrumentaux qui nous renvoient à ses premières folies d’alien qui aimait tant partager ses secrets avec nous. Du swinguant-zinzin Bop ! (imaginez Manhattan Transfer rêvant de sortir un album orienté métal…) à la magnifique suite timburtonienne Pink And Blows Over (un bijou d’invention fortement teinté de jazz électrique) en passant par Dark Matter, Upanishads, Lights Are On (qui auraient largement pu trouver leur place dans “Passion And Warfare”), c’est la ouate, pardon, le Vai qu’on prèfère qui déroule tout son savoir-jouer. Follement zappaïen bien sûr.
Nous voilà donc ravi de (re)trouver that Steve Vai, celui des meilleures années, qui avait remplacé haut la main Yngwie Malmsteen dans Alcatrazz en 1985 (vous n’écoutez pas assez “Disturbing The Peace” les amis), et qui, dans la foulée, offrit à David Lee Roth quelques chorus d’anthologie pour que ses fans ne pensent pas à Eddie Van Halen tous les trentes secondes – remember “Eat ’Em And Smile” boyyyz ? 

Revendez votre vieux cd de “Passion And Warfare” et courez chez votre disquaire favori pour acheter “Modern Primitive/Passion And Warfare”, à ranger aux cotés de “Flexable”, “Flex-Able Leftovers” et “Alien Love Secrets”.

PS : À lire dans le dernier numéro de Guitar Xtreme Magazine, l’interview de Vai, où il raconte notamment sa rencontre avec l’un de ses fans, un certain Prince…

* Steve Vai joue le rôle du guitariste du diable, Jack Butler, dans la scène-clé du film de Walter Hill, dont la musique est signée par un virtuose d’un tout autre genre, Ry Cooder. Dans cette scène, il provoque en duel le (gentil) guitar hero à la recherche des chansons perdues de Robert Johnson… Et il perd bien sûr !

CD “Modern Primitive / Passion And Warfare 25th Anniversary Edition” (Epic Legacy / Sony Music)

 

 

 

 

 

Zappa Ship Ahoy dans The Lost Chord