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Classiq Soul-Funk

Soul Saga #3 : le génie de Curtis Mayfield

Avec la collection “Warner Japan Soul, Jazz & Fusion”, Warner Music France importe du Japon des dizaines de pépites sonores. Doc Sillon en a passé quelques-unes au tamis.

SOUL SAGA #3 The Impressions CDEt bang, deux autres chefs-d’œuvre pour continuer notre Soul Saga. “This Is My Country” de The Impressions (1968) d’abord, leur l’antépénultième album featuring le chicagoan Curtis Mayfield, auteur-compositeur de génie, superbe guitariste (ce n’est certainement pas Jimi Hendrix qui aurait dit le contraire), chanteur au falsetto cristallin et bouleversant. Huit chansons de la plume de Mayfield, deux autres coécrites, dont Gone Away, avec, le revoilà aussi, Donny Hathaway, qui fut l’un des proches collaborateurs de Mayfield avant de voguer solo. Si “This Is My Country” ne contient pas de grands standards “mayfieldiens” du calibre de People Get Ready, Gypsy Woman, We’re A Winner, Mighty Mighty (Spade & Whitey) ou Choice Of Colours, il n’en reste pas moins un opus essentiel, qui surpasse à peu près tout ce qui s’est produit dans le genre depuis… trop longtemps (no comment).

 

SOUL SAGA #3 Mayfield Curtis CDCurtis Mayfield toujours, avec cette fois son premier album personnel, sobrement intitulé “Curtis” (1970), et aussi important dans l’histoire de la soul music moderne que “What’s Going On” de Marvin Gaye ou “Talking Book” de Stevie Wonder. L’intro légendaire de (Don’t Worry) If There’s A Hell Below We’re All Going To Go plante le décor : ici la volonté de défendre la liberté d’expression n’est pas une posture de circonstance. « Sœurs ! Nègres ! Faces de craie ! Juifs ! Quakers ! » Quoique prodondémement spirituel, Curtis Mayfield ne semblait guère se faire d’illusions quant à la destination finale de tous les croyants : l’enfer ! Tout en n’étant pas si sûr de son existence… Heureusement, son pessimisme viscéral est tempéré par une croyance encore plus profonde, en l’amour, ce qui ne l’a jamais empêché de de jouer et de chanter son rôle de commentateur social très au sérieux.

 

Ici, il commençait d’épouser les formes encore plus conceptuelles du 33-tours, qu’il fut l’un des premiers à ne plus envisager comme une simple collection de singles, mais comme un support apte à faire passer un message encore plus élaboré et contrasté. Il faut le dire : les paroles sont des modèles d’intelligence poétique et revendicatrice (We The People Who Are Darker Than Blue, Move On Up, Miss Black America…), les arrangements, les couleurs orchestrales et les grooves (Move On Up !) participent d’un art qui semble avoir disparu aujourd’hui. “Curtis” est bien un chef-d’œuvre impérissable que tout amateur sérieux de Grande Musique Noire se doit de posséder.

Doc Sillon