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Rétrospective

Led Zeppelin & “Physical Graffiti”, #4

C’était il y a quarante ans, le 25 février 1975. “Physical Graffiti”, le sixième (et double) album de Led Zeppelin commençait de squatter les facings des disquaires. Depuis, il ne les a jamais quitté. Jimmy Page vient d’en superviser la réédition ultime. Voyons voir ça, épisode #4.

LZ PG Cartouche 8 Pistes

It’s time, il est temps. Le faces à faces peut commencer ! Et l’on nous pardonnera de l’effectuer au rythme du double 33-tours original, à nouveau disponible à un prix raisonnable, avec ou sans son Companion Disc… Moins de trente euros pour le double, moins de quarante pour le triple. L’un et l’autre existent bien sûr en version compact disc, mais pas en cassette – Jimmy Page juge sans doute ce format obsolète, et il a sans doute raison, mais nous sommes persuadés que “Physical Graffiti” se serait certainement bien vendu sous cette forme ! [Message personnel : rassurez-vous, cher Jimmy, nous n’irons pas jusqu’à militer pour la réédition de “Physical Graffiti” en cartouche huit pistes, en eight-track cartridge comme vous dites par chez vous.]

Custard Pie
Pas franchement tarte à la crème (custard pie) cette entrée en matière. Un riff simple comme bonjour – à l’aune jimmypagienne s’entend –, façon AC/DC avant l’heure. Dans le spectre stéréo, la guitare est à droite. A gauche, très vite, John Paul Jones fait tinter son clavinet, en contrechant puis à l’unisson. Stevie Wonder fait du hard-rock ! Propulsé par une section rythmique heavy-funky, toute en syncopes. Ligne de basse calquée sur le riff principal, batterie précise-pointue, superbement enregistrée, ample, sanguine : hénaurme. Ah comme on aime, à la fin, les « Drop down » lâchés par Plant, ce grand amateur de sentences bleues samplées sur de vieux 45t (le titre de travail de la chanson était d’ailleurs Drop Down Mama), tandis qu’en overdub son harmonica rouillé miaule le blues. Curieusement, jamais jouée live

The Rover
Nouveau riff dur comme le rock et chaud comme la braise. Comme un résumé de l’histoire du hard-rock des années 1970, genre inventé, faut-il-le-rappeler-et-bien-qu’ils-en-aient-toujours-dépassé-les-codes, par nos quatre amis. On adore la fin, ces « Yeah yeah… Yeah yeah… », et la basse de John Paul Jones qui fait « pluck pluck pluck », et la guitare de Page qui donne du grain à moudre à tous les heavy-métalleux pour les vingt années qui suivont… Curieusement, jamais jouée live non plus. The Rover est l’une des “chansons secrètes” de Led Zeppelin : on n’y pense pas, on ne la cite jamais parmi ses favorites, mais si elle disparaissait par ne sait-on quel tour de magie noire du disque, elle nous manquerait terriblement. The Rover, c’est la matière noire de l’univers Zeppelinnien.

In My Time Of Dying
5’44” : carton rouge pour John Bonham ! Un “pain” de grosse-caisse gros comme le nez d’un poivrot au milieu du visage ! Un glissement de terrain inattendu, un attentat à la perfection. Scandaleux. Mais que vous était-il donc arrivé, John ? Etiez-vous si pressé que ça de partir au pub ? « That’s gonna be the one that’s it ? » lâchez-vous d’ailleurs à la fin de la prise, après avoir toussé comme un vieux tubard – « cough… », ajoutait au passage votre copain Robert, tandis que Jimmy Page savait sans doute déjà que c’était effectivement « the one ».

[Veuillez nous excuser, le texte ci-dessus n’aurait pas dû être publié, NDR.]

5’44” : gloire à John Bonham ! Un “pain” de grosse-caisse beau comme le nez de Cléopatre au milieu du visage ! Un tremblement de terre enivrant, un manifeste pour les fragiles beautés de l’erreur humaine. Merveilleux. Vous aviez soif, vous étiez pressé de partir au pub. « That’s gonna be the one isn’t it ? » lâchez-vous d’ailleurs à la fin de la prise, après avoir toussé comme un vieux tubard – « cough… », ajoutait au passage votre copain Robert, tandis que Jimmy Page savait sans doute déjà que c’était effectivement « the one ».

LZ PG Ouverture BrownstoneVous le savez sans doute, mais In My Time Of Dying est un chef-d’œuvre absolu. Le plus long morceau studio du groupe (plus de onze minutes). Basé sur un traditionnel que Bob Dylan avait chanté sur son premier disque éponyme, en 1962. Gravé live en studio – Jimmy P. ajoutera cependant quelques parties de guitares supplémentaires bien senties –, cette hallucinante hyperjam blues fonce, ralentit, s’arrête, repart, ré-accélère, ne va jamais s’arrêter en fait, non, ils ne savent pas comment ils vont s’arreter, aïe, ils vont déraper c’est sûr, sortir de la route, finir dans le bas-côté, ils jouent trop vite, trop fort, ils vont se crasher, attentiooooooon ! Hé bien non. Ils maîtrisent. L’alchimie sonique fonctionne à pleins tubes. La performance est extraordinaire. La foudre passe à travers les baguettes de John Bonham, le feu du soleil manque de faire fondre ses cymbales, un orage gronde dans sa grosse-caisse, chaque roulement est un séisme (entre 7’28 et 7’30, quelle folie !). La guitare (et la slide guitar aussi) de Page est comme possédée, la basse de Jean Paul 1er cimente le mur du son. Et Plant, aaah Plant, voilà qu’il implore Jésus « Oh my jezz-uh… Oh my jezz-uh… », puis une certaine Georgina – à en juger par les râles suggestifs qui suivent, Georgina devait être une amie proche.
« Oh don’t you make it my dyin’, dyin’, dyin’… » Fin abrupte de In My Time Of Dying. Presque bordélique. Encore heureux qu’ils finissent sur le même temps… Et pourtant : l’un des plus belles fins de l’histoire du rock. Fin de la face A aussi. Une petite info avant de quitter et de se retrouver bientôt pour l’épisode #5 ? Les trois dernières rééditions de Led Zeppelin, avant que Jimmy Page ne reparte enfin on the road (fin 2015 ? début 2016 ? désolé, nous avons perdu son numéro de portable…), devraient arriver avant l’été. Croisons les doigts.

Frédéric Goaty & Julien Ferté [A suivre]