En publiant en 1985 son troisième album solo, “No Jacket Required”, Phil Collins entrait définitivement dans la sphère des songwriters pop à succès.
Boîtes à rythmes, claviers basse, son compressé, afterbeats métalliques, vocaux démultipliés… : en 1985, comme d’autres pop stars à la même époque (Hall & Oates, Al Jarreau, Chaka Khan, Gino Vannelli…), Phil Collins se met à flirter gaiement avec les nouvelles technologies et ose le grand lifting synthétique, au risque de déplaire à ses fans de la première heure – malin comme un singe, il avait pris soin, deux ans plus tôt, de faire tremper son vaisseau amiral Genesis dans le même bouillon électronique so eighties.
À “Face Value” (1981), qui devint rapidement culte grâce au sombre et atmosphérique In The Air Tonight (et son sublime drum sound qui changea la place de la batterie dans la musique pop) succèda un an plus tard “Hello I Must Be Going”, qui connut un succès king size grâce à sa reprise efficace de You Can’t Hurry Love des Supremes.
Avec “No Jacket Required”, Phil ne perd pas le fil et tient son triomphe commercial, sinon artistique – on est en droit de préférer les jeux d’ombre et de lumière de deux opus précédents.
Reste que cet album léger, pétillant et porté par le syndrome positif de la Tentation Funky™ (cf. le front en sueur de Mister P.C. sur la pochette) fait partie de ces disques que l’on ne se vantait ni d’avoir acheté, ni d’écouter en boucle, le plus souvent en cachette, ou sur son Walkman : « T’écoutes quoi là ? – Heu, rien. »
Phil Collins, no baguettes required ? Oh que si…
Surprise : “No Jacket Required” a finalement bien passé le cap des ans. Grâce, à la qualité du songwriting d’abord. On pourra dire ce qu’on veut, mais il n’existe aujourd’hui plus guère d’albums au son homogène, produits avec une idée directrice et capables de générer autant de tubes. Et de tubes, il y en eut dans “No Jacket Required” : quatre chansons dans le Top 10 ! Le puissant et mélodramatique Don’t Loose My Number, le cinématique et lyrique Take Me Home (avec ses potes Sting et Peter Gabriel dans les chœurs) et bien sûr les deux n° 1 : la ballade sentimentale et mélodieuse One More Night et le très funky Sussudio, joyeusement pompé sur 1999 de Prince (l’hypnotique riff de synthé de Who Said I Would évoquant lui le mythique Cool de The Time, signé Prince itou).
Après avoir marqué l’histoire du prog rock avec Genesis, réalisé ses fantasmes de batteur fusion avec Brand X, produit John Martyn, joué avec Peter Gabriel, Brian Eno, Eric Clapton, Robert Plant et Led Zeppelin (au Live Aid, en 1985, pas très bien d’ailleurs, mais bon), obtenu un hit avec Philip Bailey (le nunuche mais somme toute peu résistible Easy Lover), on peut comprendre qu’un artiste aussi comblé ait voulu explorer d’autres pistes. Celles-ci le menèrent vers un trésor jalousé par la Police du Rock : le succès populaire et planétaire.
Comme les précédentes éditions Deluxe de Mister P.C., “No Jacket Required” est augmenté d’un cd bonus, “Extra Large Jacket Required”, composé de versions live et de quelques démos, dont celle de One More Night.
CD “No Jacket Required – Deluxe Edition” (2 CD Atlantic / Warner Music)
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